Pour certains, la bande dessinée, c'est un truc de gosse. Pour beaucoup, la BD est un loisir divertissant.
Aujourd'hui, je vais vous parler d'une bande dessinée qui dépasse largement tout cela. Je vais vous parler d'un album qui prend place dans le devoir de mémoire.
Expression grandiloquente, impressionnante, je vous le concède bien volontiers. Par ailleurs, de quelle mémoire suis-je en train de parler ? Il n'y a pas qu'une seule mémoire, et en ce jour, je m'adresse à la mémoire du peuple de gauche. Et oui, pas moins. Ceci dit, vous aviez sans doute deviné, avec cette introduction, que je faisais dans le solennel. A raison, car cet album mérite cette mise en avant.
Ainsi donc, peuple de gauche, voilà ce dont je veux que tu te souviennes. Et que Kris et Davodeau ont mis en avant.
Souviens-toi du début des années 50, à Brest, peut-être n'étais-tu pas né. Souviens-toi de cette grande période de reconstruction qui saisit toute la France, et à plus forte raison les cités du mur de l'Atlantique. Que nous reste-t-il, d'ailleurs, de cette période ? de quoi te souviens-tu ? de peu de choses, sans doute, le temps faisant son travail d'oubli.
Nos deux auteurs souhaitent donc te voir garder cette histoire en mémoire, peuple de gauche. Cette petite histoire, dans la Grande Histoire.
Oui, vous sentez que je tourne autour du pot, mais je vous rassure, je viens au fait.
L'histoire qui nous est contée, c'est celle des grèves du printemps 1950 à Brest. Dockers, ouvriers du bâtiment, de l'arsenal, se mirent en grève pour obtenir de meilleurs salaires. le Maire MRP de la ville interdisait la plupart des manifestations, se basant sur une législation vichyssoise. Plusieurs députés PCF furent arrêtés, pour cause de supposés troubles à l'ordre public. le 17 avril 1950, une nouvelle manifestation devait avoir lieu, mais le maire n'avait pas pris d'arrêté d'interdiction. Quelqu'un le réalisa pourtant, et l'antidata, à la demande d'autorités supérieures.
Les forces de police furent présentes en nombre face aux manifestants. Et dans un mouvement de foule, un malheur arriva. A la suite d'un ordre donné par un officier, les policiers tirèrent. Plusieurs blessés dans les responsables de la CGT. Et un mort : le jeune Edouard Mazé.
Arrivé peu après sur la ville à la demande de la CGT, le cinéaste René Vautier devait initialement réaliser un film de formation interne pour le puissant syndicat. Il ira plus loin. Il film bien entendu les grévistes, et les lieux de leurs combats. Les rassemblements liés à la mort de Mazé, aussi. Mais impossible de prendre du son, il n'avait pas le matériel adéquat. Alors une idée lui vient. Utiliser un poème écrit par
Paul Eluard, pour la mort du résistant
Gabriel Péri, intitulé «
Un homme est mort ». Déclamant le poème devant les images, il remplace le nom de Péri par celui de Mazé.
Le film, émouvant, et son texte lu en direct, font le tour des piquets de grève, créant chez tous les grévistes un sentiment de fierté commun. Mais un jour, Vautier ne peut pas lire le texte. Problème de voix. Tizeph, l'un des militants CGT qui l'accompagne partout à Brest, prend se place, et déclame le texte. A sa façon.
Eluard aura la chance d'écouter ce texte, enregistré une unique fois. Il en sortira avec une émotion immense, celle de découvrir l'un de ses textes « digéré » par le peuple.
Voilà de quoi parle «
Un homme est mort » de Kris et Davodeau.
C'est une ode. Une ode à la lutte. Se battre pour en quoi l'on croit. C'est au peuple de prendre son destin en main, de travailler à améliorer son sort. A lui de se regrouper, de se former, pour peser sur notre société.
Un tel album rappelle en quoi être marxiste est une fierté.
Lien :
http://www.chroniquesdelinvi..