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Les factures, les maladies, les naissances… C'est beaucoup de tracas, une ferme. Même les bêtes en ont conscience. Et puisque les humains sont si taiseux - “chez nous, on cause pas, c'est comme ça” -, Agnès de Clairville laisse les animaux écouter, voir et raconter.

Chacun leur tour, chacun à leur façon, ils rendent compte des événements de ce corps de ferme. D'abord les porcs, tous en choeur, impossibles à rassasier, toujours affamés. Et puis la vache, qui connaît si peu de choses des humains - “des cris, des avance, des doucement, des voilà.” La chienne, généreuse, loyale quoi qu'il arrive, sensible aux odeurs, attentives à celles, acides, du sang et de la transpiration. le chat, si peu sentimental, presque indifférent - “nous avons nos aventures, les humains ont leurs histoires” -, le seul pourtant à avoir accès à l'intimité humide des chambres à l'étage. Et enfin la pie, elle qui voit plus loin du haut de son peuplier, jusqu'au cimetière.

L'histoire avance grâce à une accumulation de détails, perçus à hauteur de bêtes, sur près de vingt ans. Des détails, anodins ou cauchemardesques, qui méritent toute notre attention. Les gestes brusques du fermier, l'abattage de la moitié du troupeau, la voix douce et épuisée de la fermière, la mort d'un chiot, quelques mots prononcés par un gendarme, le silence besogneux de l'aîné, les sanglots du cadet à peine couverts par le ronron du chat.

Dans ce huis-clos paysan, ce livre-enclos, le lecteur est comme une bête. Domestiqué par la construction du récit, apprivoisé par l'alternance des points de vue, il flaire le drame avant de le comprendre. Pour la chienne qui prend de l'âge, pour les oiseaux à portée de griffes, pour les couvées trop nombreuses.
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Une ferme, des éleveurs qui survivent inquiet par les factures, du bétail à s'occuper et des enfants qui grandissent.
Une vie rythmée par les tâches, la routine, la vie et la mort.

Un roman social perturbant et immersif avec une force d'écriture incroyable.
La plume de l'auteure est ciselée, avec parfois de jolis mots ou tout l'inverse.
Dans cette ferme, le maître, ou la femme ne nous raconte rien, mais les animaux eux oui.
Tout ce qui se passe dans cette ferme en péril, c'est la vache pie noir, le chat tigré, la chienne Épagneule, la Pie ou bien le choeur des porcelets qui à travers leurs yeux nous dicte l'histoire.
Plusieurs thèmes abordés avec toutes les difficultés, le manque d'argent et d'amour.
Pas de câlins, pour les bêtes ou même les humains, pas de mots doux, ici à la ferme pas le temps n'y la place à tout ce bonheur.
Le récit est poignant, l'auteure s'exprime particulièrement sur la mise au monde, la force mentale qu'a une mère à protéger le ou les petits hêtres tout juste sortis de leur piscine. Un déchirement à chaque fois, pour une vache ou une chienne à qui on retire sa progéniture.
Si les hommes sont aveugle, les animaux eux témoignent sur la tragédie qui s'abat sur la ferme.
Le récit est incroyablement réaliste, cela nous fait voir certaines choses différemment dans ce huis clos à ciel ouvert.
J'ai trouvé cette lecture agréable par l'écriture et aussi tellement poignante.
Ce roman me parle beaucoup pour avoir vécu certains passages moi-même à la ferme des grands-parents.
Ce livre est grandiose par son style.
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Certaines lectures marquent l'esprit et le corps, ce livre-ci en fait partie
Mon immersion dans l'écriture d'Agnes de Clairville a été immédiate, j'ai été happée, comme si un courant fort m'avait entraînée
L'histoire est racontée par les animaux qui gravitent dans et autour de la ferme, le procédé n'avait pas pour objet d'apporter de la distance face à la violence et l'âpreté de cet univers, plutôt de montrer sans l'écrire que l'humain est un animal comme les autres
Personnellement, j'ai tout pris en pleine figure, failli vomir toutes mes tripes à certains passages et été très fortement atteinte par cette histoire de la violence ordinaire, celle de la rudesse de la vie à la ferme et celle, plus sournoise, du silence
J'ai pour autant éprouvé la nécessité de poursuivre ma lecture jusqu'au bout, malgré la solastalgie, malgré la sensation d'effroi, bien m'en a pris car une forme d'apaisement partiel m'y attendait, une sorte d'acceptation du flot de la vie
Corps de ferme écrit un monde, notre monde, sans rien en occulter, la fange de la vie et c'est très fort
Je vous conseille de lire l'excellent article du Monde après le livre pour ne pas vous en divulgâcher toute la trame
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On ne va pas se mentir, ça partait mal. Parce que lorsqu'il est question du monde paysan, j'ai un niveau d'exigence très haut. Parce que ça touche à mon enfance, au milieu d'où je viens, à une réalité que je connais bien. J'ai toujours peur de la caricature, de l'inexactitude, je me pose en avocat d'une cause qui n'est pourtant plus la mienne.
Le premier chapitre a été terrible. Je n'ai pas aimé cette petite vache au vocabulaire si peu développé. Et la scène de l'écornage que j'ai du relire trois fois pour la comprendre n'augurait rien de bon.

