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Jeudi, c'est anarchie !
Vendredi étant parti en tournée ou Tournier dans les limbes du Pacifique, J.K Chesterton nous fait pénétrer clandestinement au sein du conseil européen de l'anarchie qui manigance un attentat sanglant à Paris. Chacun des membres de cette turbulente amicale du désordre porte comme nom de code un jour de la semaine. Bon, par un heureux hasard, ils ne sont que sept.
Syme, un poète débauché par Scotland Yard parvient à infiltrer l'organisation et il s'empare du siège vacant de monsieur Jeudi. C'est l'académie des poseurs de bombes. On passe du policier au vaudeville quand Jeudi découvre peu à peu que d'autres membres du cercle sont comme lui des agents déguisés. C'est le carnaval de Bakounine. Où sont les vrais apôtres du chaos ?
Au sommet, trône dimanche, joueur du seigneur et des saigneurs, être mystérieux qui au fil de l'histoire prend une dimension métaphysique et divine. Tous les chemins mènent à Rome, surtout les impasses imaginaires, et derrière cette histoire un peu folle, se cache la lente conversion de l'auteur vers le christianisme. D'abord familier avec les idées socialistes et tutoyant l'anglicanisme, le journaliste, polémiste, poète et écrivain se forgera de nouvelles convictions et ce roman apologue (je fais mon malin wikipédien !) n'est pas aussi innocent et léger qu'il n'y parait. Ici, il ne faut pas lire entre les lignes mais derrière les mots, aussi déguisés que les personnages de cette savoureuse imposture parue en 1908.
J'adore la démesure de Chesterton à l'image de son physique d'ogre : 130 kilos sur la balance pour un 1,90 m à la toise. Pas très Proustien le Gilbert. Il devait enfourner la boîte entière de madeleines au goûter. Son écriture n'est pas davantage chétive. Père du père Brown, en désaccord avec tout le monde, y compris lui-même, réactionnaire souriant, écrivain du paradoxe, Bernanos du boulevard, Bloy outré de la Manche, il enrobe ses critiques dans un humour aussi fin que sympathique.
Il ne pouvait être réédité que par une maison qui s'appelle L'arbre vengeur !
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Publié en 1908, c'est le deuxième roman de l'auteur. L'édition dans laquelle je l'ai lue, propose une nouvelle traduction ; la traductrice dans une longue préface explique son soucis de vouloir être plus fidèle à la version originale que ne l'a été la traduction historique, dans laquelle le roman porte le titre "Le nommé Jeudi". C'est sous ce titre qu'on trouve presque systématiquement le livre mentionné en français.

Le livre commence par une sorte de duel entre deux hommes que tout semble opposer, bien que tous les deux se revendiquent poètes. Gregory, un rouquin anarchiste, qui exprime l'idée que le poète est forcément un révolutionnaire et un destructeur, et Syme qui glorifie la loi et l'ordre, pour qui un train qui arrive à l'heure à l'endroit prévu est de la poésie pure : « Ce qui est rare et étrange, c'est justement arriver à destination ; la manquer, c'est grossier et commun ». Syme manie la rhétorique d'une manière redoutable et humilie Gregory, qui pour essayer d'avoir le dessus, amène son adversaire, en lui faisant jurer le secret, à une réunion d'anarchistes. Syme jure, mais avoue faire partie de la police et être là pour démasquer les anarchistes justement. Son serment le lie et l'empêche de dénoncer les membres de la société secrète, mais Gregory est piégé également : il a juré de ne pas dénoncer Syme comme policier. Ce dernier, arrive à convaincre les participants de la réunion de ses convictions, au point qu'il est élu à la place de Gregory comme membre d'un conseil secret, en tant que « Jeudi ». Cela lui permet d'être invité à une rencontre où les membres les plus influents du mouvement sont présents, tous portant le nom d'un jour de la semaine. le chef, impressionnant et redoutable se nomme Dimanche. Un attentat contre le tsar et le président français se prépare. Syme veut le déjouer, mais il est tenu par sa parole, et doit donc affronter seul les autres membres du comité. Qui se révéleront au final faire également partie de la police, sous des déguisements. Les six policiers vont désormais traquer le redoutable Dimanche, qui les engage dans une étrange poursuite.

