Imaginons une jeune femme dont la mère est assassinée. Elle se reconstruit, sans haine. On devine, on sait que ce n'est pas évident. Que le doute doit l'étreindre. La notion de pardon vient vite sur la table. Et celle de faute. Puis celle d'oubli, qui n'est pas synonyme d'indifférence,. Et la question de l'indifférence, qui n'est pas synonyme d'oubli ou de manque d'amour...
Bref, chacun est bien seul face à un tel drame.
Imaginons que cette femme perde sa propre fille. Erreur médicale. Et reviennent sur le carreau les notions de faute, d'oubli, de pardon... Peut-on accorder un pardon à quelqu'un qui ne le demande pas? Sans doute pas. Peut-on se dire pardonné sans l'avoir demandé...? Pas davantage.
Imaginons enfin que ces deux drames,, qui sont arrivés au personnage central du roman, ces deux drames sont ceux qu'a vécu
Sophie Daull. Ecrire sur soi. Ecrire sur sa vie. Pour témoigner. Pour exorciser. Pour se vider. le grand lavoir, c'est celui de
Sophie Daull, finalement. Et pas seulement celui du personnage central, une auteure qui part en province faire la tournée des librairies pour présenter son roman et expliquer son manque de ressentiment à l'égard du meurtrier de sa mère et de l'infirmière qui a commis l'erreur fatale.
Le hasard... mais ce hasard existe-t-il vraiment, le hasard, donc, vient à mener les pas de cette auteure là où le meurtrier de sa mère vit et travaille. Vont-ils se rencontrer, et que peuvent se dire ces deux êtres qui tentent de laver leur passer. La grande lessive, le kärcher, l'essorrage à 1500 tours... cela suffira-t-il?
On assiste à une mise en abyme entre le récit et la vie de Sopie Daull, avec comme point d'orgue le livre du personnage central.
Sophie Daull alterne les points de vue, un coup l'auteure, un coup le meurtrier. Sophie rêve, imagine. La romancière écrit.
Le sujet est grave. Et qui suis-je pour émettre un jugement... Par contre, je n'ai pas pu, pas su, rentrer dans le roman. Trop haché, trop hésitant. On a de longues listes d'adjectifs, sans ponctuations. Des phrases impressionnistes dépourvues de verbe. Ou de sujet. Voire de sens. J'ai eu beaucoup de mal à cerner le meurtrier, entre esthète et camionneur, entre rafinnement et sauvagerie. Je n'y ai pas cru. C'est étrange comme parfois la fiction nous semble plus réelle et crédible que la réalité...
Je me dis qu'écrire sur un sujet si proche de soi, ce n'est pas donné à tout le monde. le recevoir en tant que lecteur, ce n'est pas non plus donné à tout le monde. Quand
Ellroy écrit sur sa mère, on le sent aussi moins affirmé, moins cinglant que d'habitude. J'admire
Sophie Daull. J'admire
James Ellroy. Des personnes qui se relèvent, des personnes qui ne montrent pas de haine, pas de vengeance, pas de désir sombre... Mais le roman ne m'a pas convaincu. Cela dit,
Sophie Daull interpelle, elle nous hèle, elle va nous bousculer dans nos certitudes. Elle nous ébranle dans notre vision dichotomique du monde. Les bons et les méchants. le noir et le blanc... Rien que pour cela, je voue une admiration à
Sophie Daull (mais pas à son roman, on l'a compris).