Finis, pour elle, le bonheur, les rires et les rêves. Sa pudeur écorchée à vif, la vie avait perdu tout son sens. Célestine ne serait plus jamais comme avant, au temps du bonheur quand elle demeurait à Sacré-Cœur-de-Jésus-de-Crabtree, une petite paroisse industrielle où son père était sacristain.
Elle se tourna vers le passé et se transporta par la pensée dans le petit patelin qui l'avait vue naître. Célestine retrouva, logé dans un petit coin de sa mémoire, le souvenir des jours heureux.
S'attarder au travail était pour elle une compensation, une vengeance envers son père qui lui rajoutait sans cesse des tâches déplaisantes. Depuis des années, Célestine besognait comme une forcenée. Sur pied dès le chant du coq, elle se crevait au travail jusqu'au coucher du soleil.
La petite paysanne ne demandait pas la lune. Elle aurait juste aimé s'asseoir sur la galerie comme le faisaient les filles de son âge et avoir des loisirs. Célestine ne trouvait jamais le temps de lire, de se promener, de rêvasser.
Ça a encore la couche aux fesses et ça se permet des gestes de gens mariés!
Célestine se sentait une servante. Pire encore, une rien du tout. Elle en voulait à son père qui abusait de ses capacités, à sa mère qui n'intervenait pas en sa faveur, à ses frères qui ne foutaient rien de leurs journées, au monde entier parce que la vie, pour elle, n'avait plus aucun sens.
Il lui fallait s'épurer, exorciser sa souillure au plus vite. Elle se sentait sale, si sale. Si au moins il pleuvait. Mais pourquoi s'attendre à ce que le ciel se chagrine, que la pluie la débarrasse de sa souillure, même un déluge n'aurait pas réussi à la purifier.