Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses ;
D'une main odieuse ils tiennent lieu d'offenses :
Plus nous en prodiguons à qui peut nous haïr,
Plus d'armes nous donnons à qui veut nous trahir.
(Émilie, Acte I)
Sylla(*) m'a précédé dans ce pouvoir suprême ;
Le grand César, mon père, en a joui de même ;
D'un œil si différent tous deux l'ont regardé,
Que l'un s'en est démis et l'autre l'a gardé ;
Mais l'un, cruel, barbare, est mort aimé, tranquille,
Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville ;
L'autre, tout débonnaire, au milieu du Sénat
A vu trancher ses jours par un assassinat.
Ces exemples récents suffiraient pour m'instruire,
Si par l'exemple seul on se devait conduire :
L'un m'invite à le suivre, et l'autre me fait peur ;
Mais l'exemple souvent n'est qu'un miroir trompeur,
Et l'ordre du destin qui gêne nos pensées
N'est pas toujours écrit dans les choses passées :
Quelquefois l'un se brise où l'autre s'est sauvé,
Et pas où l'un périt un autre est conservé.
(Auguste, acte II)
(*) Sylla conquit le pouvoir par la force de ses légions, contre Marius, exerça un pouvoir tyrannique de 82 à 79 av. J.-C. puis abdiqua.
C'en est trop, Émilie: arrête, et considère
Qu'il t'a trop bien payé les bienfaits de ton père:
Sa mort, dont la mémoire allume ta fureur,
Fut un crime d'Octave, et non de l'Empereur.
Tous ces crimes d’État qu'on fait pour la couronne,
Le Ciel nous en absout alors qu'il nous la donne ;
Et dans le sacré rang où sa fureur l'a mis,
Le passé devient juste et l'avenir permis.
Qui peut y parvenir ne peut être coupable ;
Quoi qu'il ait fait ou fasse, il est inviolable ;
Nous lui devons nos biens, nos jours sont en sa main,
Et jamais on n'a droit sur ceux du souverain.
(Livie, acte V)
Considérez d'ailleurs que vous régnez dans Rome,
Où; de quelque façon que votre cour vous nomme,
On hait la monarchie ; et le nom d'empereur,
Cachant celui de roi, ne fait pas moins d'horreur.
Ils passent pour tyran quiconque s'y fait maître ;
Qui le sert, pour esclave, et qui l'aime, pour traître ;
Qui le souffre a le cœur lâche, mol, abattu,
Et pour s'en affranchir tout s'appelle vertu.
(Maxime, acte II)
Va t'en, et souviens toi seulement que je t'aime.
La gloire et le plaisir, la honte et les tourments, - Tout doit être commun entre de vrais amants.
CINNA : C'est un ordre des dieux qui jamais ne se rompt,
De nous vendre un peu cher les grands biens qu'ils nous font.
Acte II, Scène 1, (v. 559-560).
Apprends à te connaître, et descends en toi-même.
Le recevoir de lui ma serait une gêne,
Mais quand j'aurai vengé Rome des maux soufferts,
Je saurai le braver jusque dans les Enfers.
Oui, quand par son trépas je l'aurai méritée,
Je veux joindre à sa main ma main ensanglantée,
L'épouser sur sa cendre, et qu'après notre effort
Les présents du Tyran soient le prix de sa mort.
Apprends à te connaître, et descends en toi-même.