Alice , nous sommes trop vieux pour croire aux contes de fées , mais trop jeunes pour nous enterrer dans nos habitudes .
Un dimanche par an, ses proches lui rappellent que durant des décennies, sa vie n'a été qu'une succession de fabuleux métiers peu lucratifs : puéricultrice, infirmière de nuit, psychologue, chauffeur de taxi, cuisinière, réparatrice de portes trop lourdement claquées, de pantalons troués et de cœurs brisés. Mère.
On refait un voyage, un rêve, un plat de pâtes au pesto, pas une vie. Au mieux, on franchit l'abîme et on poursuit son existence là où elle s'est arrêtée. On comble le néant, chacun à sa façon, on tente de ne pas s'y noyer et de savourer chaque goulée d'oxygène permettant de garder la tête hors de l'eau. Un jour enfin, on reprend la route, espérant secrètement qu'elle ressemblera désormais à un large boulevard bien droit, bordé de peupliers. Aucune marche arrière possible.
Tu m'as appris à rêver , mais c'est douloureux les rêves qui ne prennent jamais vie .Marre d'attendre et d'espérer qu'un jour , peut - être , le goût de l'absence me déserte .
"La vie est injuste, soupire celle-ci avec un sourire taquin.
- Ah bon, pourquoi ?
- Une ville chargée d'histoire est bourrée de charme. Mais pour un femme de notre âge, la langue française n'est pas aussi tendre : elle a de la bouteille ou, pire, elle est ravagé.
- Pas totalement faux", concède Gisèle d'un air pincé.
Centenaire, à quoi bon ? Serais-je capable de vivre sans rêver ? Et si c’était cela, le début de la vieillesse : accepter de ne plus rêver et attendre ?
L’homme-bonbon.
"Le premier se déguste comme une friandise, d'où son nom. Une fois l'emballage ôté et le bonbon consommé, il ne reste pas grand-chose. Du léger, du tendre, du doux, un arrière-goût, voire rien. Ou si peu que la mémoire en garde un souvenir pastel et gentil, parfois même vaguement ennuyeux. Vous comprenez ce que je veux dire par là?"
L’homme-perle
"Qu'il soit père, mari, frère, amant, poursuit Gisèle, l'homme-perle laisse en nous une trace indélébile, et celle-ci nous habite pour toujours, au-delà de l'amour, du plaisir, des blessures ou de la tristesse. De la mort aussi. Peu importe que nous ayons eu mal à en crever, cet homme nous a fait grandir, a grandi en nous, avec nous. Il devait croiser notre route. une évidence, un cadeau de la vie. Le karma, diront certains. Il nous a laissé une empreinte. C'est important, l'empreinte. vous comprenez ce que j'essaie d'expliquer, Lucie?"
Tu m’as appris à rêver ; mais c’est douloureux, les rêves qui ne prennent jamais vie.
Ce n’est pas grave de tomber et d’avoir mal. Fais-moi confiance, les regrets mettent plus de temps à cicatriser que les plaies.
Un dimanche par an, ses proches lui rappellent que durant des décennies, sa vie n’a été qu’une succession de fabuleux métiers peu lucratifs ; puéricultrice, infirmière de nuit, psychologue, chauffeur de taxi, cuisinière, réparatrice de portes trop fortement claquées, de pantalons troués et de cœurs brisés. Mère.