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Critique de enjie77


« La vraie vie est une vie vécue et recréée et repensée par l'Ecriture » Marcel Proust

« Avec cette écriture à la manière de Proust, tout d'un coup, je sens que je peux recréer toute cette vie perdue et recommencé à vivre » François Cheng.


Né de l'imaginaire de l'auteur (je suppose), Tianyi, cet ami peintre dont François Cheng nous relate l'histoire, possède une petite part intime de François. de même, François est aussi à l'image de Tianyi bien qu'à un instant de la narration, l'auteur évoque une divergence de chemin, de destinée.Tout en lisant cette fiction, j'avais le sentiment de découvrir la personnalité de François. L'auteur se dévoile dans ce récit au travers des réflexions philosophiques de Tianyi, de ses interrogations face à l'existence, de sa quête spirituelle, hanté par la question du mal. J'ai ressenti l'exilé dans les profondeurs du récit, un amour de la Chine bien qu'il soit à même de raconter son pays sans omettre les atrocités qui s'y sont déroulées. L'écriture enchanteresse, poétique, sensuelle ne peut masquer un chant perceptible au lointain, une mélopée venue du plus profond de l'âme de François. Il tient à coeur de nous faire découvrir son pays. Les mémoires de son ami Tianyi relatent les pérégrinations à travers cette immensité chinoise marquée par les années de guerre civile entrecoupées de huit ans de guerre sino-japonaise pour évoquer en dernier la terrible Révolution Culturelle. Un demi siècle d'histoire défile sous nos yeux où la grande et la petite histoire s'interpénètrent mutuellement, se répondent, et où la terre chinoise imbibée de larmes, de souffrance, s'apparente à un champ de bataille où toute vérité est violée et toute valeur humaine piétinée. Et malgré cela, tout au long de ses cinq mille ans d'histoire, le peuple chinois n'a jamais renoncé à son instinct de survie totalement habité par l'esprit de Confucius ! le parcours de Tianyi que je qualifierai "d'errance" est un véritable enseignement pour moi, occidentale.

« L'univers tyrannique est plein de fureurs, de frayeurs et de failles. L'humain profite de la moindre brèche laissée par l'inhumain pour germer et croître » page 338.

On y retrouve l'Amante sous les traits de Yuméi, l'amitié sous les traits de Haolang. Cette relation à trois créera des liens inextricables et comme dans « l'Eternité n'est pas de trop », l'Amour est passion, absolu, mystique, renoncement. Et le nombre Trois ici prend tout son sens symbolique : conciliateur des oppositions nécessaires et fécondes, le Nombre 3 ramène à l'Unité.

« Me crois-tu ? Un jour tu me croiras. Tu es celui que j'aime le plus au monde. Tu es mon innocence, tu es mon rêve. Maintes fois dans ma nuit, j'ai rêvé de toi, comme à une éternelle enfance. Je suis ta soeur, je suis ton amante. Mais dans cette vie, nous ne seront pas un couple ». Page 185

Parue en 1998, ce livre a reçu le Prix Femina. Cette oeuvre est remarquable, riche de sens cachés, fascinante, je pense la relire. Mais ne vous y trompez pas, si la plume est ensorcelante, poétique, ce récit passionnant est cruel, notamment, dans sa troisième partie où rien n'est épargné au lecteur mais tout doit être DIT.

« En attendant, il suffit au témoin qui n'a plus rien à perdre, toutes larmes ravalées, de ne pas lâcher la plume, de ne pas interrompre le cours du fleuve » - « le mal se nicherait-il au coeur de la Beauté »
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