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Citations sur Le coeur de l'Angleterre (226)

La dernière image que le journaliste garda de la source à laquelle il avait si longtemps fait confiance fut celle d’une silhouette qui gesticulait en s’éloignant, les bras encore prisonniers des manches de la veste récalcitrante croisés sur sa poitrine. Allez savoir pourquoi, cette posture lui évoqua la camisole de force.
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Il s’interrompit brusquement. Son regard se vida de toute expression. Ses épaules s’affaissèrent. Il contempla la surface mousseuse de son café une bonne minute. Enfin, il leva les yeux et les mots qu’il articula parurent à Doug les plus sincères qui aient jamais passé ses lèvres. « On est dans la merde. — Pardon ? — On est dans la merde jusqu’au cou. C’est le chaos. On court dans tous les sens comme des poulets sans tête. C’est le grand n’importe quoi. On est dans la merde in-té-grale. » Doug sortit précipitamment son portable et se mit à enregistrer. « Officiel ? — On s’en fout. On est dans la merde, alors quelle importance ? — Quel chaos ? Qui court comme un poulet sans tête ? — C’est le chaos dans tous les sens du terme, et tout le monde court. Personne ne s’attendait à ce résultat. Personne n’était prêt. Personne ne sait ce qu’est le Brexit. Personne ne sait comment s’y prendre. Il y a un an et demi, ils disaient tous « Brixit ». Personne ne sait que Brexit veut dire.
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La publication de ces derniers chiffres de l’immigration eut un effet galvanisant sur la campagne du référendum. Le débat se déplaçait. Il portait moins sur les prévisions économiques, la souveraineté et les avantages de faire partie de l’UE. À présent tout tournait autour de l’immigration et du contrôle des frontières. Le ton aussi avait changé, on y entendait plus d’amertume, d’implication personnelle, de rancœur. Une moitié du pays semblait être devenue farouchement hostile à l’autre. Il y avait de plus en plus de gens qui souhaitaient désormais, comme Benjamin, en finir avec toute cette affaire lassante, malsaine et clivante et l’oublier au plus vite.
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Ce que je comprends pas, c’est où ça va finir ? Comment faire si on continue comme ça ? On fabrique plus rien. Et si on fabrique plus rien, alors on n’a plus rien à vendre… Et comment on va survivre ? C’est ça qui m’inquiète. Parce que, bon, ce qu’on voit là, ça m’inquiète pas, ces terrains vagues, c’est pas grave. Quand on démolit une usine et que tous ces emplois disparaissent, on s’attend bien à voir ça. C’est-à-dire, rien. Mais ce magasin, là, ce magasin immense, bon Dieu, et ces maisons, ces centaines de centaines de maisons ? À quoi ça sert ? Comment est-ce qu’on peut remplacer une usine par des boutiques ? S’il n’y a plus d’usines, comment est-ce que les gens vont gagner de quoi dépenser dans les boutiques ? Comment ils vont gagner de quoi acheter les maisons ? Ça n’a pas de sens. »
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Moi je suis une vieille femme, je peux me permettre de dire ces choses, et je les dis parce que ça me brise le cœur de vous voir tous les deux, un jeune couple magnifique qui a du mal à joindre les deux bouts, obligé d’avoir deux emplois, de travailler dans deux villes différentes sans vous voir de la semaine, sans avoir le temps d’être ensemble et de fonder une famille. Ce ne serait pas arrivé, vous n’en seriez pas là si Ian avait eu le poste. Comme il aurait dû l’avoir. Il le méritait. Il avait assez travaillé pour l’avoir, il le méritait. »
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Certes, mais pas liée à l’idée de tyrannie. » Helena posa ses couverts. « M. Hu, je ne suis jamais allée en Chine et je me garderais bien de traiter à la légère les conditions de vie difficiles qui doivent être les vôtres là-bas. Mais ici, en Grande-Bretagne, nous sommes confrontés au même problème. Au fond, je serais tentée de dire que notre situation est pire. Vous, vous subissez une censure avouée. Chez nous, elle est occulte. Tout se passe sous le masque de la liberté d’expression, de sorte que les tyrans peuvent prétendre que tout va pour le mieux. Or de liberté, nous n’en avons pas, ni d’expression ni d’autre chose. Ceux qui gardaient vivante une magnifique tradition anglaise en pratiquant la chasse à courre ne sont plus libres de le faire. Et si certains d’entre nous tentent de s’en plaindre, leurs voix sont aussitôt couvertes par des hurlements. Nos opinions n’ont plus le droit de s’exprimer à la télévision ni dans les journaux. Notre télévision d’État nous ignore superbement ou nous traite avec mépris. Voter, c’est peine perdue quand tous les politiciens entretiennent les opinions qui flottent dans l’air du temps. Bien sûr j’ai voté pour M. Cameron, mais sans le moindre enthousiasme. Nous n’avons pas les mêmes valeurs. A vrai dire, il connaît aussi mal notre façon de vivre que ses opposants. Ils sont tous du même côté, finalement. Et ce côté-là, ce n’est pas le nôtre.
