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Jean Iritimbi vient du centre de l'Afrique et tente de s'établir au Canada , de gagner assez d'argent pour faire venir son épouse et ses deux filles. Son temps de séjour écoulé, il se réfugie aux Niagara Falls où il travaille comme clandestin dans un hôtel.
Il fait la connaissance de Patricia, une Parisienne aisée qui vient là pour répandre les cendres de sa mère. Elle tombe amoureuse de lui.
Par un moyen pas très légal, ils rejoignent Paris.
La famille de Jean tentera de le rejoindre par la mer avec les risques que cela comporte.
Le court roman donne la parole à Jean, à Patricia et à Vanessa la jeune fille de Jean.
Beaucoup de sentiments s'enchaînent dans le roman avec une grande note d'humanité.
Ceci est le troisième roman de Geneviève Damas. Je l'avais découverte grâce à Latina et avais lu "Si tu passes la rivière" : un excellent roman.
Celui-ci aborde un autre thème avec justesse et toujours une aussi belle écriture.
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Patricia est une femme solitaire, bibliothécaire, elle dispose d'un talent très discutable pour choisir ses partenaires, discutable au point qu'elle se retrouve, à quarante-trois ans, mère célibataire d'une fille qui n'est pas la sienne, Vanessa, jeune Centrafricaine de douze ans rescapée d'un naufrage. L'un de ces naufrages qui ne quittent pas l'actualité, l'un de ces naufrages qui jettent les victimes de violences ethniques, de dictateurs, de guerres et de famines dans les dents de la mer.

Patricia n'a pas choisi Vanessa, Vanessa n'a pas choisi Patricia.

Il aura suffit d'une promesse vite faite et d'un naturel généreux et dévoué pour piéger Patricia dans cet engagement envers le père de Vanessa, celui de prendre en charge la petite victime de stress post-traumatique.
Dès le départ cette relation semble donc compromise, d'autant plus que Vanessa ne prononce pas un mot. Pourtant, malgré les nombreuses difficultés, Patricia ne renonce pas, peut-être y trouve-t-elle une gratification personnelle, elle qui n'a pas eu d'enfant, mais son courage, sa tendresse et son abnégation devant ce défi que la vie lui lance forcent l'admiration.

Geneviève Damas a choisi de traiter ce drame qui devient aujourd'hui hélas tristement banal avec une grande simplicité, mais cette simplicité lui donne indéniablement une grande force. Elle donne la parole aux trois principaux protagonistes de l'histoire, le père de Vanessa d'abord, Patricia ensuite, Vanessa enfin. Vanessa l'enfant, celle de douze ans seulement, née de l'Océan ; Vanessa le cactus, celle qu'on n'approche pas sans se blesser ; Vanessa la farouche, celle qui ne parle pas, et pourtant...

C'est peut-être bien Vanessa qui aura le dernier mot dans cette histoire, Patricia ?

C'est grâce à Ladybirdy et à sa critique de Bluebird que j'ai découvert Geneviève Damas. Merci à toi miss car j'ai beaucoup aimé Patricia.
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Difficile de commencer une critique mitigée d'un de mes auteurs préférés !
Ce tout petit roman aborde le thème délicat des migrants, d'une tout autre façon que la manière habituelle.


En effet, j'ai ressenti un sourd malaise, et cela, continuellement.
D'abord lors de la narration de Jean, immigré centrafricain sans papiers, ayant quitté sa femme et ses deux filles pour le Canada, leur ayant promis de les faire venir dès que la situation serait clarifiée. Mais celle-ci ne se clarifie pas, et quand il rencontre Patricia, une Française bienveillante, il « profite de sa chance » et de son corps et la suit jusqu'en Europe, car elle tombée amoureuse de lui.
Ensuite lors de la narration de Patricia, qui a recueilli la fille cadette de Jean, Vanessa, à son arrivée sur le continent européen. Patricia lui donne tout, elle essaie de se concilier l'amour de la jeune fille de 12 ans, ou du moins son attention, car son père est parti à la recherche du reste de la famille portée disparue lors du naufrage. Tant bien que mal, elle essaie de la sauver du désespoir en lui procurant des soins et des paroles réconfortantes.
Ce désir profond d'aide et d'engagement totalement gratuit n'est nullement récompensé par la jeune fille en butte à l'atroce solitude, qui ne veut – ne peut – s'adresser à Patricia et encore moins l'aimer ou la considérer comme une personne bonne. Ce refus fait l'objet de la 3e partie, la 3e narration.
Malaise donc devant la réaction sans aucune reconnaissance des gens pour lesquels Patricia a engagé sa vie.


