Suzanne est belle, désirable. Mais Suzanne est aussi une jeune femme abîmée, cabossée. Elle est ce qu'on pourrait appeler une éclopée de la vie. Suzanne est encore, à 36 ans, une enfant fragile. Privée de socle d'amour, elle n'a pas réussi à grandir.
Suzanne est mère de quatre enfants de pères différents. Elle est gonflée d'amour pour ces quatre-là. Ensemble ils sont comme les cinq doigts de la main. Indissociables. Ensemble ils écoutent des chansons, dansent et se nourrissent de crêpes. Entre eux ils se nomment les mousquetaires.
Suzanne porte en elle plusieurs béances : cet amour incommensurable pour ses enfants qui est pour elle comme un puits sans fond ; cet autre gouffre plus profond, plus obscur, qui lui tient lieu de mémoire : sa boîte noire.
Suzanne aime les hommes qu'elle rencontre. Elle les aime d'un amour absolu. Terrifiant. L'un la cogne, l'autre promet sans tenir. Un troisième s'évanouit dans la nature à tout bout de champ.
Violents, menteurs, absents… les hommes qui prétendent l'aimer le lui montrent bien mal. A chaque nouvelle déception, à chaque nouvelle déchirure, le coeur de Suzanne saigne. Un peu plus chaque fois.
Et parfois, Suzanne ne supporte même plus ses gosses.
C'est alors que les traumatismes du dehors vont venir percuter ceux du dedans.
Pour Suzanne et ses enfants - Achille, l'aîné « perdu dans son corps » qui est aussi l'homme de la maison, Jules au père défaillant, Arthur le zèbre et la petite Mathilde dont le sourire lumineux est une consolation universelle - les événements de novembre 2015 vont marquer un tournant décisif.
Les membres de cette famille vont vivre un drame immense, un drame inouï. Et se serrer les coudes comme jamais, pour tenir. Liés à jamais par un terrible secret coulé dans le ciment de leur amour mutuel.
Leur histoire est jalonnée de rencontres. Rencontre avec Ismaël l'amoureux inconstant, l'enfant blessé, le grand frère aidant, le terroriste présumé. Rencontre avec cette mère douce et meurtrie dont la fille vient d'être tuée au Bataclan. Rencontre avec la justice, parfois bienveillante, parfois accusatrice mais toujours trop rigide au regard de la réalité enfantine. Rencontre avec la mort. Avec la mer, aussi.
Jamais manichéenne, jamais jugeante,
Sandrine Cohen décortique avec une grande finesse la psychologie de chaque protagoniste. Tous ses personnages possèdent leur part d'ombre et de lumière. Certains sont capables de revirements surprenants.
A travers cette histoire qui prend sur la fin des allures de road-movie, l'autrice réussit le prodige de nous émouvoir, nous agacer, nous attendrir, nous révolter, interroger nos convictions, nos aprioris…
Grâce à un style direct qui nous plonge en permanence au coeur de l'action et dans la tête des protagonistes, elle parvient à nous tenir en haleine tout au long du récit.
Un roman qui prend aux tripes.