Citations sur Animal (121)
En vérité, jamais elle n’avait eu aussi peur.
C’était d’ailleurs bien au-delà de la peur, là où il n’y a plus de mots. L’instant où les pensées s’effacent et où le cœur s’arrête. Une sorte de vide absolu, où l’on n’est plus tout à fait vivant et plus tout à fait un homme. Le moment où les gestes ne se font plus alors même qu’on les connaît depuis toujours, où les yeux voient sans qu’il se passe rien, parce que l’âme s’est mise en suspens. Un retrait de soi-même.
Puisqu’elle ne peut pas mourir, puisqu’on ne veut pas d’elle, pas encore, là-haut. Il y a bien une raison. On lui laisse le temps. On lui donne une chance.
[L’ours] :
Il y a de l’instinct en lui, massif, puissant, celui de la survie et celui du territoire, il y a de la colère et du réflexe, la confiance d’une bête qui ne connaît aucun prédateur hormis l’homme.
— J’aurais aimé que les ours aient une chance.
Hadrien rit. Une chance, vraiment, avec sept chasseurs dans leur sillage, leurs fusils, leur expérience, leur soif de sang, et en ligne de mire, qui les rend presque fous, l’instant précis où l’un d’eux appuiera sur la détente en visant le cœur. Et puis tout le monde sait que ces ours bruns n’ont pas la réputation d’être très agressifs.
Le destin, ça tourne dans n'importe quel sens.
Le destin, cela vous endort comme si tout allait bien - pour mieux vous surprendre ensuite.
Ils parlent du maintien des effectifs, de l'équilibre des espèces. Vivent dans un monde de mensonges qu'ils se servent à eux-mêmes : ils sont là pour le sang et rien d'autre, pour ce geste que nulle part ils n'ont plus le droit de commettre entre eux, et dont ils rêvent tout éveillés - armer, viser, tuer. Tant pis si ce ne sont que des bêtes.
Personne n’a jamais grandi pendant qu’on lui tenait la main.
Alors elle voit également, sur le côté du lac, ce mouvement, cette silhouette qui s’agite. Et c’est cela qu’elle entend, qu’ils entendent tous. Un peu de bruit de l’autre côté de la clairière, une plainte, un cri étouffé, impossible de savoir. Lior interroge Hadrien du regard. Dans ses yeux à elle, le début de la terreur.
Il y a quelque chose d’anormal là-bas.
Lior essaie de ne pas écouter. Elle sent qu’elle crève de trouille, de cette peur irrationnelle qu’amène la proximité du tigre, réelle ou rêvée, la nuit trop noire dessous les arbres.
Ou quelque chose d’autre. Pas parler, pas bouger.
N’écoute pas, répète Lior pour elle-même, les yeux fermés quelques instants.
Un espoir stupide, de ceux qu'ont les hommes en détresse et qui leur font promettre n'importe quoi - demande-moi n'importe quoi -, seuls dans le choeur d'une église, parce qu'il n'y a pas d'autre lieu où aller, et personne d'autre pour écouter.Mais le ciel ne demande jamais rien, et il n'écoute même pas.
Mourir à la chasse : cela n'existe pas dans leurs pensées.
D'ailleurs, cela n'arrive pas.
Des traques édulcorées, où les forces sont par trop inégales, en nombre et en armes. Des petites chasses qui servent à se faire péter les poumons parce qu'on a le droit de brailler - mieux : il le faut, à tue-tête ou dans une corne, à hurler au monde que l'on existe, à l'hallali, sans risque et sans gloire. Des parties de courses derrière des gibiers qui ne demandent qu'à vivre, guidées par le seul désir du sang, puisqu'il n'y a rien d'autre.