Malaise aussi devant les réactions de Jean qui, après des années, regrette d'être parti, d'avoir laissé ses trésors, comme il les appelle, sa famille. Et puis qui n'est plus sûr d'aimer encore sa femme et de la revoir lorsqu'elle lui dit qu'elle vient. Jean qui dit aussi respecter Patricia, mais qui ne lui explique rien.


Malaise enfin devant Jean et sa fille qui au départ détestent les Blancs, car pour eux ils possèdent tout, alors que finalement ils ne les connaissent pas, et quand ils découvrent une Blanche pleine de générosité, leur réaction est en porte-à-faux.


Malgré ce malaise, je reconnais une capacité infinie à Geneviève Damas de dire le désespoir, l'attente, la déception, mais peut-être aussi l'infime rayon de vie qui apparait au bout du tunnel.
La page blanche n'existe pas, il suffit juste de persévérer à écrire sa vie, même avec plein de ratures, car finalement, « il ne faut pas craindre d'oublier, personne ne remplace personne, mais le continue ».

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Cet ouvrage conte l'histoire d'une femme blanche, Patricia, quarante - trois ans , parisienne, bibliothécaire aisée, solitaire, qui rencontre Jean Ititimbi , au Canada, un Centrafricain sans papiers , elle tombe amoureuse de lui .

Il a quitté sa femme Christine et ses deux filles ,il y a longtemps après leur avoir promis de les faire venir . Il ne le dit pas à sa nouvelle amie.


. Il profite de sa chance et suit Patricia qui a volé pour lui un passeport à un afro-américain jusqu'en Europe , à Paris .
Il apprend , en appelant Christine qu'elles sont en route pour le rejoindre . Hélas , le bateau qui les transporte fait naufrage et on annonce peu de survivants …

C'est un récit bouleversant à trois voix , trois narrateurs , où chaque protagoniste , Jean , Patricia et Vanessa, miraculée des eaux qui ont noyé sa mère Christine et sa soeur , au coeur de la tragédie que connaissent des milliers de migrants .raconte son histoire,
Patricia se retrouve mère célibataire d'une fille Vanessa, qui n'est pas la sienne , jeune centrafricaine de douze ans , rescapée du naufrage .

En prenant Vanessa sous son aile , inconditionnellement , Patricia fait mentir et contredit tous les clichés habituels .
Au coeur des trois monologues chacun dit à l'autre ce qu'il a sur le coeur au moment des faits.
Évidemment , ce qu'il ne pourrait lui avouer tout haut en le regardant dans les yeux!
La juxtaposition heureuse de ces paroles signe l'extrême sincérité du propos .
Les phrases sont fluides , simples ,visuelles , sans atermoiement ni larmoiement .
Le récit lu d'une traite , tient par sa tension, sa puissante attraction .

Le lecteur est tenu en haleine, pétrifié, concerné jusqu'à la dernière phrase
.
L'auteure dit , magnifiquement , le désespoir et l'attente , le mensonge et les non- dits, la souffrance morale , le dénuement, , la générosité, la révolte , la rébellion muette, , les résistances du silence prolongé de Vanessa si douloureux et pétri de questions pour Patricia .

Tout en délicatesse , justesse , sobriété , subtilité , authenticité , ce roman simple mais plein , dense , pétri ô combien , d'humanité et d'espoir, magnifique de fraîcheur et d'amour , à l'intensité incroyable , tant les émotions prennent le lecteur à la gorge , nous traverse intimement , nous touche au coeur .

