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Citations sur Un merveilleux malheur (102)

Un même scénario comportemental peut prendre un sens opposé selon son contexte social : vendre de la drogue est considéré comme un crime par ceux qui sont socialisés, alors que c’est un comportement de sauvetage, de réparation ou de résilience même, pour ceux qui ont été socialement humiliés. Dans les quartiers où l’on patauge dans la misère sociale et culturelle, les enfants sont constamment humiliés. A l’école, ils sont de mauvais élèves parce que la famille souvent n’y attache pas d’importance ou parce qu’ils doivent travailler la nuit pour gagner un peu d’argent. Dans la rue où la violence règne, ils sont souvent battus ou menacés parce qu’ils sont faibles. A son tour, la société ne les intègre pas, les met au chômage et souligne leurs échecs constants, jusqu’au jour où un dealer leur apprend qu’en une seule soirée ils peuvent gagner assez d’argent pour reconquérir leur dignité. Dès le lendemain, ils donnent de l’argent à leur famille et peuvent à leur tour dominer ceux qui les ont battus. Entravés dans leur aventure sociale et culturelle, ils deviennent résilients grâce à la délinquance. Ils se réparent en réparant leur famille et retrouvent leur dignité en devenant délinquants. Ce scénario de sauvetage est classique des gamins des rues de Bogotá ou de Sao Paulo. Un petit garçon qui refuserait la délinquance aurait toutes les chances d’être éliminé. Ceux qui possèdent ce talent, qui constitue une valeur dans un tel contexte, s’en sortent s bien, qu’ils achètent d’immenses domaines, se paient des armées privées et mettent leurs enfants dans les collèges de luxe où ils reçoivent une excellente éducation. La maltraitance sociale pour ces gamins résilients ne se répète absolument pas, puisque leurs enfants ne se droguent jamais et que, dans un tel contexte, le fait d’avoir un père criminel constitue plutôt une chance sociale.
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Le malheur n’est jamais pur, pas plus que le bonheur. Mais dès qu’on en fait un récit, on donne sens à nos souffrances, on comprend longtemps après, comment on a pu changer un malheur en merveille, car tout homme blessé est contraint à la métamorphose : « J’ai appris à transformer le malheur en épreuve. Si l’un fait baisser la tête, l’autre la relève » explique Catherine Enjolet.
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De plus, nous ne sommes jamais les mêmes puisque nous vieillissons sans cesse.
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Quand le réel est terrifiant, le rêve est un espoir de le surmonter.
La poésie est une arme de survie quand le réel est insupportable.
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Freud pense que l’homme heureux n’a pas besoin de rêves, le réel suffit à le satisfaire. Sartre évoque la « pauvreté essentielle » de l’objet de rêve, toujours au bord de l’évanouissement. Mais Bachelard, comme les petits Stanislas et Serban, dit que « l’Homme de la rêverie baigne dans le bonheur de rêver le monde, baigne dans le bien-être d’un monde heureux. »
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Il n'y a pas de fracas sans métamorphose. Les grands blessés de l'âme, les gueules classées de la carence affective, les enfants battus et adultes écorchés témoignent avec étonnement du développement intime d'une nouvelle philosophie de l'existence. Car l'obligation de comprendre et de demander « pourquoi » entraîne à apprendre et à mieux anaIyser l'agresseur. Puis, le fait de se dire « et maintenant, que vais-je faire avec ma blessure? » invite à découvrir la partie saine de soi et à partir en quête de la moindre main tendue.
Alors se tricote la résilience. Elle n'est pas à rechercher seulement à l'intérieur de la personne, ni dans son entourage, mais entre les deux, parce qu'elle noue sans cesse un devenir intime avec le devenir social.
