Elle avait mes discours, mais vous aviez mon cœur,
Où vos yeux faisaient naître un feu que j’ai fait taire,
Jusqu’à ce que ma flamme ait eu l’aveu d’un père ;
Comme tout ce discours n’était que fiction,
Je cachais mon retour et ma condition.
Mais pour le voir ainsi qu'en pourrai-je juger ?
J'en verrai le dehors, la mine, l'apparence ;
Mais du reste, Isabelle, où prendre l'assurance ?
Le dedans paroît mal en ces miroirs flatteurs ;
Les visages souvent sont de doux imposteurs :
Que de défauts d'esprit se couvrent de leurs grâces,
Et que de beaux semblants cachent des âmes basses !
Les yeux en ce grand choix ont la première part ;
Mais leur déférer tout, c'est tout mettre au hasard :
Qui veut vivre en repos ne doit pas leur déplaire,
Mais sans leur obéir, il doit les satisfaire,
En croire leur refus, et non pas leur aveu,
Et sur d'autres conseils laisser naître son feu.
Cette chaîne, qui dure autant que notre vie,
Et qui devrait donner plus de peur que d'envie,
Si l'on n'y prend bien garde, attache assez souvent
Le contraire au contraire, et le mort au vivant ;
Et pour moi, puisqu'il faut qu'elle me donne un maître,
avant que l'accepter je voudrais le connaître,
Mais connaître dans l'âme.
DORANTE
La poudre que tu dis n'est que de la commune,
On n'en fait plus de cas ; mais, Cliton, j'en sais une
Qui rappelle si tôt des portes du trépas,
Qu'en moins d'un tournemain on ne s'en souvient pas.
Quiconque la sait faire a de grands avantages.
CLITON
Donnez-m'en le secret, et je vous sers sans gages.
IV,3
DORANTE (seul)
- - - Je revins hier au soir de Poitiers,
D'aujourd'hui seulement je produis mon visage,
Et j'ai déjà querelle, amour et mariage ?
Pour un commencement, ce n'est point mal trouvé.
Vienne encore un procès, et je suis achevé.
II,8
CLARICE
Cette chaîne qui dure autant que notre vie,
Et qui devrait donner plus de peur que d'envie,
Si l'on n'y prend bien garde, attache assez souvent
Le contraire au contraire, et le mort au vivant ; (...)
II,2
DORANTE
(...) Jugez par là quel bien peut recevoir ma flamme
D'une main qu'on me donne, en me refusant l'âme,
Je la tiens, je la touche, et je la touche en vain,
Si je ne puis toucher le cœur avec la main.
I, 2.
Comme en sa propre fourbe un menteur s’embarrasse !
Peu sauraient comme lui s’en tirer avec grâce.
Vous autres qui doutiez s’il en pourrait sortir,
Par un si rare exemple apprenez à mentir.
CLARICE
Chaque moment d'attente ôte de notre prix,
Et fille qui vieillit tombe dans le mépris :
C'est un nom glorieux qui se garde avec honte ;
Sa défaite est fâcheuse à moins que d'être prompte.
Le temps n'est pas un dieu qu'elle puisse braver,
Et son honneur se perd à le trop conserver.
CLITON.
Monsieur, quand une femme a le don de se taire,
Elle a des qualités au-dessus du vulgaire ;
C'est un effort du ciel qu'on a peine à trouver ;
Sans un petit miracle il ne peut l'achever ;
DORANTE
Je me suis souvenu d'un secret que toi-même
Me donnais hier pour grand, pour rare, pour suprême.
Un Amant obtient tout, quand il est libéral.
CLITON
Le secret est fort beau, mais vous l'appliquez mal.
Il ne fait réussir qu'auprès d'une coquette.
IV,1