J'ai été frappée par le dévouement de Patricia , sa pudeur , son engagement de coeur , sa retenue et sa générosité , sa patience ,son écoute , sans contrepartie aucune !
Il ne se dira pas en face à face mais juste par l'intermédiaire de la fille de Jean : Vanessa .
Un immense coup de coeur sur un sujet brûlant d'actualité , si sensible !
Je souligne avec force ce livre marquant , touchant , fulgurant de déchirement humain à l'humanité sans pareille !
Je remercie chaleureusement mes amis de Babelio qui m'ont fait acheter cet ouvrage !
Et j'ajoute : une auteure belge ! Bravo !
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Geneviève Damas, auteur du très beau Si tu passes la rivière, prix Victor Rossel et Prix des Cinq Continents de la Francophonie, s'est rendue à Lampedusa en 2016 pour une série d'articles sur les migrants pour le journal "Le Soir".
De ces reportages, elle en a tiré ce très beau récit polyphonique à la fois court et dense, où le drame des migrants prend une belle humanité loin des reportages des journaux télévisés.

A travers le monologue de trois personnes- un homme, une femme et un enfant- plus ou moins directement lié au drame du déracinement et des naufrages de ferries transportant des migrants, Geneviève Damas porte un regard original et touchant qui émeut profondément.
Un Très beau roman, qui vient juste de sortir et que j'ai pu découvrir grâce à Gallimard et à Babelio dans le cadre de son opération Masse Critique.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Je viens de terminer le beau roman de Geneviève DAMAS : PATRICIA.
Je découvre cet auteur et suis très agréablement surprise.
Ce court roman (136 pages) est une pépite, il nous plonge dans un univers inhabituel mais pourtant tellement présent dans l'actualité de ces dernières années.
Il s'agit d'un récit choral à trois voix, trois narrateurs.
Le premier, Jean Iritimi, Centrafricain sans papier, vit au Canada depuis quelques années de petits boulots qui lui permettent d'envoyer de l'argent à sa femme et ses deux filles, restées en République Centrafricaine. Il rencontre Patricia, une française, blanche et dans toute cette première partie, c'est à elle qu'il s'adresse. Patricia tombe vite amoureuse et n'hésite pas à voler un passeport pour l'emmener avec elle à Paris. Bien sûr il ne lui avoue pas qu'il est marié et père de famille. Mais sa femme, qui a réussi à économiser, lui annonce qu'elles sont en route pour le rejoindre.
Malheureusement le bateau fait naufrage, il n'y a que peu de survivants. Il espère qu'elles en font partie et n'hésite pas à partir vers la Sicile pour essayer de les retrouver.
Seule l'une d'entre elles a survécu.
La deuxième partie est narrée par Patricia et s'adresse à la rescapée……..
En troisième partie, c'est la rescapée qui s'adresse à Patricia……….
Je n'en dis pas plus pour ne pas spolier.
Ce roman est plein d'émotion, du début à la fin. C'est un récit dense et riche où sont traités à la fois le problème des sans-papiers, l'amour, le mensonge, l'espoir, la souffrance morale, la séparation, la mort, la générosité, la rébellion, le don de soi etc….
Geneviève Damas, a une très belle écriture, fluide, juste, elle sait transmettre l'émotion avec beaucoup de simplicité. J'ai beaucoup aimé ce roman plein de tendresse qui m'a émue aux larmes.
Je le classerais dans les romans psychologiques. Amateurs de livres émouvants n'hésitez pas vous ne serez pas déçus.
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Un magnifique portrait de femme.
Une petite fille migrante rescapée ,mais toujours en danger.
Un homme usé par la précarité.

Un très court texte, une écriture sobre, éfficace et sans chichi.
Un roman choral qui va s'inscrire en mémoire.

Patricia, la quarantaine, confie les cendres de sa mère au Niagara.
La solitaire, se sent orpheline et seule.
Besoin d' être aimée mais surtout d'aimer.

Jean, un centrafricain sans papier, harassé par la fragilité de sa situation au Canada. Il peine à envoyer trois sous à sa femme et ses deux filles. Il est très loin de son rêve initial ; l'exil pour réussir à extirper sa famille de la misère.

Vanessa, 12 ans est rescapée de la terrible traversée du désert puis de la mer. Elle a perdu ses mots dans l'eau. Rejette le présent , oppose un refus muet à toute proposition. Elle est envers et contre tout, terriblement malheureuse, inabordable . Elle se réfugie dans un bastion inaccessible.

