Quand je vois dans une pub un agriculteur bien propret caresser tendrement le flanc de son unique vache, je ris jaune. Non en fait : face à tant d'hypocrisie, j'ai envie de mordre, et pas dans un steak.
C'est pas ça, la campagne, pas du tout.
En revanche, dans ce récit d'Agnès de Clairville, il y a tout : l'animalité (des bêtes & de ceux qui s'en occupent pour les exploiter et/ou les tuer), et les odeurs qui l'accompagnent. La rudesse des gestes, des voix, des mots, des actes humains. La violence, même - pas forcément sadique, mais bel et bien présente.
Et pour tous : la naissance, la faim, le sexe (rarement choisi par la femelle), les inséminations, l'effort, la souffrance, la sueur, le lait, le sang, la mort.
La campagne, c'est pas bucolique ; c'est cru, ça crie, ça suinte, c'est sale, ça pue.
A la ferme et autour, règne la loi du plus fort, selon une hiérarchie construite socialement - l'homme en haut, le plus souvent, qui a domestiqué 'ses' animaux ("A la ferme, les animaux doivent servir"), et qui chasse ceux restés sauvages. Un cran sous l'homme, la femme. Après : l'enfant, qu'on n'a pas le temps d'écouter. Faut pas être trop tendre avec les gosses, ça les rend faibles.
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Dans ce récit original et exigeant,
Agnès de Clairville donne la parole aux animaux, mais pas à la façon d'Orwell. Une vache, un chat, un chien, une pie décrivent le travail des "maîtres", leurs tâches du quotidien, les longues journées de labeur et leur fatigue, l'inquiétude, la tristesse. Ils évoquent aussi leur propre existence, pas si paisible ni passive qu'il n'y paraît : la survie est un effort constant pour les animaux sauvages, et les bêtes de la ferme sont exploitées.
Le regard de ces quatre animaux est sensible, notamment sur la maternité et l'instinct de protection à l'égard des petits, instinct aussi fort chez la femelle que chez la femme (d'ailleurs, est-ce que ?.....). Leur sensibilité apparaît également dans des manifestations de solidarité entre pairs, dans l'homosensualité, et dans les relations de tendresse avec certains humains (le chien, surtout ♥, et le chat, plus discrètement).
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Bref, ces animaux ne sont ni bêtes ni méchants - pas plus que le maître d'ailleurs, même s'il sépare les veaux de leur mère dès la naissance ('Les produits laitiers sont nos amis pour la vie' ♪♫), même s'il ne se soucie guère d'affamer le chat, au contraire "il nous débarrassera mieux des rats", même s'il flingue lièvres, faisans, chevreuils...
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Cet ouvrage a plein de qualités, et j'aurais aimé l'apprécier sans réserves, comme le précédent roman de l'auteure '
La poupée qui fait oui'. Hélas, la lecture en est fastidieuse, car la narration change et il faut être très concentré pour se mettre tour à tour dans la peau d'une vache, d'un chien, et surtout d'un chat et d'une pie. J'avais beaucoup de mal à suivre ces deux derniers, à m'intéresser à leurs voix.
De plus, les éléments sont parfois redondants, car narrés par plusieurs observateurs... ou à l'inverse, énigmatiques si les fragments d'informations donnés sont difficiles à recouper.
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Bref, l'idée est géniale, et les thèmes développés m'intéressent (même si la barque est chargée), mais le livre n'est hélas pas agréable à lire, à cause de la narration et parce qu'il décrit un univers que je n'aime pas : la campagne et les agriculteurs, tels que je les ai connus dans les 70's-80's, guidés en outre par une religion liberticide.
Le cadre est un peu plus récent, ici, puisque "le maître" utilise un logiciel dès le début, et l'histoire se déroule sur une vingtaine d'années.
Je n'ai pas compris la fin, et ça, c'est frustrant, après avoir autant peiné pour aller jusqu'au bout.
le curé serait le père d'un des bébés, alors que les analyses ADN ont prouvé que les trois enfants retrouvés sont ceux du couple ? ou non, justement, mais il aurait aimé ? ou alors il y a d'autres cadavres ?... que découvre le cadet avec les dates sur la pierre tombale ? que d'autres ont été tués AVANT lui, et qu'il s'en est fallu de peu que son sort soit identique ?