J’ai toujours dit que c’était moi qui l’avais vu en premier, mais lui a toujours soutenu que ce n’était pas vrai.
Techniquement, je ne l’ai pas vu d’emblée — je l’ai senti, j’ai senti sa musique courir sur ma peau. Les notes et les accords de son saxophone envoyaient des frissons le long de ma colonne vertébrale. C’était magique, la façon dont les notes dansaient dans l’air, c’était d’une beauté hallucinante.
Chaque fois que je pensais à la maison, ce n’était pas à un lieu que je pensais. Je pensais à des gens. Je pensais à ceux qui m’avaient forgée pour que je devienne la femme que j’étais devenue, ceux qui m’aimaient avec mes cicatrices et me disaient que ces cicatrices étaient belles, ceux qui m’avaient autorisée à faire des erreurs sans pour autant cesser de m’aimer.
J’ai passé toutes ces années à essayer de devenir fort. Je pensais que la force était un problème essentiellement physique. Je pensais que j’acquerrais de la force en soulevant de la fonte, en étant capable de me battre avec mes poings, mais j’avais tort sur toute la ligne.
Je me raclai la gorge, en m’efforçant de contenir mes propres émotions.
– J’ai appris qu’être fort, c’est réussir à se lever chaque matin alors que notre monde s’écroule autour de nous. J’ai appris qu’être fort c’est se pointer le jour de l’anniversaire de son fils, même s’il est distant. Être fort, c’est continuer à aimer les êtres qui nous sont chers même lorsqu’ils sont fracassés. Être fort, c’est s’endormir en pleurant et se réveiller chaque matin en croyant toujours à la beauté. Être fort c’est être capable de pardonner. Ce que tu fais aujourd’hui — c’est ça, la force. Tu es tout ce-cela, M’man. Tu es mon roc, mon héros. Sans toi, je ne serais rien.
Non. Parfois, il n'est pas nécessaire de parler, Elliott. Parfois, il suffit de prendre le temps de ressentir ce qu'on a besoin de ressentir, avec quelqu'un à ses côtés pour se rappeler qu'on n'est pas seul.