- C'est dôle, chaque fois que j'ai recueilli un chien, je n'ai jamais été déçu.
- Tu comprends, petite, c'est surtout quand on a raté sa vie qu'on voudrait avoir un gosse. On en a besoin. Pour faire en sorte que lui au moins, il ne rate pas la sienne.
La femme nous attendait. Elle avait mis un couvert pour moi. Deux ou trois fois au cours du repas j'ai eu envie de parler de mon départ, et je n'ai pas pu. Je ne sais pas ce qui s'est passé ; mais j'avais l'impression que c'était quelque chose qu'on ne pouvait pas dire là, comme ça, devant cette table, dans cette pièce, à ces gens-là.
Il puait le vin. J'y suis habituée, je le supporte mais ça me dégoûte tout de même. Et puis, il y avait autre chose qui me gênait. Sur le moment, j'ai pensé que c'était parce qu'il me regardait trop fixement, mais je crois qu'il y avait encore autre chose. Quelque chose dans ses yeux. C'est difficile à expliquer. Je voyais bien qu'il était saoul, mais on aurait dit que ses yeux ne l'étaient pas.
C'est qu'il faut vivre... Ça coûte.
Avec les vieux, quand on commence à bavarder, ça n'en finit jamais.
Qu'est-ce que tu veux, faut vraiment être dégoûté du monde pour vivre là comme je le fais...Ou alors, faut-être comme Marie, être né là et n'avoir jamais pensé à la possibilité d'une autre vie.
J'avais le vent dans le dos et je le sentais qui m'empoignait les reins, qui s'engouffrait sous mon manteau. A plusieurs reprises il m'a fait penser à des mains d'homme.
..à l'entendre sangloter ainsi, régulièrement, je pensais à la source qui sort de terre en bas de la grande châtaigneraie. Quand on bouche l'orifice avec sa main, l'eau trouve tout de suite une autre fissure dans le rocher. Il n' y a rien à faire, il faut qu'elle coule. Le chagrin de Marie, je crois que c'était pareil.
« Je ne saurais expliquer pourquoi, mais je n’ai jamais eu l’impression que cet homme pouvait me faire du mal. » (p. 14)