Ces trois là, vont vivre une aventure des temps modernes où il est question de survie pour chacun.
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La jeune Vanessa part de Centrafrique avec sa famille pour rejoindre son père Jean Iritimbi à Paris, où il tente de gagner un peu d'argent pour sauver sa famille de la misère. Patricia, une Française avec laquelle Jean Iritimbi a entamé une relation, tente de sortir Vanessa d'un mutisme dans lequel elle s'est enfermée après une traversée dramatique. Une fiction émouvante qui raconte avec pudeur l'éloignement, l'amour et le dévouement.

J'avais découvert ma compatriote Geneviève Damas avec un texte léger mais touchant, « S.T.I.B. », qui mettait en scène deux femmes ordinaires, à Bruxelles. Elle propose ici d'autres portraits, plus profonds, dans un cadre plus dramatique mais qu'elle traite avec une retenue qui renforce l'émotion.

Dans le premier chapitre, Jean Iritimbi raconte à la première personne comment il décide de chercher fortune clandestinement au Canada, avec l'espoir de pouvoir améliorer le sort de sa femme et ses deux filles en Centrafrique. Il garde contact avec sa famille, qui reste au centre de ses pensées. Mais une solitude s'installe avec les années qui passent et il tombe amoureux d'une française, Patricia, narratrice à la première personne du deuxième chapitre. Elle aime Jean Iritimbi d'un amour sincère et prend des risques pour le faire passer à Paris, en passant par les États Unis.

Geneviève Damas parvient à rendre avec beaucoup de finesse l'état d'esprit torturé dans lequel se trouve Jean Iritimbi: torturé de se sentir comme une bête traquée à cause de sa clandestinité, torturé d'être partagé entre son amour pour Patricia et son attachement à ses filles et à sa femme.

Son trouble s'accroît soudainement lorsque sa femme annonce qu'elle part pour le rejoindre, avec ses deux filles. On le sent commencer à agir à l'instinct. Il abandonne Patricia pour aller retrouver sa famille au port. Mais les choses se passent mal et Vanessa, adolescente, se trouve séparée de sa mère et de sa soeur. Jean Iritimbi la confie à Patricia pendant qu'il part à leur recherche.

J'ai été fort touché par le dévouement dont Patricia fait preuve envers Vanessa. Un dévouement sans atermoiement parce qu'on le sent tout naturellement mû par son amour pour Jean Iritimbi. Vanessa est extrêmement marquée par sa traversée. À la suite de Patricia, dans le troisième chapitre, elle raconte à la première personne comment, moment après moment, pas-à-pas, elle sort de la crise qu'elle a vécue, avec un attachement à Patricia qu'elle exprime avec beaucoup de difficulté.

C'est à mon sens Vanessa qui est le personnage central de ce roman. Car dans le titre du roman, le mot « Patricia » ne désigne pas la personne mais son nom. Vous comprendrez cette remarque mystérieuse à la toute fin du texte.

Le livre est assez court. Il aurait pu être plus long car Geneviève Damas laisse ouverte la suite de l'histoire de Jean Iritimbi. Mais cela ne m'empêchera pas de vous recommander chaleureusement de vous plonger dans l'émotion de ce récit, dont la force réside dans la retenue et la pudeur avec laquelle il a été rédigé.

« Si tu passes la rivière » reste sur ma pile. Ce sera probablement ma prochaine lecture de Geneviève Damas.
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Roman en trois parties qui donnent successivement la parole à Jean Iritimbi, Patricia et Vanessa, la fille cadette de Jean, Patricia aborde la question de l'exil et des migrants qui traversent la Méditerranée.

Jean a choisi de quitter la Centrafrique pour Montréal mais son désir de liberté et d'une vie meilleure était insuffisant aux yeux de l'administration pour qu'il obtienne des papiers. Il a échoué dans un hôtel près des chutes du Niagara où il travaille au noir depuis dix ans et même s'il continue à envoyer de l'argent et à avoir des contacts avec sa femme et ses deux filles restées au pays, il sent bien la distance qui le sépare désormais de ses proches. Aussi, quand il capte l'attention d'une cliente de l'hôtel, il se laisse faire et accepte l'amour et tout ce que cette femme est prête à faire pour lui. Elle le ramène chez elle, à Paris, où il profite de son appartement et de son argent. Elle, c'est Patricia, une bibliothécaire discrète, voire effacée, dont la vie était « en vacance » avant de rencontrer Jean. Quand celui-ci comprend que sa femme et ses filles ont quitté leur village pour venir à leur tour en France, et que le bateau qu'elles ont emprunté pour traverser la Méditerranée a chaviré, il lâche tout pour les retrouver au fin fond de l'Italie. Et c'est malgré tout sur Patricia qu'il ose s'appuyer pour prendre soin de sa cadette, Vanessa, douze ans.

