Pire que d'avoir été violée, c'est de parler de leur viol qu'on reproche aux victimes.
Elle était restée deux jours entiers dans son lit, à chercher vainement le sommeil, en voyant toujours passer les mêmes images devant ses yeux. Comme un film qu'elle était condamnée à visionner indéfiniment, sans aucune échappatoire. Pourquoi s'acharnait-elle à ressasser le passé? Il est impossible de le changer. Peut-être essayait-elle simplement d'apprivoiser ces images, ces sensations, pour qu'il lui soit plus facile de vivre avec. Comme ça, petit à petit, elle arriverait à sen détacher. Il le faudrait bien, si elle voulait continuer à vivre. Cela faisait plus d'un mois qu'elle errait entre deux mondes, comme une convalescente. Elle devait guérir pour pouvoir avancer.
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Le vertige la saisit à l'idée que les victimes ne soient pas entendues. Les renvoyer au silence, cela reviendrait à dire que les hommes peuvent continuer à violer impunément, que les femmes sont des proies qui doivent renoncer à leur liberté de circuler, de s'habiller comme elles veulent, pour ne pas tenter le prédateur.