Je ne veux rien qui vienne de vous…
Ces mots tournaient dans ma tête, avec, en arrière-plan, l’image d’une jeune femme en uniforme de prisonnier.
Après tout, c’était aussi bien qu’Avett soit dans cette disposition d’esprit. Après Lottie et le défilé d’emmerdeuses qui l’avait remplacée, je n’avais plus rien à offrir à une femme, en dehors de ma connaissance du code pénal et de mes talents d’avocat.
Du moment que mon histoire et la sienne se terminaient de la même façon et à la même page, du moment qu’on était réunis à la fin, je me foutais pas mal des choix, bons ou mauvais, qu’on allait devoir faire en cours de route. Car, toutes les décisions importantes, je savais déjà qu’on les prendrait ensemble. Elle et moi.
Avett était la vie. Sa façon d’aller à ma rencontre, de m’agripper, de ruisseler de plaisir sans inhibition et sans honte.
Elle était vraie.
Elle était sincère.
Elle était authentique.
« Toutes les choses vraiment atroces démarrent dans l’innocence. »
ERNEST HEMINGWAY
Elle s’éclaircit délicatement la voix, tout en se dirigeant vers la porte. Une fois sur le seuil, elle marqua une pause, la main sur la poignée, et se retourna pour me décocher un regard aigu.
— Quaid…
Je levai les yeux du dossier que j’étais en train d’examiner et haussai les sourcils d’un air interrogateur.
— Oui ?
— Je ne suis ni aussi jeune ni aussi innocente que vous semblez l’imaginer. Mais si vous voulez faire avaler ça à un juge et à des jurés, et que ça peut m’éviter la prison, OK, je jouerai ce rôle… Seulement, de votre côté, vous devez admettre que ça n’est pas la réalité.
Elle sortit avant que j’aie pu répliquer.
sur un coup de tête, elle allait sortir de ma vie aussi brutalement qu'elle y était entrée. On ne peut pas retenir le vent...
Et c’était moi qu’elle avait choisi. C’était chez moi qu’elle s’était réfugiée, et non chez sa mère, pour faire le deuil de la maison avec ses parents. C’était à moi qu’elle avait fait confiance : elle me croyait capable de tout arranger et de lui proposer la seule chose dont elle avait besoin. Alors, même si j’étais convaincu de ne plus avoir d’affection à donner, l’âme vidée de tout sentiment, j’allais gratter le fond de mon cœur et offrir à Avett Walker les quelques miettes d’amour qui lui permettraient de surmonter cette nouvelle épreuve.
J’aurais tout le temps, ensuite, de renfiler le costume du salaud hargneux, cynique, désabusé et matérialiste que j’étais devenu depuis mon divorce. Auprès d’Avett et pour elle, je me sentais libre de… d’exister, tout simplement. Je n’avais pas à feindre quoi que ce soit, je retrouvais un mode de fonctionnement authentique. Mais savais-je encore à quoi ressemblait la vraie vie ? En tout cas, plus je la côtoyais et plus les priorités de l’existence émergeaient du brouillard qui m’avait empêché d’y voir clair jusque-là.
C’était ça, Brite Walker. Un géant qu’il ne fallait pas emmerder, grisonnant, bourru, mais avec un cœur énorme. Un homme extraordinaire… Je n’avais jamais fait quoi que ce soit pour mériter un tel père mais, dans mon égoïsme de fille avide d’amour, je savais que jamais je ne le laisserais s’éloigner de moi. Pourtant, je ne pensais pas pouvoir être un jour digne de sa loyauté et de son dévouement à mon égard.
Avett ? Celle qui m’avait enchaîné à elle et réduit à ms instincts les plus basiques, à mon être le plus pur, se fichait apparemment du luxe matériel dont je m’entourais. Elle m’aimait pour moi-même.
L’aigle de la justice ? Je ne pus m’empêcher de sourire en découvrant ce surnom débile.