C'est un mélange étonnant que ce roman. Il a des allures de roman policier, d'espionnage, d'aventures, mais avec une dimension métaphorique et métaphysique. Rien n'est certain dans le livre, comme les prétendus anarchistes, qui se dévoilent comme des policiers, en abandonnant leurs déguisements inquiétants. La notion du double, de l'opposé, du complémentaire, est au centre du récit. Les deux poètes antinomiques, les anarchistes-policiers, mais aussi Dimanche, qui révèle être le mystérieux homme dans le noir, qui a recruté les 6 hommes pour rentrer dans la police.

Londres ville-monde, est au coeur du récit. Mais elle est au centre de l'Europe et du monde. le périple de nos policiers les amènent en France, pour tenter de sauver le tsar russe. Les déguisements de nos hommes font du Mardi un Polonais, du Mercredi un Français, du Vendredi un Allemand, et du Samedi un Américain. Les enjeux dépassent donc très largement un cadre britannique, le monde est déjà d'une certaine manière globalisé, et ce qui se passe à un endroit a une résonance partout.

La fin est allégorique, les différents personnages revêtent des tenues qui évoquent la Genèse, ou plus exactement ce que la Genèse associe à chaque jour de la semaine. Dimanche ayant évidemment le rôle divin, même si on peut discuter de quel Dieu il s'agit. Chesterton n'était pas encore à l'époque converti au catholicisme, l'interprétation du livre dans l'optique unique de cette conversion future me paraît donc un peu réductrice.

Cette rapide présentation laisse un peu de côté ce qui fait en grande partie le plaisir du livre : un sens de l'humour basé en grande partie sur le non-sens, spécialité éminemment britannique, comme on le sait. Il y a des passages à proprement parlé hilarants, si on veut laisser un peu de côté la vraisemblance et la logique pure et dure.

Et la complexité du roman, ses différentes couches, les interprétations multiples auquel il peut donner lieu, permettent d'envisager plusieurs lectures, qui ne seront jamais tout à fait les mêmes.
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Voici un objet à deux visages dont on ne sait distinguer lequel est face et l'autre pile, lequel serait un essai philosophique et l'autre un roman, lequel nous intéresse et l'autre moins. Tout au long de la lecture de ce livre attachant, j'ai oscillé entre ses deux aspects, livre à tiroirs ou simple mise en scène dont le dessein ressemble plus au Banquet de Platon qu'à un livre d'Agatha Christie, mais dont le mouvement, souvent adroit et surprenant, donnent à chacun de ces deux aspects un côté indécis.
J'entends hurler ses partisans, pour qui ce texte donne à la métaphysique chrétienne une forme populaire de symbolisme un siècle avant Maurice Dantec, et qui voient en cette oeuvre le préau monumental construit au-dessus de l'école de pensée occidentale, sacralisant sa grandeur, sa souffrance et sa perfection poétique. On lit dans ce livre – qui sait d'ailleurs être surprenant, le renversement des valeurs opérant à l'intérieur est une fulgurance digne de respect - que la préoccupation principale du monde tient en la terreur qu'inspirent les anarchistes aux habitants de ce Paradis. le Mal rôde, il faut le combattre. Mais comme personne n'est réellement ce que les autres pensent qu'il est, il est possible que tout le monde ne soit que ce que les autres font de lui, y compris donc, Dieu et le Diable, et inversement. C'est clair. Bien, quand on sait que ce livre a été édité en 1908, on comprend ce que la pensée de Chesterton avait de déplacée au regard des violents courants de nationalisme qui allait projeter violemment semblable contre semblable, lui qui ne lisait dans la folie de ses contemporains qu'une opposition entre ceux qui s'inspirent des voyages et ceux qui préfèrent les destinations.
Chesterton parle de souffrance, de doute, de quête dangereuse à accomplir avant de pouvoir trouver le salut. Croit-il vraiment que l'ennemi est partout et seulement à l'extérieur ? On assiste a plusieurs retournements de situations qui fondent la philosophie des apparences, personne n'est vraiment ce qu'il est, et c'est intéressant. Mais l'oeil, le prisme par lequel est vécue cette aventure reste désespérément celui de l'innocence. Tout est extérieur. Syme, le héros, est ballotté dans son cauchemar comme le spectateur de sa propre vie, à aucun moment, il n'agit vraiment, il ne décide et ne doute de lui-même. C'est le tord de ce livre suranné, n'avoir pas su lire sur la peau des hommes cette vérité trouvée dans Platoon : « We did not fight the enemy; we fought ourselves. The enemy was in us. »
Seulement, bien que mon observation soit négative, la qualité de son écriture contrarie les regrets dûs à son propos. Ce n'est peut-être pas son meilleur ouvrage et je veux bien le croire. Car il s'y dégage une qualité narrative qui m'a souvent impressionné, principalement dans les premières cinquante pages ou j'ai vraiment cru tenir un chef d'oeuvre. Voilà le dilemme : même après son achèvement et tout ce que je peux en dire, je ne peux m'empêcher d'y penser avec chaleur et respect, c'est là sûrement le dernier tour que nous joue Chesterton : rien n'est vraiment ce qu'il y parait, même pour ceux qui veulent bien le lire.

