Pour revenir vite fait sur l'histoire originale, le livre d'Orwell est un petit bijou de cynisme, de critique politique, il offre une vision glaçante d'un système totalitaire, inspiré de Staline. L'intérêt principal de cette oeuvre est dans la façon de proposer une manière de supprimer la pensée et c'est là qu'elle est remarquable et impressionnante. le roman d'Orwell n'est pas une lecture palpitante, ce n'est pas un récit de dystopie épique, il n'y a peu de rythme, et l'aventure n'en est pas une. Alors j'ai toujours un doute sur la pertinence d'une adaptation, que ce soit en bande dessinée, au cinéma ou autre.
Ici, je remarque tout de suite les intentions graphiques radicales. le trait est réalisé au pinceau brut et sec, c'est traité avec une apparente bichromie pour rendre l'aspect austère et rustique, comme de vieilles sérigraphies, mais avec un trait agressif. Il y a dans le style graphique, une dureté, une âpreté et beaucoup de soudaineté, qui donne une ambiance furtive, comme s'il fallait vite représenter les scènes avant de se faire surprendre, comme si
Xavier Coste lui-même enfreignait quelques règles de la même manière que Winston Smith le fait en tenant un journal. Les cadrages, les plans, les angles de vue sont aussi très découpés, l'architecture de type stalinien est très présente, froide et monumentale, faisant référence au constructivisme russe. Je trouve que ces choix graphiques rendent bien hommage au texte original et son austérité est atténuée par ces choix. Les passages sans textes s'articulent avec les passages plus bavard, on passe de l'ambiance que nous propose
Xavier Coste à l'oeuvre originale avec beaucoup de rythme, des changements d'intensité, on passe du récit d'aventure à la réflexion politique avec beaucoup de souplesse, le récit est presque plus haletant que l'original. de plus, par sa radicalité, elle nous fait entrer dans les processus d'effacement de la pensée, et surtout, elle la rend encore plus inéluctable, logique et incontournable.
Le pop-up en fin de livre nous offre un moment d'extase, on vient de se farcir toute cette horreur idéologique, et on revient sur la grandeur et la gloire de Big Brother, une conclusion glaçante, comme une dernière claque pour ceux qui n'avaient pas retenu la leçon.
Xavier Coste nous propose sa propre interprétation de l'oeuvre, dure et sèche, je n'en attendais pas moins d'une adaptation de cette oeuvre, j'y ai trouvé ce que j'espérais, c'est une réussite magistrale.