AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,2

sur 375 notes
5
28 avis
4
20 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
0 avis
C'est l'une des premières BD documentaire que j'avais enregistrées dans ma pile "A acheter quand tu auras l'argent", il y a de ça des années (pratiquement lorsque je suis arrivé sur ce site), et sa lecture s'est faite avec quelques années dans les dents. Plusieurs années qui ont notamment vu l'émergence d'une grande quantité de BD documentaire, aux styles très variés (et dont Davodeau est un bon représentant d'ailleurs), permettant à chaque fois d'aller plus loin dans les manières de dire et comprendre le monde. C'est avec ce genre de regard que je me suis mis à la lire, et je n'en ressors pas déçu, mais conscient d'un manque tout de même.

Cette BD a la qualité indéniable des BD traitant des ouvriers et des revendications : elle est toujours actuelle, peut-être même plus aujourd'hui que lors de sa sortie, et elle nous rappelle les combats d'hier, les luttes d'aujourd'hui et les stades par lesquels il a fallu passer. La violence policière n'est plus marginale aujourd'hui, mais solidement installée dans nos moeurs. Il faut envisager de se faire blesser en allant manifester, c'est habituel de lire des blessés à chaque compte-rendu de manifestations. C'est surtout cet écart que j'ai noté en lisant l'album : j'ai l'impression de vivre dans une normalité de violence policière, où les morts se comptent par dizaines dans les dix dernières années, et cela n'a rien de choquant pour la majorité de la population. Comme le monde à changé !

Au-delà de cette considération, il est amusant de découvrir la culture ouvrière de l'époque, la solidarité et l'entraide, la transmission de la connaissance et le partage de l'information au sein des communautés ouvrières révoltées. On sent, au travers de la BD, que tout cela fonctionne autant par réseau que par solidarité. La volonté de transmettre à tous la réalité de cette mort, la rendre palpable, est perceptible à travers les pages. Et Davodeau retranscrit très bien les environnements d'un Brest dévasté, tout autant que des quartiers ouvriers où la misère est reine.

Cependant, je dois avouer qu'il manque quelque chose pour développer plus cette histoire. Elle s'arrête au film, de sa création à sa mort physique, mais il manque quelque chose à tout ça pour passer au-delà. Peut-être quelque chose sur Brest aujourd'hui, sur les mouvements ouvriers, ou simplement sur la suite. Mais là, j'ai eu le sentiment qu'il y aurait eu moyen de développer encore ce thème et que les auteurs se sont arrêtés trop tôt, et je trouve cela dommage.
Ce n'est, pour autant, pas un motif de rejet de la BD, qui reste assez -tristement- actuelle, de par son sujet et ce qu'elle dit de notre solidarité de classe disparue. En la lisant, on aurait envie de rappeler que déjà 70 ans auparavant, la police tuait sans raison au nom de la sécurité. Et que cela n'a jamais été acceptable, ni avant ni maintenant. Une BD qui permet de se souvenir !
Commenter  J’apprécie          30
Je dois bien avouer que dans les premières pages, je n'y croyais pas trop, à l'intérêt de revenir ainsi sur un micro-événement des grèves de 1950 à Brest, la réalisation et la projection rendant hommage à un manifestant, Edouard Mazé, assassiné par la police.
Mais peu à peu la magie opère, et on suit la douce folie conquérante de ce jeune cinéaste, René Vautier, et de son équipe de tournage et de projection improvisée, constituée d'ouvriers grévistes.
Quand le film est projeté et que, faute de bande-son, Vautier enregistre pour l'accompagner un poème de Paul Eluard dédié à Gabriel Péri fusillé par les Allemands en 1941, puis que plus tard, cet enregistrement défaille à son tour et que Ptit-Zef, l'un des équipiers de Vautier, en restitue l'esprit sinon la lettre dans un poème improvisé en hommage à Mazé, on comprend que c'est là de la littérature, et qu'il n'y a peut-être même de littérature que là, dans ce téléphone arabe, ce fil qui chante pour la liberté et le bonheur des hommes. Que Péri est Eluard, qui est Mazé, qui est Vautier, qui est Petit-Zef et ses camarades, qui sont Kris et Davodeau. Et que nous lecteurs avons, parce que cette chaîne n'a pas été interrompue, le privilège de les écouter jusqu'au jour où il nous faudra, avec d'autres mots, peut-être d'autres moyens, chanter la même chose qu'eux.
Et montrer cela, sans emphase inutile, en quelques pages d'un texte bref et d'un dessin sobre, c'est une sacrée réussite.
Commenter  J’apprécie          72
Aaah les trente glorieuses ! Aaah tout ce que j'étais trop jeune pour analyser !...
En 50 je n'étais rien, même pas né d'ailleurs. J'ai poussé mes premiers vagissements quand l'Algérie a commencé à voir débarquer des militaires français pas très avenants, quelques années plus tard donc..
Pourtant il s'en passait des trucs, déjà, en 50 !
Brest, qui avait morflé grave cinq ans plus tôt quand les "anglos" nous ont aidés à mettre dehors les "saxons", Brest était en pleine reconstruction.

