En sentant la langue de la jeune femme s’entortiller autour de la sienne, il gémit de soulagement. Elle se pendait à son cou avec une ardeur qui lui insufflait de la force, poussait des soupirs qui le faisaient gagner en assurance. Il l’embrassa comme il se l’était imaginé la veille, quand son désir pour elle était devenu si intense qu’il avait fini par se masturber sous la douche en imaginant qu’il la possédait. Constatant qu’elle avait autant envie de lui qu’il avait envie d’elle, il se détendit, envahi d’une sensation de chaleur et de sécurité.
Peau contre peau. Précisément ce dont il avait rêvé : nus. Exposés. Sans rien entre eux, à faire l’amour dans un grand lit qu’ils ne quitteraient pas pendant des jours.
Sauf qu’il n’avait pas de grand lit. Ni de chambre digne de ce nom. Il n’avait qu’un grenier. Avec une boîte sous son matelas qui contenait des trésors que nul ne comprendrait.
Elle voulait combler le fossé qui les séparait, faire un pas, lui prendre la main, agir. Quand elle dansait, la musique lui parlait. Cela n’avait rien à voir avec les paroles ou la mélodie, mais avec une certaine fréquence harmonique qui résonnait au plus profond d’elle et lui inspirait une compréhension instinctive du morceau.
Les psys n’avaient pas cru à leur chance en le voyant arriver à l’âge de dix ans, peu disposé à parler. S’il lui avait manqué la parole, les médecins, eux, n’avaient pas hésité à le bombarder de mots : « mutisme sélectif », « phobie sociale », « trouble du spectre de l’autisme », « mutisme électif », « trouble de stress post-traumatique ». Autant de termes cherchant à le décrire, mais jamais celui qui importait le plus : terrifié.
La regarder danser lui avait inspiré un calme dont il n’avait jamais connu la pareille. Elle était sa lumière.
Et, tel un papillon voletant autour d’une flamme potentiellement dangereuse, il ne pouvait s’éloigner.
Les mots qui auraient été nécessaires pour décrire sa beauté n’avaient jamais fait partie de son vocabulaire, et il peina à en trouver un seul.
L’insomnie était son amie, car le sommeil renfermait des rêves. Des rêves qui le forçaient à revivre des instants qu’il ne pouvait pas changer.
J’aime qui tu es, j’aime qui nous sommes, et j’aime ce que notre famille pourrait devenir. Je ne peux pas l’expliquer, je ne l’ai jamais pu.
Quand elle le contemplait avec ses yeux noirs, il avait le sentiment d’échapper à son enfer quotidien.