Je suis peut être la pire des mères, mais le père du bébé est amoureux de moi.
Quand on s'est occupé de lui, et qu'il est endormi, il nous reste tout le reste : la maison, les courses , la nourriture, la table à mettre , le lave vaisselle à vider, la lessive à étendre, les draps à plier : ce n'st pas lui qui nous fatigue , c'est l'intendance perpétuelle .
"Areuh", l'onomatopée classique, est le mot que le bébé aime le plus souvent à dire. Le r est bien marqué, la vibration française. Et en Espagne, en Angleterre ? En Chine, en Arabie ? Comment parlé les bébés ?
C’était un amour dont je n’avais, littéralement, pas idée.
Mon pouvoir sur lui est stupéfiant.
Merveille de ses mains miniatures.
Le soulagement du bébé quand son père rentre, le soir, quand il n’en peut plus de moi.
Je continue à travailler. Combien d’amies, mentalement stérilisées par un « congé maternité » exclusivement féminin ; seules face à une créature inconnue, ralenties et amoindries par les biberons – couches, et n’aspirant qu’à retrouver le monde extérieur, le travail et les hommes ? Le baby blues, c'est le désespoir d’adultes engluées dans le rythme d’un nourrisson, ayant à affronter seules une telle réduction de la pensée. Certaines s’adaptent, résistent, nagent avec le courant et désirent encore – aimant parfois cette étrange fusion, cette fonte d’elles-mêmes. D’autres coulent entièrement, blessures d’enfance rouvertes : c’est un autre malheur, d’une autre nature.
C'est quand on n’en peut plus qu’il commence à sourire, au bout d’un tunnel de semaines, lait, rot, pipi, caca. Il sourit juste à temps, pour nous séduire, pour qu’on le garde.
Le bébé rend les femmes idiotes.