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Le Nommé Jeudi s'ouvre sur une joute oratoire entre Gabriel Syme, un poète prétextant que la beauté se trouve dans l'aspect ordonné des choses, et Lucien Gregory, un anarchiste considérant qu'au contraire, l'homme qui jette une bombe est un artiste, parce qu'il préfère à toutes choses la beauté d'un grand instant. Ces deux visions opposées représentent un leitmotiv de l'oeuvre de Gilbert Keith Chesterton, ou GK (à ne pas confondre avec JK, le chanteur cocaïnomane de JAMIROQUAI), l'un des auteurs anglais les plus prolifiques et influents du début du XXème siècle. Tour à tour journaliste - il est rédacteur en chef de The New Witness succédant à son frère mort au front, puis de GK's Weekly - satiriste et romancier, G. K. Chesterton a fait sien le principe du paradoxe, comme Oscar Wilde ou George Bernard Shaw, deux auteurs...

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j'ai aimé le début, pas la fin.
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Deux poètes font assaut d'éloquence puis concluent la paix autour d'un verre de Champagne, le premier Grégory qui se présente comme « anarchiste sérieux » propose au second nommé Syme de rejoindre un cercle Les Nouveau Anarchistes, dont le chef se fait appeler Dimanche et dont le conseil est formé de sept membres ayant un jour de la semaine pour pseudo.

Avec habileté, Syme au grand dam de Grégory réussit à se faire nommer sur le siège vacant de Jeudi. le lecteur apprend ensuite que Syme est en réalité un policier que l'on a chargé d'infiltrer les anarchistes car ceux-ci sont la hantise des autorités en ce début de vingtième siècle.

Cette introduction alléchante est malheureusement suivie d'un développement plutôt laborieux et finalement répétitif où nos anarchistes se révèlent sous des jours inattendus. Si dès le départ le ton est celui de la comédie, si les dialogues sont imprégnés d'humour très british, un glissement progressif vers le grotesque voire l'absurde s'effectue dans la seconde moitié du roman qui est plutôt décevante.

