La famille dans les polars : cocon ou prison ? Johana Gustawsson, Agathe Portail et Sandrine Cohen vous expliquent tout !
Elle est belle, le regard lumineux, sa fougue en avant comme chaque fois qu'elle espère, et elle espère chaque fois. Elle espère chaque fois que ce sera différent. C'est aussi pour ça que Clélia est fragile. Elle ne s'habitue pas. Chaque fois, elle croit que les gens, le monde va tourner différemment, elle ne le croit pas seulement, elle le vit. C'est comme ça, Clélia est une idéaliste sous une carapace de frondeuse, un cœur tendre sous des torrents de colère, l'ambivalence de l'humanité faite femme.
Clélia soupire, elle sourit à son évocation, la seconde d'après, changeante et volatile, elle se crispe, elle est devant le commissariat d'Aubervilliers. Elle n'aime pas les commissariats, elle n'aime pas les flics, tous des cons, et comme ils ont un fligue à la place de leur bite, ils sont encore plus dangereux que les ambitieux du palais de justice. Clélia sait bien que cette pensée n'est pas politiquement correcte. Elle a fait partie de ceux qui ont célébré les policiers au moment des attentats de Paris, et avant, au moment de Charlie Hebdo et de la prise d'otage de l'Hyper Cacher, quand même, elle n'aime pas les flics, les forces de l'ordre. Rien que les mots "forces de l'ordre" ou pire, "maintien de l'ordre", la font frémir. L'ordre de quoi?
On prend le livre puis c’est lui qui vous prend. On avance, on ne s’arrête pas, sachant, à regret, que ça va finir. Une heroine-ouragan, un style percutant fait de phrases courtes, de pensées inattendues, de relations fortes, de personnages attachants autant que détestables. Mais surtout une histoire de libertés, prises, rendues, perdues. Une histoire si forte qu’elle fait un peu peur. Des questionnements qui nous remuent, nous amènent à réfléchir sur nous-meme. Une maîtrise rare, pour un premier roman qui plus est. Une suite un jour? S’il vous plaît dites nous oui!!
« Clélia entre dans le commissariat, elle ignore les appels de l'officier, un bleu, le même que la dernière fois, qui est au contrôle du détecteur de métal qu'elle passe sans se soucier de la sirène qu'elle déclenche. Elle se fout de tout ça, elle n'entend rien, ni le bruit, ni les cris. Elle fonce. Elle déboule dans le bureau de Samuel. Elle veut qu'il insiste, qu'il ouvre une enquête sur le cas Delsaux, il y était, il sait bien que quelque chose ne va pas. »
Clélia laisse ses pensées vagabonder, Rosine est donc une femme affective, en quête d'amour, vivant grâce à l'amour, entourée de deux hommes assez pragmatiques, avec une copine un peu délurée, une femme en lien, avec un réseau classique, pas débordant, pas inexistant, "middle" comme on dit. Une femme ordinaire. Sauf que cette femme ordinaire a tué ses deux filles. Et ça, ça n'est pas ordinaire.
- Et toi, tu ne vaux pas mieux qu'elle. Tu ne vaux pas mieux que la France. Putain de pays de merde. Sous vos airs cool, vous êtes des fachos. Vous détestez les Arabes. Sales racistes. Tu crois quoi ? Hein ? Tu vends du rêve et au final tu n'es qu'une merde. Mon père, il attendait tellement de la France. Et la France, elle l'a laissé tomber. Il en est mort mon père. Mon père est mort à cause d'elle, à cause de son espoir, à cause de vous. Alors, j'en ai rien à foutre. Tu m'emmerdes, vous m'emmerdez. Ce qui vous arrive, vous l'avez bien cherché. Voilà. Je ne dis pas que je suis content, mais c'est comme ça. C'est tout. Il faut remettre les choses à leur place. Ce n'est que justice pour tous les Arabes que vous avez laissés crever. Voilà.
Suzanne a tellement espéré une trêve, un répit, en dépit de sa sensibilité, de sa manière d'être, poreuse au monde, sans distance, et de son besoin compulsif de répéter inlassablement les mêmes douleurs. Elle avait une endurance inouïe à rêver cette trêve, tout en étant incapable de se la donner, grattant sans cesse sa blessure, pour un jour, peut être, la soigner. Suzanne était une blessure ouverte dans ce monde, à cause de ce monde, et une guerrière contre l'indifférence.
Livre captivant,poignant et qui donne à réfléchir.
Une écriture vive, moderne qui va à l'essentiel.
Une histoire qui vous hante.
Sandrine Cohen une auteure à suivre!
Elle sait que derrière la famille Ricoré se cachent souvent des tas de secrets inavouables. Plus ça a l'air parfait, moins ça l'est.
Au début, la noirceur absolue : le double infanticide. Puis vient Clelia, l’enquêtrice de personnalité, atypique et écorchée, déterminée à comprendre pourquoi. Pouquoi ? Qu’est-ce qui explique ce geste in-compréhensible ?
Sandrine Cohen nous happe avec ce voyage dans la psyché humaine. Sensible, intelligent, plein de chaleur humaine : tout ce que j’aime dans un bon polar !
Camus disait : rien de ce qui est humain ne m’est étranger. On sort de ce livre un peu plus humain, ou humaniste, que quand on l’a commencé.
À lire !