Et pourtant... la chienne et le chat sont arrivés et j'ai commencé à me prendre au jeu de cette humanité vue à hauteur d'animal. A ces humains, le dos courbé, la tête basse qui font face à l'adversité et avancent là où d'autres auraient abandonné. Une engeance qui a finalement aussi peu de mots que les animaux autour. Parce qu'ici on naît taiseux. On ne sait pas dire. On n'ose pas dire. On pourrait parler de cliché. Si ce n'était pas si juste, encore aujourd'hui.

Le rapport homme/animal est particulièrement bien amené. le corps est omniprésent, notamment en lien avec la maternité, il y a une forme d'égalité. Il est question de sang et de lait, de vie ou de mort. de petits qui grandissent ou non ou un peu de guingois. du déchirement de la séparation et de déni.

Tout est malin dans ce texte et j'ai souvent murmuré un "bien joué" : l'arrivée de la pie, la jolie surprise de la deuxième partie, la phrase d'un gendarme, le dessin du cadet, une scène de chasse, une nuit sans sommeil. Bien joué parce que tout ça sonne vrai et embarque le lecteur. Il y a parfois des maladresses, oui. Une scène de sexe féline qui m'a fait hausser un sourcil (ce n'est pas bon signe quand je hausse un sourcil). Une histoire parallèle avec un entraîneur de foot qui me semble être de trop. Mais sur le sujet principal, c'est malin et crédible puisque cela peut parler autant à ceux qui connaissent ce monde qu'à ceux qui ne le connaissent pas. Parce qu'il y a du fait divers qui parlera à tous. Et des clins d'oeil qui toucheront les plus avertis.

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Vivre la vie de la ferme à hauteur d'animal : quelle proposition osée, mais nécessaire et non moins périlleuse !

Dans ce roman choral, l'auteure renverse tous les regards et "donne la parole" aux animaux de la ferme pour qui la vie et la mort sont, au quotidien, une triste ritournelle. Que peuvent bien ressentir au plus profond de leurs êtres la vache pie noir, la chienne épagneule, le chat tigré et la pie du peuplier dans cette ferme où les non-dits sont rois, les émotions sont cachées et les différences des uns pointées du doigt ? C'est dans ce huis clos à ciel ouvert que les cris des bêtes se mêlent aux plus lourds secrets des hommes. Rien n'échappe aux animaux, qui témoignent ici sur notre rapport à la filiation.

Le début de la lecture peut paraître difficile puisqu'il faut tour à tour se glisser dans la peau des différents animaux présentés, un exercice plutôt inhabituel. Ce livre m'a forcément plu mais m'a aussi retourné le ventre et tiré les larmes car beaucoup de sujets évoqués, comme l'exploitation des animaux qui nous entourent, me parlent et font partie des convictions qui m'animent : ma position contre la chasse, mon choix de suivre un régime alimentaire végétarien et la nécessité d'être compassionnel et respectueux envers des animaux avec qui l'on partage de mêmes sentiments, tels que l'amour, la joie, la tristesse et le deuil. Néanmoins, mettre tout ceci en exergue n'est pas la seule finalité de ce livre car les secrets des hommes ont également leur place dans cette intrigue, mais c'est tout de même la grille de lecture qui a, personnellement, le plus résonné en moi.

