Ça vous donne une contenance,
quelque chose pour ne pas
se faire piétiner du regard.
Le faciès tumefié par la solitude.
Je fume au lit. Parfois la cendre tombe sur les draps. Ca fait des petites taches grises que je ne frotte plus. Je dors avec mes cendres ; comme dans un tombeau.
Estelle dit que les hommes honnêtes ça court pas les rues. Les autres, ils pensent qu'à vous traîner dans leur plumard ! En même temps, elle dit ça comme si elle connaissait mais Emmanuel il est sûr que ça ne lui est jamais arrivé ; elle lit les magazines.
On pouvait lui faire confiance, il portait des lunettes. Papa aussi en portait mais c'était un leurre, un déguisement pour mettre son fils en confiance, un masque de clown sur un visage de taulard.
J'ai un goût sale dans la bouche. Un goût animal un peu dégoûtant. Je le préfère pourtant à celui que j'ai quand je me couche, celui des autres et de leur crasse.
Voyage au bout de la solitude:
Il n'y a pas de marée. Seulement ces deux ombres qui promènent avec elles des idées de fin du monde. Elles marchent comme à leurs habitudes, ce sera une promenade comme il y en a eu des milliers d'autres. Non, rien de sensationnel, rien d'époustouflant; seulement deux ombres, la première sur deux pieds, l'autre en laisse. Personne ne les remarque. Elles se déplacent pas à pas ces vies sans mouvement; elles dégringolent de plus en plus, elles roulent comme deux petites billes en verre poli sur une pente imaginaire. Elles volent au-dessus des hommes les deux ombres, Victor et Bâton dont personne ne se soucie.p.69
vingt minutes de train . Premier wagon;troisième porte en partant de la fin. La sortie pour le métro est là.
Faire comme ses parents et moisir dans un pavillon de province en écoutant la radio, ça lui donne franchement mal au cœur. Il vomit les feux de bois, la parabole sur les tuiles romaines, la corde à linge derrière la maison, tout ça, ces images de son enfance, sa mère qui râle parce que Papa boit trop de Pernod, les barbecues avec les copains, les matchs de foot à la télé, le film du dimanche soir et le papier peint dans la chambre à coucher.
C’est le petit mystère de Robert. Il a un secret, une cicatrice qu’il ne peut pas montrer. C’est à vif pourtant et ça ne cessera pas de l’être. Aussi longtemps qu’il vivra, il la gardera en lui cette plaie béante. « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes », aurait-il pu dire s’il avait eu du génie et qu’il s’était appelé Henri Calet.