Ce livre de
Bernard Clavel est assez notable dans sa bibliographie, puisqu'il s'agit du premier qu'il voulut écrire, mais qu'il retarda sur conseil de
Hervé Bazin. Ce n'est qu'après quelques années qu'il se mit à l'ouvrage et produisit "
Le seigneur du fleuve", roman ambitieux qui parle aussi bien du Rhône que d'un homme ...
Ce roman est une sorte de condensé des autres livres de Clavel. On y retrouve toutes les thématiques chères à l'auteur : la fin d'un monde et d'une époque ; la solidarité des ouvriers et les temps difficiles ; les paysages majestueux, enchanteurs, mais aussi violent et impitoyable ; une nature qui donne la vie et sait la reprendre ; la force et la hardiesse de ceux qui oeuvrent de leurs mains.
Bernard Clavel nous raconte ceux qui n'étaient pas du grand monde, mais du petit, de celui qui travaillait chaque jour et vivait aussi dignement que leur argent le permettait. J'aime ses portraits de paysans, ouvriers, manoeuvres, marins qui parsèment son oeuvre. Ici encore, une figure centrale sera présente, en la personne du patron de tout cet équipage, Merlin. Figure de fort, mais aussi borné et têtu, ce qui le conduira jusqu'à des actes fous. Merlin incarne cette idée, chère à l'auteur, d'une personne accomplie, travaillant de ses mains à son oeuvre, gagnant son pain à la sueur de son front et faisant face aux éléments naturels autant que technologique.
Si le personnage peut sembler un peu trop lisse dans son côté perfection, il est néanmoins pétri de bonnes intentions et de mauvais côté. Ces mauvais côtés qui mèneront d'ailleurs à un dénouement tragique.
Bernard Clavel nous pond une chimère, incarnation de ce qu'il voit et ressent dans ces métiers-là, dans ces personnes maintenant disparues. Il retrace des portraits de ce que fut la vie des gens, avant tout notre progrès et notre technologie. Et sans tomber dans le travers de la complaisance ("c'était mieux avant") ni nier les nombreux risques qu'ils prenaient au quotidien. C'est un portrait de vie, de ce que fut la vie de nombreuses personnes.
Bernard Clavel aime se faire porteur de leur mémoire en l'écrivant avant qu'elle ne disparaisse.
Cependant, j'ai un peu de réserve vis-à-vis de ce livre. Par rapport à d'autres livres de l'auteur, je trouve celui-ci plus fade, plus terne. Peut-être par la distance avec le sujet, ou par la géographique qui me parle moins que le Jura qu'il aime tant décrire. Mais aussi, et probablement, parce que j'ai été moins touché par les personnages et leurs histoires. C'est plus terne, plus facile. J'ai moins ressenti ce frisson que certains personnages de l'auteur m'ont déjà donnés. Ma lecture ne fut pas déplaisante, mais je suis resté sur ma faim. C'est dommage, j'apprécie toujours autant l'auteur mais je deviens plus difficile maintenant. Cela ne m'empêchera pas d'en lire d'autres, c'est certain.