- Vous vous êtes enivré ?
Tout de suite les mots qui fâchent…
C’est le zonzon feutré de l’aspirateur de Félicie qui me réveille… Ou du moins c’est ce bruit là que j’entends en sortant du tunnel. Le temps de compter jusqu’à un, très lentement, et voici que se déchaîne dans ma tronche la plus terrible gueule de bois homologuée depuis que Noé inventa le picrate.
Comme le dit si pertinemment Pierre Dac, il y a des gens qui s’imaginent que leur appartement est haut de plafond, mais en réalité, il est bas de plancher.
Jolie comme un bouquet de printemps.
Je la lutine vachement. A la fin nous sommes tellement agacés que nous chutons sur le matelas pneumatique. Et alors, comme je suis dans mes bons jours, je lui fais le grand super gala ! D’abord le Binocle du Percepteur, parce que c’est une mise en train (si je puis dire) de grand style ; ensuite la Machine à écrire de Maman (dix ans de pratique, clavier universel, ruban bicolore et tabulateur d’espacement) ; ceci pour passer à mon triomphe : l’Hélicoptère du Négus. Les dames qui ont eu droit à ce moment de la volupté n’en sont jamais redescendues. Sur les cent quatorze qui ont goûté à l’hélicoptère, douze sont entrées au couvent, vingt-deux dans une maison que la morale admet mais que Marthe Richard réprouve et les autres se sont logé, soit une balle dans la tête, soit dans un hôtel meublé. C’est vous dire, hein ? En final, elle a droit à la petite Tonkinoise chez le Gouverneur.
Je donne un très joli récital de cris inhumains. J’imite le goret qui s’est fait coincer la queue dans le tiroir d’une commode Empire. Ensuite le glapissement du chacal en chaleur. Je passe alors à une colère d’éléphant qui vient d’apprendre que sa femme le trompe. Le tout agrémenté de ruades…
Je lui demande ce qu’elle fait ce soir, elle me répond qu’elle sort avec son fiancé. Son fiancé s’appelle Frank et il est aviateur. J’espère qu’il sera à la hauteur !
C’est idiot du reste de voir les hommes faire du rififi parce qu’ils sont plusieurs à servir dans le même corps. Quand il y en a pour un, y en a pour douze !
Bien que ne le connaissant pas, je ne puis m’empêcher de lui adresser l’expression de ma sympathie. Parce qu’enfin qu’est-ce qu’un homme peut faire de plus pour ses contemporains que de partir en voyage sans sa femme lorsque celle-ci est jolie ?
Les personnages de ce récit sont imaginaires et fictifs. Alors, hein ? Pas d'histoires !
S.-A.