Ce livre se lit avec le coeur grand ouvert. Tous ces animaux ont une histoire à nous raconter : ils nous parlent, donc écoutons-les !
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Huis clos à ciel ouvert " est-il précisé en quatrième de couverture...

Je crois que rarement roman m'aura autant à la fois bousculée, émue, fait réfléchir, intéressée et surprise.

Ce roman, le deuxième d'Agnès de Clairville mais le premier que je lis, a bénéficié d'une couverture médiatique amplement méritée.  En  donnant la parole exclusivement aux animaux d'une ferme laitière, veau, vache, chienne, chat et pie  (ces deux derniers avec la distance d'un narrateur omniscient, moins dépendant de l'humain que les autres animaux) il est complètement différent de ce qui a pu se faire jusqu'alors.
Récemment j'ai lu et adoré  Rousse ou les beaux habitants de l'univers, un conte qui certes donne la parole à une jeune renarde , mais dans un monde où l'humanité a disparu !
Ici les hommes sont bien là  et finalement leur vie et celles des animaux ne sont pas si éloignées qu'on a toujours voulu nous faire croire. C'est la grande force de ce roman de nous offrir avec une grande sensibilité et vraisemblance de comprendre le ressenti animal  tout en soulignant la proximité des hommes et des bêtes, et l' inhumanité de la vie paysanne écrasée par une société qui ne tourne pas rond. Sous les yeux des animaux, qui subissent leur vie tout comme les paysans, c'est un drame humain qui se joue, à grands coups de silence, de préjugés et de déni.
J'ai trouvé la plume d'Agnès percutante,  parfois crue, la vie dans une ferme n'a rien d'un conte pour enfants, mais toujours juste.
Il faut saluer le travail préparatoire de ce roman qui a nécessité des recherches sur la manière dont chaque animal perçoit son environnement, son champ de vision...etc se basant autant sur des données scientifiques que sur des observations d'agriculteurs ou de spécialistes (pour la pie par exemple). Bravo Agnès,  ce roman est une réussite, à lire absolument !
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Et si cette fois, les animaux prenaient la parole pour nous montrer avec leurs yeux l'envers du décor d'une ferme ? C'est le pari fou que fait Agnès de Clairville, agronome de formation, dans son deuxième roman, Corps de ferme. Tour à tour, la vache, la chienne, le chat et la pie vont se relayer pour raconter le quotidien qui les entoure. Evidemment les perceptions ne sont pas les mêmes. C'est tout un univers olfactif et sensoriel que l'autrice déroule sous nos pas pour nous faire voir la ferme d'une autre façon.

Le résultat est surprenant pour une lecture où tous nos sens sont en émoi. On assiste à la mise à bas de la chienne qui découvre ses six petits et les surveille du chat sournois, au retour de la fermière et de son bébé sous le bras, du père absent et taiseux, et des enfants qui grandissent et dont le caractère s'affirme au fil des pages. Un nuage d'odeurs, tout en effluves et parfums, presque un texte texturant dont on pourrait toucher les bords. L'idée est sacrément originale. Sur certains aspects, l'environnement olfactif rappelait celui du parfum de Patrick Suskind.

Pourtant derrière ces murs se joue un terrible drame dont seuls les animaux sont témoins. Dans cette ferme du début du XXIème siècle, le lecteur assiste à l'implacable, les secrets d'une femme. Dans ce monde où la communication est rompue, où la femme n'est qu'un ventre, relayé à procréer et à se taire. Où pour rembourser les dettes, la rentabilité est au centre de tout. Chaque être vivant participant à la pérennité de l'exploitation et à sa transmission. Un cri silencieux, une tragédie.