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Tout de même, vous vivez dans un pays libre et démocratique, vous au moins, fit-il observer non sans circonspection. — Détrompez-vous, malheureusement, dit Helena. L’Angleterre n’est plus un pays libre aujourd’hui. Nous vivons sous un régime tyrannique. — Un régime tyrannique ? Madame, je vous en prie, mesurez vos paroles ! — Je les mesure au plus juste, je vous prie de me croire. — Votre M. Cameron ne me fait pas l’effet d’un tyran… — Ce n’est pas ce que je veux dire. Le tyran n’est pas toujours un individu. Ça peut être une idée. — Vous vivez sous la tyrannie d’une idée ? — Précisément. — Qui s’appelle ? — Le politiquement correct, bien sûr. Je suis certaine que vous avez déjà entendu cette expression.
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Il pouvait écouter de la musique aussi fort et aussi tard qu’il voulait ici. Pourtant, quand le morceau s’acheva, il éprouva une forme de soulagement. Au fond, il préférait de loin le silence. Le silence de l’Angleterre qui sombrait dans un sommeil profond et bienheureux, un sommeil comme on en goûte après avoir donné une soirée réussie, quand tous les invités sont partis et qu’on sait qu’on n’aura pas à se lever de bonne heure. L’Angleterre lui faisait l’effet d’un territoire calme et stable. D’un pays en bonne intelligence avec lui-même. L’idée que tant de millions de gens disparates avaient été réunis, rassemblés par une émission de télévision le ramenait à son enfance et le fit sourire. Tout allait pour le mieux. Et la rivière semblait d’accord avec lui, la rivière dont la voix seule rompait le silence, et qui ce soir filait sa course sans âge, bondissait, bouillonnait, joyeuse, joyeuse, si joyeuse.
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L’’approche du château ne l’avait nullement préparée à la vue qu’elle aurait sur la ville et la côte en accédant à la terrasse de toit par l’escalier en colimaçon. Elle découvrit tout Marseille, son fatras d’immeubles anciens et modernes, les cités tentaculaires des quartiers nord, la garrigue verdoyante et les calanques vertigineuses à l’est, et puis, veillant sur tout cela, Notre-Dame-de-la-Garde qui dominait la cité. Entre le château et cette perspective s’étendaient la Méditerranée et sa houle légère, scintillante sous le soleil, d’un bleu outremer intense jusque dans ses profondeurs. Et tout était baigné de lumière, oui, c’était cette lumière, bien sûr, elle le comprenait, qui leur manquait en Angleterre, cet élément qui rendait tout si vif ici, si sensuel, si plein d’énergie, si inéluctablement vivant. Quelle existence étriquée et misérable ils menaient tous, en comparaison, au pays qu’il lui fallait bien appeler natal. En passant de Birmingham à Marseille, de Kernel Magna à Marseille, on ne changeait pas seulement de pays, voire de planète, on changeait d’ordre d’existence. La lumière lui donnait la sensation d’être vivante d’une façon qu’elle n’avait pas connue depuis des années, depuis l’enfance peut-être. Sur la terrasse, ses collègues mitraillaient la vue sous tous les angles et depuis toutes les perspectives. Mais elle savait que ce serait peine perdue, et elle laissa son téléphone dans son sac. Aucun agencement de pixels ne rendrait jamais l’émotion du moment, cette sensation absolument nouvelle, intense, de vitalité.
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« Allons, Nigel, il ne s’agissait pas de gens qui auraient foncé au hasard dans les boutiques pour les piller. Il y en a eu, certes, surtout vers la fin. Mais regardez plutôt comment ça a commencé. La police a abattu un Noir et refusé de communiquer avec sa famille sur les circonstances de sa mort. Une foule s’est rassemblée devant le commissariat pour protester et les choses ont tourné à l’aigre. Ce qui est en cause c’est le problème racial et les relations de pouvoir au sein de la communauté. Les gens se sentent victimes. On ne les écoute pas. — Très bonnes remarques, Douglas, excellentes. — Qui plus est, il y a des constantes dans les boutiques visées. En général, ce n’étaient pas des commerces de proximité. Et lorsqu’il est arrivé que ce soit le cas, d’autres émeutiers s’y opposaient. Bien sûr, ce sont des actes criminels, et personne ne peut les cautionner, mais ils nous disent aussi quelque chose sur nous, en tant que société.
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