Le vécu de Jean en exil peut sembler un tant soit peu égoïste, mais Geneviève Damas fait bien ressentir l'ambivalence des sentiments qui le traversent. Ce sont surtout les parties consacrées à Patricia et à Vanessa qui m'ont touchée. C'est presque incroyable, ce qui se passe dans la vie de cette femme parce qu'elle est tombée amoureuse d'un homme sans papiers, ce qu'elle accepte, ce qu'elle ose, ce qui s'épanouit en elle. Geneviève Damas se glisse aussi avec délicatesse dans la peau de Vanessa et nous fait percevoir l'étendue de la perte, l'étendue du chemin à parcourir pour simplement vivre, revivre après la tragédie. L'émotion m'a cueillie à la fin du livre.

Tout cela est bien documenté, comme l'attestent les nombreux remerciements de l'auteure à la fin du livre mais tout cela est dit à hauteur d'homme, de femme, d'enfant, dans une langue orale, sans pathos et d'autant plus touchante. C'est un roman court mais dense et plein d'humanité.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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"Patricia", un roman superbe et nécessaire que j'ai lu d'une traite. Et je sais déjà que je le relirai, parce qu'aussi riche soit-il au premier abord, je sens, je sais qu'il l'est infiniment plus encore.

Les personnages, d'abord. Ils sont attachants, si fragiles, si humains... Ils doutent d'eux, des autres, de leur capacité à faire les bons choix, de leur propre intégrité morale. C'est ce doute permanent qui rend leurs décisions d'autant plus admirables. Après tout, le lâche qui monte au front n'est-il pas plus courageux que le type qui n'a peur de rien? Je les ai aimés pour leurs failles, et non malgré leurs failles.

Le thème, ensuite. Aussi dramatique soit-il, Geneviève Damas a su aborder le sujet avec une juste pudeur. Si elle n'élude pas la réalité, elle parvient à la dépeindre sobrement, sans écoeurer le lecteur. Il y aurait beaucoup à dire sur les migrants et l'erreur serait de vouloir tout dire, précisément. Geneviève Damas a évité cet écueil. Néanmoins, elle nous dit l'essentiel, et en peu de pages. Quand je pense à la construction de son roman, je réalise que le choix de la polyphonie nous expose trois ressentis personnels, mais aussi trois angles de vue sur le drame de l'immigration. Derrière les destinées individuelles de Jean Iritimbi, de Vanessa et de Patricia, il y a les questionnements de trois "communautés": les étrangers désabusés qui sont arrivés il y a longtemps et qui peinent à faire leur trou, les migrants qui fuient la misère et se lancent sur la mer dans des coques de noix vouées au naufrage, et nous, les Blancs, qui nous demandons comment concilier une certaine fermeté ("on ne peut pas accueillir toute la misère du monde") avec une nécessaire humanité ("si je ne m'en préoccupe pas, qui le fera")...

Le style: il est fluide et sans fioritures. de toute évidence, l'auteur ne veut pas en faire trop, se mettre en avant, prendre le risque que la plume vienne s'interposer entre les personnages et les lecteurs. Mission accomplie.

Enfin, je voudrais aussi rendre hommage à la façon dont Geneviève Damas s'est documentée. Il y a de l'honnêteté intellectuelle dans sa démarche. Et même plus encore. Car aujourd'hui, avec Internet et un téléphone, on peut s'informer sur à peu près tout et n'importe quoi sans se lever de sa chaise. Mais il y a une marge énorme entre ne pas commettre d'erreur factuelle et être capable de communiquer un ressenti parce qu'on s'en est soi-même imprégné. Nul doute que ses expériences à l'étranger, mais également à Bruxelles, ont apporté à "Patricia" ce qu'il manque dans trop de romans aujourd'hui: la sincérité.
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