Un roman choral animalier osé, qui interroge, qui percute.
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Bestiaire humain
Lisez ce livre déroutant où les bêtes se racontent, racontent la vie et la mort, les jours et les nuits, les saisons, le soleil et le froid, la joie et la douleur, la réalité de la condition animale et humaine dans une ferme, jusqu'à la violence la plus – ou la moins – ordinaire et banale.
Lisez ce livre troublant où les humains n'ont pas la parole, réduits à des existences mécaniques, harassés de besognes quotidiennes, distancés ou vidés de leurs émotions jusqu'au déni, seul rempart d'une réalité insupportable.
Corps de ferme est cet espace rural où les émotions sont tenues à distance, où l'autorité égale la raison du plus fort, où la différence est suspecte, où les maternités finissent cruellement… où les hommes comme les bêtes vivent assimilés à des corps, carcasses, chairs, dépouilles, restes, cadavres.
Seules les bêtes témoignent de ce qu'elles et les humains ressentent.
Corps de ferme est un curieux livre qui ne laisse pas indifférent et qui tombe à pic dans une actualité paysanne bouleversante qui demande justice et bon sens.
Lisez ce livre fort et touchant qui est bien plus qu'un récit sur la vie à la ferme.
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Merci aux éditions Harper collins et à Agnès de Clairville pour l'envoi de ce livre. J'avais adoré la Poupée qui fait oui donc c'était une évidence de me laisser embarquer dans ce nouveau livre. J'avoue que j'ai été très surprise par cette lecture ! Honnêtement je ne m'attendais pas du tout à ça et heureusement car ce que j'ai lu m'a beaucoup plu. J'adore les romans avec plusieurs voix donc en retrouver 3 différentes tout au long du livre était très plaisant. Surtout que chaque animal a sa personnalité et un point de vue différent de l'histoire donc c'est très intéressant de rencontrer ces trois échos pour avoir l'histoire dans sa globalité. J'ai été plusieurs fois surprise au cours de ma lecture, je ne m'attendais pas à un tel tournant avec la maîtresse de maison. de même que je ne m'attendais pas à être autant émue, j'avoue que l'émotion m'a gagné quand il a fallu abréger les souffrances de la chienne, preuve que je me suis bien attachée à elle. Bref, cette lecture m'a prise aux tripes et il m'a été difficile de m'arrêter.
Le livre sort le 10 janvier en libraire donc n'hésitez pas à le lire pour vous plonger dans la vie de cette ferme et de ses animaux.
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Quelles sont les voix qui résonnent dans ce corps de ferme. Il y a la frêle vache pie noir, fraîchement sortie de la "piscine" du ventre de sa mère, très souvent effrayée par ce qui l'entoure et plus encore par la trayeuse électrique.
Il y a la fidèle épagneule, qui cherche avant tout l'assentiment de ses maîtres, fière de se démarquer à la chasse, subissant les saillies régulières.
Le chat tigré, fier et espiègle, il sait se faire discret et ne rate rien des discussions animées de la ferme.
Et puis, il y a la pie, qui prend de la hauteur et observe, veille sur son nid et sans le savoir mettra au jour l'impensable...

L'épée de Damoclès pesant sur la ferme est sur le point de frapper. Sur tous. le fermier aigri, méprisable, acculé par les dettes, la femme mutique qui effleure à peine la vie, refermée sur elle-même, les deux enfants, dont l'un fan de football et l'autre artiste et sensible, verront bien vite leurs rêves oubliés, tout comme leur fraternité.

C'est donc aux animaux qu'Agnès de Clairville prête ici la voix, une immersion totale et réussie au coeur de la vie agricole comme dans la vie sauvage, avec ses obstacles, ses émerveillements, ses désillusions, ses combats. Pétri de phrases courtes et percutantes, une fois entré dans la tourmente et l'animalité, il est difficile de lâcher cette histoire de vie, de mort, d'éveil des sens, tout comme il est passionnant d'explorer les pensées animales et leurs instincts si minutieusement décortiqués ; ces fin observateurs qui subissent beaucoup et font ressortir toute la noirceur de l'âme humaine.
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