Mais la belle entente du CNR était déjà de l'histoire ancienne, et localement le patronat freinait des 4 fers pour mieux payer les gars qui trimaient sur cet immense chantier. du coup bien sûr, longue grève, et manif de l'union des femmes pour obtenir des bons de lait.
Répression de cette manif.
Contre-manif communiste le lendemain avec séquestration d'un clampin de la chambre patronale locale, heureusement remis en liberté grâce à l'intervention du député communiste.
Et malgré cette intervention, le lendemain, arrestation de deux responsables politiques CGT brestois.
Du coup, la Cégète fomente une méga-manif de protestation, dépose bien-sûr le projet en mairie dans les temps, et obtient l'accord municipal . Sauf que le commissariat se débrouille pour que cet accord soit antidaté, de façon à pouvoir faire interdire la dite manif, et donc la réprimer manu militari...

Voilà, la mèche a été un peu longue à allumer mais elle brûle bien, désormais. Reste plus qu'à laisser monter la pression et l'histoire va pouvoir accoucher d'un petit drame, un grain de poussière.
Pas si petit d'ailleurs, ce grain de poussière, pour celui et ceux qui en feront les frais. Je veux dire pour celui qui va mourir, pour celui qui sera amputé ou ceux qui seront blessés, et pour leurs familles....
Un grain de poussière facile à balayer vite-fait sous le tapis...

Sauf que Davodeau et Kris sont des experts pour traquer la poussière d'histoire. Ils font ici un beau boulot pour honorer la mémoire d'Edouard Mazé, le manifestant communiste qui prit en pleine tête une balle réelle tirée par la police et mourut sur le coup.
Pour celle d'un autre militant, Pierre Cauzien, qui prit lui aussi une balle et dut se faire amputer d'une jambe quelques jours plus tard.
Pour honorer aussi la mémoire du cinéaste journaliste brestois René Vautier.
Vautier, décidé et dégourdi, réalisa un reportage percutant sur ce conflit et le diffusa localement, avec pour commentaire enregistré, ou lu, un texte de Paul Eluard écrit en hommage à Gabriel Péri mais qui colle parfaitement à ce drame révoltant.
Un texte qui d'ailleurs s'intitule "Un homme est mort".

Un texte qui envoie du bois, braves gens !

Qui envoie, même quand c'est un copain militant de Vautier qui essaie de le réciter à cause d'une panne de sono, mais finit par le dire avec ses mots à lui . Grosse émotion, là aussi...

Vraiment, avec ce docu militant, Kris et Davodeau font la paire et du bon boulot, si j'ose ce zeugma.

Il font du bon boulot, et donc je dis bravo.


(Cerise sur le gâteau, j'ai appris que Vautier signa d'ailleurs aussi le célèbre "Avoir 20 ans dans les Aurès". Je ne le savais même pas, ou je l'avais oublié, et pourtant ce film m'avait rudement secoué quand je l'avais vu, quelques années après sa sortie...)
Commenter  J’apprécie          77
Un homme est mort, Brest, 1950.

