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Critique de Alzie


Ce récit autobiographique que Daniel Cordier a commencé à rédiger dès 1990 et qui devait faire partie de ses Mémoires publiées en 2009 (Alias Caracalla), relate l'histoire de ses années de pension au Collège Saint-Elme, sur les bords du bassin d'Arcachon entre 1928 et 1936, après le divorce de ses parents. Travail mis de côté alors par son éditeur qui le convainc aujourd'hui malgré les réticences de l'auteur de publier. Les premières pages d'Alias Caracalla qui se faisaient l'écho douloureux de ce qu'il a nommé son "internement" à Saint-Elme en évoquant l'éclatement de sa famille et "sa nostalgie de l'amour perdu", peuvent enfin plus clairement s'expliquer.

L'incipit des Feux de Saint-Elme fera peut-être date on ne sait jamais : "J'avais treize ans, lorsque je lus un ouvrage qui bouleversa ma vie". Car les grands désarrois de l'élève Cordier dans l'entre deux-guerres, tiraillé entre sa libido et une quête d'idéal fondé sur la morale catholique inculquée par les Dominicains, trouvent un exutoire dans la littérature. Dans le "kaléidoscope céleste" de ses lectures où viendront se bousculer Bossuet, Pascal, Céline et Saint Augustin, la libraire d'Arcachon madame Gauthereau lui propose d'ajouter un soir de l'automne 1935, tandis que ses tourments l'assaillent, Les Nourritures terrestres : "Peut-être est-ce l'ami dont vous avez besoin ce soir !"

Quant au phénomène atmosphérique lié à la foudre visible en haut des mâts des bateaux, si souvent décrit par les marins, auquel le titre fait allusion de manière métaphorique il illustre assez joliment ce printemps de 1936 que Daniel Cordier n'oubliera pas de sitôt. C'est en effet un champ magnétique puissant qui s'abat sur Daniel âgé de quinze ans provoquant une attirance absolue, comme seule l'adolescence en produit, pour son jeune ami David de deux ans son cadet. Coup de foudre dont le récit s'attache à rendre compte sans faux-fuyants par une écriture directe et sans fard où l'intensité du souvenir prévaut sur l'analyse.

Ce retour en arrière n'est pas pour l'auteur, encore moins pour le lecteur, un exercice d'écriture ou de lecture banale, une sorte de rétrospective sentimentale ou fondatrice. Au-delà de l'aspect narratif c'est à une épreuve de vérité intime que se soumet Daniel Cordier qui, n'ayant jamais refermé totalement la porte sur une blessure qu'il s'infligea lui-même, nous donne à entrevoir en même temps, dans le manque affectif abyssal né d'une promesse entrevue et jamais aboutie, une partie insoupçonnée de sa nature entière, passionnée et exclusive. Celle qui font les rebelles. Il se donne ici une possibilité de se délivrer de tous ses démons.

Livre très attachant au dénouement étonnant qui ne peut selon moi être détaché du reste de ce que l'on sait de la vie de Daniel Cordier qu'on n'imagine pas faire cet aveu bouleversant : "Ne jamais oublier que le regret de ma vie est celui de cette histoire que je n'ai pas vécue, alors que mes plus brûlantes et mes plus douloureuses aventures me laissent aujourd'hui sans souvenir, sinon sans traces."
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