Il n'est pas inutile non plus d'inventer un terme nouveau afin de lutter contre l'usure des mots et l'engourdissement des théories. Un concept inattendu oblige à préciser les anciens : le fait de représenter la résilience par la métaphore du tricot élimine la notion de force ou de faiblesse de l'individu. Ce qui n'a rien à voir avec la vulnérabilité ou l'invulnérabilité et qui est totalement différent du mécanisme psychanalytique de la résistance qui s'oppose à l'accès à l'inconscient, mais ce qui peut côtoyer les notions d'étayage de la pulsion et des défenses du moi. Le déni, le clivage, l'activisme humain et bien d'autres défenses sont élaborés par ces théories, mais la notion de résilience souligne l'aspect adaptatif et évolutif du moi. On peut être résilient dans une situation et pas dans une autre, blessé un moment et victorieux un autre.
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Quand Pierrot s'est engagé dans la Résistance à l'âge de seize ans, il est resté seul vivant, toute sa famille a disparu. Après la guerre, il a poursuivi ses activités militantes et réunissait régulièrement chez lui de vieux résistants âgés de quinze à trente ans. Leurs enfants jouaient ensemble et baignaient dans ces histoires de mort, de tortures, de lynchages et de dénonciations. Trente ans plus tard, presque tous ces enfants souffrent d'un syndrome post-traumatique. Fascinés par la mort, la conspiration et linjustice, leurs nuits sont torturées par d'incessantes angoisses dont ils repèrent mal l'origine puisqu'ils aiment celui dont ils partagent l'agression. Mais ils ne l'eprouvent pas de la même manière puisque Pierrot et ses amis évoquent des tragédies qui, dans l'après coup, sont devenues des victoires, alors que les enfants, eux, n'éprouvent que l'horreur.
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La réaction de celui qui entend le secret imprègne un sentiment dans le psychisme de celui qui se confie. C'est pourquoi le secret révélé peut aussi bien provoquer un soulagement qu'une torture. II n'est pas rare qu'une victime confie pour la première fois, à la télévision, I'horreur de sa tragédie. Paradoxalement, cet acte public est le contraire d'une indécence, c'est un acte intime : "Quand j'ai voulu en parler à ma grand-mère, elle m'a fait taire. Mes voisines m'ont dit que je mentais, que mon père était un brave homme. À la télé, au moins, je suis sûre de m'adresser à ceux qui sauront me comprendre." Parler à huit millions de personnes par désir d'intimité !
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Quand on tait un secret, on fait parler les choses, mais l'entourage souvent s'arrange pour ne pas voir. Aicha était déconcertée de ne presque rien connaître de son père : « Il n'existe pas dans la maison. Je ne sais pas où il est né. Il ne raconte jamais. » Jusqu'au jour où elle a découvert, dans un tiroir de sa chambre d'enfant, un paquet de photos et un livret de famille, «J'ai eu en main ces objets, je les ai tenus, mais je ne les ai pas regardés. Si ma mère avait su m'aimer, j'aurais regardé les photos et posé des questions sur mes origines. »
Quand le dit n'est pas facile, le para-dit s'exprime, mais souvent les témoins ferment les yeux et se bouchent les oreilles. Ils ont tout pour comprendre, sauf le désir de s'impliquer. Niki de Saint Phalle n'a jamais vraiment caché son si "lourd secret". Elle avait même choisi un nom d'artiste pour le signaler. Dans ce cryptonyme, ce qui est caché se donne à entendre. Il y avait un para-dit qui, pour elle, a été un enfer: "L'été des serpents, celui où mon père, ce banquier, cet aristocrate, mit son sexe dans ma bouche..."
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Quand le survivant joue le rôle du représentant permanent de son propre malheur, il s'agit, dans son monde intime, d'une mission capitale. Son témoignage lui permet de transformer son humiliation en message constructif, en devoir de mémoire, pour que ça ne recommence plus jamais. Il se soigne ainsi puisque, en redisant l'événement, il en transforme l'émotion. Son malheur insensé prend sens et devient supportable puisqu'il le rend utile. Ce qui ne correspond absolument pas au monde intime des auditeurs, ou plutôt des spectateurs qui, eux, n'ont pas à faire ce travail de métamorphose. Quand un ancien déporté est invité à une réunion de jeunes historiens, il est placé là pour réciter quel- ques phrases terribles, comme un slogan que plus personne n'écoute.
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