Epouse, le seigneur l’avait enfermée à clef, d’abord. Ensuite l’avait engrossée, sept fois coup sur coup. De sorte que, privée de bonne et allaitant- ou enceinte- la porte ouverte n’avait plus d sens pour elle. Son dernier voyage datait du dernier jour de ses noces
Un jour vous fûtes nubiles. Et depuis, vous n'avez cessé d'être mortes.
Alors il y eut toi. Toi le poison. Et je ne sache pas que la Résidence se fût employée à faire chez nos fils aboutir son apport culturel sous forme de poison ; ou, si c'est intentionnel, il y a violation d'âme, en tout cas du jour où tu as fréquenté un lycée, tu n'as été que celà, poison. Tu voyais partout des injustices sociales et disais-tu, chez un même individu, d'un instant à l'autre, des injustices temporelles : qui donc te demandait de les voir ? et qui diable t'a enseigné que ce fussent là des injustices ? des aigris tu voulais réconforter - chevalier errant au siècle du marché noir ! -, des opprimés tu brandissais tel un drapeau, tu semais la rébellion parmi tes frères et tu vidais mes provisions de mon grenier à des chacals qui sitôt après s'en sont allés reprendre leur bonne vieille mendicité, un sac d'orge ou d'avoine suffisant pour les ébranler ? Tu rigoles ! Le poison, tu l'as injecté jusque dans l'extrême résignation de ta mère. L'idée d'une révole ne lui fût jamais venue à l'esprit. Tu l'en as bourrée. Elle en est morte.
-- Et l'armée française a capitulé sur le front de Tunisie, hurla le barbu, bonne nouvelle! Mon fils y est resté, grêlé de balles, mauvaise nouvelle! Cependant, je viens d'apprendre que ma nièce se faisait niquer par des négros américains, juste équilibre des choses, si l'on veut..., et pourquoi pas ? Cependant, l'Eternel est immuable et nous attendons, plantes, bêtes et gens, que le ciel pisse sa pluie.
Tu n'as jamais cru en Allah, tu sais disséquer les légendes, tu penses en français, tu es lecteur de Voltaire et admirateur de Kant. Seulement le monde occidental pour lequel tu es destiné te paraît semé de bêtises et de laideurs, à peu de chose près les mêmes laideurs et les mêmes bêtises que tu fuis. De plus, tu le pressens hostile, il ne va pas t'accepter d'emblée. Et, sur le point d'échanger la loge que tu occupes contre un strapontin, tu as des reculs.
Je humai le pain, animal, instincts forts, foin des sentiments et des mots, estomac rétréci par vingt heures de jeûne. "Quoi que tu fasses, quoi que tu sois, tu seras un pantin. Parfois nous t'oublions intentionnellement et tu en profites pour te construire des ponts, des ailes, des rêves chimériques; puis nous étendons la main, te secouons un bon secouement et te revoilà pantin."
Ces affamés et moi nous ressemblons : nous sommes fonction, eux de treize siècle d'Islam, moi du Seigneur, cristallisation de l'Islam. Et nous sommes dissemblables. Pour la même raison. Un loup est plus à craindre qu'une bande de louveteaux.