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Citations sur Poèmes, 1916-1955 (7)

UN AMI DORT
1948


Dieu qu'un visage est beau lorsque rien ne l'insulte.
     Le sommeil, copiant la mort,
L'embaume, le polit, le repeint, le resculpte,
     Comme Égypte ses dormeurs d'or.

Or je te contemplais, masqué par ton visage,
     Insensible à notre douleur.
Ta vague se mourait au bord de mon rivage
     Et se retirait de mon cœur.

La divine amitié n'est pas le fait d'un monde
     Qui s'en étonnera toujours.
Et toujours il faudra que ce monde confonde
     Nos amitiés et nos amours.

Le temps ne compte plus en notre monastère.
     Quel heure est-il ? Quel jour est-on ?
Lorsque l'amour nous vient, au lieu de le taire,
     Vite, nous nous le racontons.

Je cours. Tu cours aussi, mais à contre machine.
     Où t'en vas-tu ? Je reviens d'où ?
Hélas, nous n'avons rien d'un monstre de Chine,
     D'un flûtiste du ciel hindou….

p.171
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UN AMI DORT
1948


Tes mains jonchant les draps étaient mes feuilles mortes.
     Mon automne aimait ton été.
Le vent du souvenir faisait claquer les portes
     Des lieux où nous avons été.

Je te laissais mentir ton sommeil égoïste
     Où le rêve efface tes pas.
Tu crois être où tu es. Il est tellement triste
     D'être toujours où l'on est pas.

Tu vivais enfoncé dans un autre toi-même
     Et de ton corps si bien abstrait,
Que tu semblais de pierre. Il est dur, quand on aime,
     De ne posséder qu'un portrait.

Immobile, éveillé, je visitais les chambres
     Où nous ne retournerons point.
Ma course folle était sans remuer les membres,
     Le menton posé sur mon poing....

p.169
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DÉSESPOIR DU NORD
      1918


C'est mon corps ouvert en deux qui parle.
Versez encor ce vin ignoble
D'eux, les vignobles qui décorent
La véranda en perles de verre, et les douves.

Debout ! écorché vif, nuit des caves
Où le soleil de la mer casse
Les bouteilles. Avoue.

Ce soir je chante une aubade. O fée
Méchante, invisible à l'œil nu
Du littoral. Accepte la housse
D'ombre et le vin écorché vif.

Un bateau d'enfant, paysage
De périscope. Les heures
C'est mon corps debout nuit des caves.

               *
p.18
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PLAIN-CHANT


Je regarde la mer qui toujours nous étonne
Parce que, si méchante, elle rampe si court,
Et nous lèche les pieds comme prise d’amour,
Et d’une moire en lait sa bordure festonne.

Lorsque j’y veux plonger, son champagne m’étouffe,
Mes membres sont tenus par un vivant métal ;
Tu sembles retourner à ton pays natal,
Car Vénus en sortit sa fabuleuse touffe.

Ce poison qui me glace est un vin qui t’enivre.
Quand je te vois baigner je suis sûr que tu mens ;
Le sommeil et la mer sont tes vrais éléments…
Hélas ! tu le sais trop, je ne peux pas t’y suivre.

p.47
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DÉSESPOIR DU NORD
      1918


Ce soir je chante, fécond pour moi, cygne.
Un bateau d'enfant. Ophélie au fil
De l'eau. Bats le lit, ô fée
Méchante. Une aubade.

Rien que l'aérostat, cible soutenue
Par les anges de l'église
Paysage invisible à l'œil nu
Si tu changes de fauteuil, aérien visage.

Le mollet, dur nuage en perspective
Fausse du périscope, et le ballet de Faust
Où la soucoupe s'envolait : Péri
De l'hallali du littoral.

Accepte d'un fumeur la bague d'ombre
Et le sceptre. S'il meurt, vécûmes.
Dans la housse d'algues et d'ambre
Où l'on écume les heures….

p.17
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MALÉDICTION AU LAURIER
          1916


Je sens avec délice en moi les folles bulles
D'où tu jaillis comme un bouchon d'or,

Vénus debout sur la mer feu grégeois,
Char des marins au carnaval de Nice.

Que pourrait-il sortir de notre mer morte?
Les arbres ici sont épouvantails.

Maintenant le soleil est dans la mer du Nord.
Il ne reste que les projecteurs de la côte.

Ces projecteurs aveugles font des gestes
D'automate, tâtant les angles d'un plafond.

Il ne reste plus que du froid carré,
Que cette fusillade leste,

Que ces garçons français et allemands, statues
Face à face, cassées par des secousses,

Que ce laurier de gloire qui pousse
Sans joie, uniquement nourri de marbre.

Laurier inhumain, que la foudre
D'avril te tue.
                    Belgique (Secteur 131).

p.12-13
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MALÉDICTION AU LAURIER
          1916


Tu écartes dans tous les sens tes branches,
Soleil du soir, cerisier en fleurs.

Voici de mars en nous que déferlent
Embruns d'amour inconnus sur les dunes.

Ici ne furent semés qu'hommes bleus
Qui, soudain, poussent jusqu'au ciel.

Ici les vergers ne peuvent pas naître.
Le sol est un ours gourmand d'ignoble miel.

Mais ailleurs, je sais que le printemps naît
Comme Vénus, des vagues de la terre.

Aidé par les chiens, le laitier, l'angélus,
Par les coqs rempailleurs de cris, par la forge,

Par la rumeur en détail d'un village à des kilomètres,
Par moi, Vénus, qui me meurs….

p.11-12
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