L'heure est à la reconstruction, la ville ayant été détruite par les bombardements de la 2nde guerre mondiale.
Une reconstruction qui se réalise dans la douleur et la difficulté.
Ouvriers du bâtiment, dockers ou encore cheminots, ces hommes se mobilisent et un mouvement de grève prend forme afin de dénoncer leurs conditions de travail et les bas salaires.
Lors d'une manifestation, l'intervention des forces de l'ordre provoque la mort d'un militant syndicaliste de la CGT, Edouard Mazé.
Il meurt d'une balle dans la tête. C'est la stupéfaction et la colère au sein des manifestants.

Pour témoigner de ces événements, René Vautier est derrière sa caméra de fortune.
A l'aide de compères, il réalise un film qu'ils vont diffuser au sein des différents groupes d'ouvriers.
Un film composé des images de la grève, avec pour trame de fond audio, le poème de Paul Eluard, Un homme est mort.
Le résultat est poignant et saisissant.

Jusqu'au jour où c'est P'tit Zef, un ouvrier, qui remplace René Vautier sur la voix off.
Il ne récite pas fidèlement le poème de Paul Eluard mais clame d'abord sa colère puis sa peine d'avoir vu un homme mourir simplement pour avoir voulu améliorer ses conditions de vie et celle de ses collègues.
Il parle avec son coeur et s'approprie le poème avec une intonation et des paroles bouleversantes.

Désormais, le film est diffusé avec l'enregistrement de P'tit Zef pour voix off.
Un succès. A tel point, qu'un journaliste souhaite le diffuser à Paul Eluard en personne.

Mais la bobine, fabriquée maison, n'a pas résisté aux multiples projections. Elle s'est détruite et s'est ainsi envolée à jamais.

Au-delà d'évoquer les mouvements de grèvee de l'époque, Etienne Davodeau a fait renaître ce film à sa manière et c'est une belle réussite.
Commenter  J’apprécie          140
Des Bd de Davodeau et de Kris, on ne sort jamais d'un bloc. On est à la fois pris par le scénario et le dessin et souvent révolté par l'histoire et ce qu'elle dénonce. Une nouvelle fois, je suis dans cet état d'esprit en fermant le livre. Je découvre ici des événements historiques importants et pourtant méconnus : les mouvements sociaux réprimés dans le sang à Brest en 1950.

On suit la semaine d'un documentariste incroyable René Vautier, engagé de tous les combats et dans le monde entier (dans les combats sociaux, contre le colonialisme, pour la défense des liberté partout dans le monde), qui est appelé à Brest pour venir filmer les événements et qui va arriver après la mort d'un gréviste, abattu par les policiers pendant un défilé.

Cette bd nous fait ressentir les tensions de l'époque, les souffrances de l'époques et l'émotion, notamment quand est lu avec toutes ses tripes le poème d'Eluard par Ti'Zef, j'ai eu l'impression de l'entendre et de le ressentir au plus profond de moi.

Le dossier documentaire d'une quinzaine de page qui clos l'ouvrage est également très riche et très éclairant que ce soit sur les événements, les hommes de cette histoire et le projet de bd en lui-même.

Commenter  J’apprécie          50
Avec des oeuvres comme « Rural ! » et « Les Mauvaises Gens », Etienne Davodeau avait déjà su montrer son affinité pour la BD-documentaire sociale et pour le militantisme. On comprend donc aisément que Kris (« le monde de Lucie », « Déserteur »), petit-fils du militant communiste Guy Hennebaut, se soit tourné vers Davodeau pour mettre en image cet hommage au film de René Vautier sur les mouvements sociaux de Brest en avril 1950.

Il ne reste pourtant plus rien du film de René Vautier sur les affrontements entre les ouvriers syndicalistes de Brest et les forces de l'ordre, ni de la bande son inspirée d'un poème de Paul Eluard et dont le titre orne la couverture de ce one-shot. Pourtant, un homme est mort pendant ces affrontements et c'est grâce à ce témoignage poignant de Kris et Davodeau, que la fin tragique du manifestant Edouard Mazé sera conservé dans nos mémoires.

L'aptitude du dessin de Davodeau à faire ressortir les émotions de ses personnages de façon réaliste n'est plus à démontrer. Mis à part un petit manque d'uniformité au niveau des formats qui n'agacera que les maniaques du stockage, la qualité d'édition des albums de Futuropolis n'est quasi plus à démontrer non plus. En plus, grâce à un copieux dossier en fin de tome on en apprend plus sur l'origine de ce projet BD, tout en découvrant des documents et photographies d'époque.