Eu égard à la stature de G.K Chesterton auquel les critiques accordent une place majeure dans le roman anglais, le devoir du lecteur est de se prendre la tête à deux mains et d'essayer de comprendre en quoi le nommé Jeudi est, à l'unanimité, un chef d'oeuvre.
Au-delà de la comédie endiablée (mais est-ce un terme approprié ?) le deuxième degré religieux est assez évident : sept jours de la Genèse, sept anges, le grand chef que l'on ne voit pas mais que l'on croit, le chemin de Damas de Syme… etc. ; reste que tout cela est bien tiré par les cheveux et de toute façon me passe au-dessus du casque. Peut être est ce simplement un pamphlet contre l'anarchisme qui n'existerait que formé de groupuscules par d'hypocrites militants, largement noyautés par des policiers menant leur mission comme un sacerdoce.

Pour le fervent catholique Chesterton, drôle d'idée de choisir jeudi pour le chemin de croix du lecteur.
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Quel homme mûr n'a pas tremblé d'appréhension en rouvrant, après plusieurs décennies, l'un des livres fétiches de sa jeunesse? Grâce soit rendue aux Éditions de l'Arbre vengeur, aucune déconvenue ne m'a frappé à la lecture de L'Homme qu'on appelait jeudi, la nouvelle traduction de The man who was thursday de G.K. Chesterton: bien au contraire! Après avoir rectifié le contresens le plus précoce de l'histoire (deuxième ligne de la version Gallimard!), Marie Berne, la traductrice, restaure les couleurs flamboyantes de ce cauchemar rouge vif sans en éclipser pour autant la divine fantaisie, et, livrant pour la première fois au lecteur français l'étrange poème-dédicace qui ouvre le roman, elle en dévoile l'inspiration stevensonnienne.
La bombe la plus détonante jamais fabriquée par l'artificier Chesterton!


Lien : https://bibliogite.jimdo.fre..
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Littérature EXPLOSIVE 💣 !
"L'histoire" de la traduction de ce livre est aussi surprenante que le roman en lui-même…
Marie Berne (la traductrice actuelle) nous raconte très bien "sa rencontre" avec ce texte dans sa langue originelle du XXème siècle, pourquoi cela a été un véritable bouleversement et une déception aussi lorsqu'elle a découvert la version française de 1911 complètement brouillonne et accablante 😱!

Tant et si bien… Qu'elle en est venue à travailler sa propre traduction de l'oeuvre de Chesterton (sans être officiellement traductrice ou même bilingue anglais !). Si ce n'est pas de l'amour, ça y ressemble !

C'est sa traduction que vous allez lire aujourd'hui aux éditions de l'Arbre Vengeur.

Bien calé sous un plaid épais, en ayant pris le temps de lire l'introduction pour replacer le contexte historique, en comprendre les subtilités, c'est parti : accrochez-vous !

Car ce livre risque de vous secouer les méninges : quand on pense que ce thriller hautement rocambolesque (et funny) arrive à son paroxysme, Chesterton en rajoute une couche kafkaïenne !
Un complot anar' absolument fou !
Je dois dire que cette lecture a complètement dégrisé mon début d'année tout frais (ou c'est peut-être bien le contraire 😁).
Lien : https://www.xn--rdactrice-b4..
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J'avais lu ce roman en anglais et j'avais trouvé génial le style de l'auteur, l'humour, la finesse des réflexions...Petite déception avec la version francaise, qui s'éloigne un peu de l'esprit de Chesterton, voire fausse parfois le sens du texte original. A quand une nouvelle traduction ?
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Un conte loufoque et brillant qui se joue des sept jours de la semaine et de la création.
Chesterton qui allie , à la fois, fantaisie britannique , humour anglais et culture biblique offre aux lecteurs une histoire rocambolesque.
Il mêle et entrelace anarchie et droit, poésie et mystère, violence et douceur.
Le célèbre écrivain londonien promène son héros Jeudi dans les vieux quartiers de la capitale.
Il décrit , magnifiquement, les superbes paysages du Sussex ou dessine, délicatement, les cieux colorés des automnes humides.
Grâce à ces descriptions sublimes et à l' intelligence du romancier, j'ai lu cette fable , avec intérêt et un léger sourire.
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