Les mensonges, c'est pas fait pour être crus, c'est fait pour éviter la vérité.
Le pilote est déjà à son poste. C'est un Blanc, mais d'Afrique, c'est à dire qu'il a déjà sa cirrhose et un chouïa de paludisme. Il est en manches de chemise et son pif ressemble à une carte de France consacrée aux voies navigables, tellement qu'il est tissé de parcours bleus ou rouges, voire violets. Ses grands yeux rouges comme sur un dessin de Folon doivent lui tenir lieu de feux de position en cas de panne.
- Vous êtes professeur de ...
- D'allemand.
- Je suis dans sa classe, m'explique Marie-Marie, mais moi, le chleuh, j'ai du mal.
- C'est pourtant une fort belle langue, assure son professeur.
- Pour commander de foutre le feu à Oradour ou pour chanter Wagner, j'dis pas, madame, mais j'sais que j'voudrais pas qu'on cause d'amour en allemand.
" - (...), mais pourquoi diable m'appelez-vous papa ? Si j'étais votre père vous ne ressembleriez pas à un cadavre !
- C'était par respect pour vos cheveux blancs.
- Si mon visage l'était également, vous vous contenteriez de m'appeler Monsieur."
" - Les mensonges, c'est pas fait pour être crus, c'est fait pour éviter la vérité", répond-elle non sans quelque pertinence selon moi.
Car y'a rien de plus idiot que de frapper ou sonner à une porte et d'attendre que quelqu'un vienne t'ouvrir. C'est une survivance des ponts-levis du Moyen-Âge, ça.
Je considère le vaste hall où le travail vient de cesser et qui est vide à présent. Les voitures qu'il héberge ressemblent à des jouets. Ce sont des jouets. Des jouets d'homme.
Les hommes, on est des cons, à espérer l'été et vite à s'en protéger sitôt qu'il est là, pourtant juste de passage. On rewrite le temps, comme dans la presse, on rewrite les papiers ; que tout s'uniformise, se calibre bien, que rien dépasse. Un jour, on comblera les mers et aplatira l'Himalaya, tellement essoufflant à escalader !
Lorsque le couvercle est rajusté, je lui déclare que, bon le mort est en boîte, mais qu'on va laisser son cercueil d'osier sur place pour l'instant. Il répond que pas du tout, il veut aller le flanquer à la mer. Je réaffirme que non. Il insiste que si. Et, fatalement, prend mon poing en pleine théière. Tuvoyais une autre solution, toi?