Un film est mort, mais le poème qui l'enveloppait résonne encore dans nos oreilles et la mort de Mazé n'est plus anonyme car cette oeuvre de Kris et Davodeau l'a ressuscité !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          30
J'avais moins apprécié globalement cette BD « documentaire » de Davodeau que Les Mauvaises gens. Cependant, j'ai tout à fait conscience que la démarche n'était pas sensiblement la même.

La fin me semble répétitive et inutile dans la répétition. Néanmoins, je ne dénie pas le talent de l'auteur de nous faire plonger dans la ville de Brest à l'époque de sa reconstruction suite à la Seconde Guerre Mondiale. J'apprécie bien en règle générale les oeuvres militantes car l'auteur dévoile en toute franchise son opinion pouvant laisser place à un débat d'idées. Je n'aime pas les oeuvres trop « lisses » où les auteurs ne se mouillent pas.

Le mérite de cette BD est de nous faire découvrir un pan oublié de notre histoire. Des hommes ont payé de leur vie les avancées sociales de notre beau pays. Il est bon quelquefois de se rappeler les faits aussi dramatiques soit ‘il.

Note Dessin : 4/5 – Note Scénario : 4/5 – Note Globale : 4/5
Commenter  J’apprécie          90
L'histoire d'un documentaire qui n'est jamais sorti. C'est un drâme sur fond de justice sociale.
Du très bon Davodeau. J'ai tout aimé, le dessin et le texte à la fois sobres et poétiques mais très réel.
Commenter  J’apprécie          20
Cette bande dessinée est un témoignage, un hommage. 1950, Brest est en pleine reconstruction, les conditions de vie et de travail sont difficiles, les salaires sont faibles. Un mouvement social éclate avec comme seule réponse, la répression policière et la mort d'Édouard Mazé. Pour témoigner de ce qui se passe à Brest, les syndicalistes ont l'idée de faire appelle à un cinéaste, René Vautier, afin que celui-ci fasse un court-métrage pour témoigner des actions menées par les travailleurs. le film étant muet, René Vautier a alors l'idée d'accompagner la projection par la lecture du poème de Paul Eluard "Un homme est mort", dédié à Gabriel Péri, fusillé par les Allemands à cause de ses opinions politiques. Il remplacera le nom de Péri par celui d'Édouard Mazé, victime de la manifestation du 17 avril 1950. Malheureusement, ce film a disparu et Kris a eu à coeur de faire revivre cette histoire et ce film sous forme de bande dessinée.
En plus de la BD, un dossier donne le contexte des événements évoqués dans la BD : le chantier de reconstruction de Brest en 1950, la manifestation et le témoignage de certains des participants en particulier le grand-père de Kris et une biographie du cinéaste militant René Vautier.
Voilà un témoignage poignant et réaliste, où l'on découvre des descriptions de Brest au lendemain de la guerre en cours de reconstruction, des conflits sociaux et la solidarité entre les travailleurs…
Le dossier accompagnant la BD est également très intéressant à découvrir.
Lien : http://aproposdelivres.canal..
Commenter  J’apprécie          60
Une lecture qui fait apprendre, comprendre et d'une grande sensibilité.
Tous ces ingrédients mélangés avec beaucoup de finesse, de subtilité et de poésie.
Le "dossier" en fin d'ouvrage vient compléter le récit.
Quant au "parcours du livre" il est toujours intéressant et émouvant de faire partager avec le lecteur la genèse et le déroulé d'un projet.
Lecture suivante.....
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (660) Voir plus



Quiz Voir plus

Douce France

L'histoire commence à Lyon, devant le 89 montée de l'Observance, "c'est donc ici, devant chez lui qu'il s'est fait tuer (...) le 3 juillet 1975, à 2h42 du matin. (...) " dit l'un des personnages faisant référence au juge...............?............ surnommé "le Sheriff".

François Michel
François Fayard
François Renaud
François Courrières

10 questions
35 lecteurs ont répondu
Thème : Cher pays de notre enfance: Enquête sur les années de plomb de la Ve République de Etienne DavodeauCréer un quiz sur ce livre

{* *}