Avril 2010
L'enterrement était achevé. La réception se dispersait. Benjamin décida qu'il était l'heure de partir.
"Papa, je crois que je vais bouger.
- très bien, je viens avec toi", repondit Colin.
Ils se dirigèrent vers la porte du pub et s'éclipserent sans dire au revoir à personne. La rue du village était déserte,silencieuse au soleil tardif.
"On ne devait pas s'en aller comme ça", tout de même dit Benjamin en se retournant vers le pub d'un air perplexe...
N'emploie pas le mot "ordure" à propos de quelqu'un dont les opinions ne se superposent pas aux tiennes.
Au fond, il préférait de loin le silence. Le silence de l'Angleterre qui sombrait dans un sommeil profond et bienheureux, un sommeil comme on en goûte après avoir donné une soirée réussie, quand tous les invités sont partis et qu'on sait qu'on n'aura pas à se lever de bonne heure. L'Angleterre lui faisait l'effet d'un territoire calme et stable. D'un pays en bonne intelligence avec lui-même. L'idée que tant de millions de gens disparates avaient été réunis, rassemblés par une émission de télévision [la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques de 2012] le ramenait à son enfance et le fit sourire. Tout allait pour le mieux. Et la rivière semblait en accord avec lui, la rivière dont la voix seule rompait le silence, et qui ce soir filait sa course sans $age, bondissait, bouillonnait, joyeuse, joyeuse, si joyeuse.
p.186
Quoi qu'elle réponde à Helena - pour peu qu'elle essaie de rendre compte honnêtement de sa divergence -, il lui faudrait fatalement affronter la vérité indicible, à savoir qu'elle-même et ses semblables d'une part et Helena et ses semblables d'autre part avaient beau vivre côte à côte dans le même pays, elles habitaient pourtant deux univers différents, séparés par une cloison étanche, une muraille formidable faite de peur et de suspicion, voire peut-être de ces traits britanniques par excellence, la honte et la gêne.
p.123
La clef de voûte de son système de croyances demeurait qu'à l'époque de son enfance il y avait plus de cohésion, d'unité, de tendance au consensus en Angleterre. Tout s'était peu à peu délité avec le résultat des élections en 1979.
p.72
Ce qui se rapproche le plus d'une nouvelle drogue dans notre société, c'est la vitesse.
La sagesse est souvent ennuyeuse, vous l’aurez remarqué. Mieux vaut être un crétin distrayant qu’un vieux sage ennuyeux.
Benjamin [...] regarda une dernière fois la rivière. Était-ce un effet de son imagination . On aurait dit qu'elle était un peu plus haute, ce soir, et le courant un peu plus vif. Quand il avait acheté la maison, on lui avait souvent demandé s'il avait envisagé les risques d'inondation, question qu'il avait balayée d'un revers de main, n'empêche que le doute s'était insinué en lui. Il se plaisait à voir la rivière comme une amie. Une compagne facile à vivre dont il comprenait les comportements, avec laquelle il se sentait à l'aise. Se leurrait-il ? Et si elle devait un jour abandonner ses habitudes accommodantes et raisonnables ? Si, elle aussi, se mettait en colère sans crier gare ? Quelle forme prendrait sa colère ?
- ,Pourquoi est-ce que les journalistes aiment tant les questions hypothétiques ? "Et qu'est-ce qui se passe si vous perdez ? Et qu'est ce qui se passe si on quitte l'UE ? Qu'est ce qui se passe si Donald Trump est élu président ?" Vous vivez dans un monde imaginaire, vous autres.
Charlie : Je pensais que marcher m’aiderait à mettre mes idées au clair, mais tout se ramène à une question d’argent. Sans argent, je ne peux pas m’en sortir. Et c’est comme ça depuis des années. Des années de merde. On arrête pas de me dire que ça va s’arranger, qu’il y a une lueur au bout du tunnel. Seulement il est long ce putain de tunnel. Elle est où cte putain de lumière ?