AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Darkcook


J'adresse, avec cette critique, mon mea culpa à l'âme d'Agatha Christie, je l'implore de me pardonner... Mon culte envers l'épisode avec David Suchet tiré du roman était tel que, lorsque j'ai entamé ma lecture et constaté peu à peu que, comme je l'avais lu partout sur Internet, l'adaptation avait été d'une infidélité et d'une liberté extrême, j'ai stoppé au bout de quelques 30 pages, trouvant jusque-là l'épisode meilleur et craignant la déception. Erreur!! ERREUR!!!! Monumentale!!! Comment peut-on penser être déçu par Agatha Christie??? Outrage blasphématoire, que j'ai réalisé en réouvrant le livre quelques semaines après, en tombant sur de merveilleux passages entre Sarah King et le Dr Gérard, dissertant du monde et des humains en plein désert face au crépuscule infini, sur les manigances ignobles de la Boynton, et sur une écriture parfaite, toujours aussi shakespearienne et flegmatique. le livre et l'épisode sont on ne peut plus distincts, on dirait que les adaptateurs de la BBC ont voulu créer une version alternative, à la manière de Pierre Bayard qui a réimaginé le Meurtre de Roger Ackroyd avec une autre solution et coupable... Mais bon, la dose de psychologie et de beauté purement livresque et textuelle était telle que le challenge était peut-être trop ardu cette fois-ci.

Mais passons. Je conseille ce Poirot à tous les amateurs de l'auteur et du personnage. Il fait partie des quelques-uns où l'on déserte l'Angleterre pour les pays exotiques, plus précisément à Pétra, rien que ça, cadre grandiloquent, théâtral, d'exil, où les personnages sont en proie à leur méditation habituelle, le désert accentuant leurs contemplations... Comme je le disais, le meilleur réside dans la première partie, et les excursions, où le Dr Gérard et Sarah King glosent à propos de psychologie de l'espèce humaine, notamment quant à la future victime, ordure abjecte que la Boynton... Et c'est là qu'on se dit que Rendez-vous avec la mort est essentiel : la victime du meurtre méritait de délester ses contemporains, tout le monde est soulagé par l'évènement, qui punit ses méfaits, comme dans le Crime de l'Orient-Express, et, plus tard, dans Poirot quitte la scène. Poirot, si sentencieux, a passé sa vie à condamner l'homicide, mais avait fait une entorse à la règle à bord de l'Orient-Express. La similitude est soulignée par Sarah King, qui lui envoie au visage lorsqu'il l'interroge. Agatha Christie est, pour beaucoup, au sommet de son art dans les années 30 (une partie du public voit son travail d'après 1945 de moins grande qualité, et si c'est assez vrai, un Agatha Christie moyen reste de la bonne littérature et un moment de pur régal, du moins pour moi). En 1938, date à laquelle elle écrit Rendez-vous avec la mort, on se dit qu'elle concocte sans doute déjà l'idée qui domine la fin de Poirot (écrite en 40 même si publiée en 1975), le dénouement de ses éternels et immuables principes quant à la vie humaine, l'éventualité qu'il finisse par passer à l'acte pour ôter du monde des vivants un scélérat de la pire espèce, qui aurait échappé sempiternellement à la justice... Mais oups, j'en dis trop pour ceux qui n'ont pas lu le chef d'oeuvre couronnant la carrière du détective belge à l'embonpoint et aux célèbres moustaches...

Rendez-vous avec la mort n'est donc pas qu'un Poirot oriental qui voyage, c'est un Poirot de transition dans la série, pont entre L'Orient-Express et Poirot quitte la scène. Agatha Christie fait de nombreuses allusions à ses autres romans, mentionnant L'Orient-Express, ABC, Cartes sur Table... Et cerise, les références à Shakespeare pleuvent, aïeul de sagesse et maître à penser d'Agatha, notamment avec un merveilleux épilogue qui offre une très belle fin pour des personnages en souffrance. L'énigme à proprement parler est des plus diaboliques, et mérite bien la longue et détaillée explication de Poirot... le coup du "least likely", ça marche toujours!! Mais j'avoue toujours bien aimer, en parallèle, la voie alternative qu'avait concotée la série TV...

RDV dans la rubrique Citations pour découvrir quelques perles du Dr Gérard et de Sarah King!
Commenter  J’apprécie          240



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}