Suite directe de la messagère du ciel, le verrou du fleuve est tout aussi épique et poursuit sa déconstruction / reconstruction du mythe de Jeanne d'Arc à la sauce fantasy - steampunk - post-apocalyptique assez surprenante.
Si je parle en pur plaisir de lecture, je dois avouer que pendant longtemps j'ai moins aimé ce tome que le précédent. Il souffre du syndrome d'être le deuxième d'une quadrilogie. Il n'a plus la surprise du premier tome et peine un peu par moment à insuffler le souffle épique entêtant qu'il y aura probablement dans les derniers moments. Ainsi, il a un rythme un peu en dents de scie et s'il décolle d'abord très vite, il se calme tout aussi rapidement, avant de ne repartir vraiment que dans la toute fin... Cependant, il recèle tellement d'éléments ultra prometteurs pour la suite que je n'ai pu que réviser mon jugement à la fin et le considérer comme une très très bonne lecture frôlant le coup de coeur.
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Dans ce nouveau tome, très simple en apparence car il n'est qu'une longue lutte entre Mériane et ses alliés, et Ganner, le représentant d'Aska et ses créatures mi-droguées mi-machines, on découvre au fil des pages quelque chose de bien plus complexe. La bataille rangée à laquelle ils se livrent n'est ainsi qu'un une de fumée aux multiples rebondissements et aux nombreuses parties. Il y a un premier moment épique très vite quand une grosse nuée d'espion s'échappe de Loered (le fameux Verrou) au nez et à la barbe de Ganner et son armée. Un deuxième intervient lorsque Mériane et ses troupes parviennent par miracle à rejoindre Loered pour les aider à tenir. Puis cela continue lors d'une tentative d'infiltration ratée, suivie d'une rude bataille où tout est permis. Les combats sont vraiment au coeur de ce tome et l'auteur sait parfaitement en raconter le déroulement, enfin jusqu'au dénouement, qui a chaque fois est tombé un peu à plat pour moi. Je ne sais pas si c'est dû à un moment d'attention de ma part, mais j'ai eu à chaque l'impression que les scènes étaient coupées en pleine action et qu'on sautait par-dessus la conclusion à l'aide d'un beau Deus-ex machina souvent même pas raconté... Bref, il m'a manqué des pages...
Mais le tome n'est pas que combats militaires, il est également combats d'idées et là aussi, si j'ai beaucoup aimé le côté militant féministe et presque athée de l'héroïne, j'ai été très frustrée de voir son rôle autant minimisé la plupart du temps. Cependant cela rentre dans la déconstruction du mythe de la Pucelle que l'auteur développe. Il montre au lecteur la façon dont l'Église et les politiques utilisent des événements qu'elle n'a pas commis pour les présenter comme des miracles de sa part et ainsi galvaniser les foules à la porter aux nues pour garder espoir dans la pire adversité. C'est très intéressant à voir mettre en oeuvre. de la même façon, j'ai apprécié de voir l'héroïne toujours en butte avec le Dieu qui envahit ses pensées. C'est agréable de suivre une femme forte, qui ne s'en laisse pas compter et se méfie de ce qu'il y a au-dessus d'elle car elle sent bien qu'on lui cache des choses et qu'il faut qu'elle pense par elle-même.
En face, l'autre femme de cette histoire, Izara ne reste pas inactive, mais malheureusement l'auteur la montre très peu. J'ai donc ici aussi éprouvée une certaine frustration. le tome était avant tout guerrier, du moins les combats ont occupé tellement de pages que les confrontations politiques sont un peu passées en arrière-plan alors qu'elles sont très intéressantes aussi. Assister aux manoeuvres de cette ancienne Reine pour protéger à la fois sa fille, sa patrie et son nouveau Roi, ce n'est pas rien. C'est elle qui travaille en coulisse à réunir d'autres troupes pour aller aider Loered (la clé de voûte du pays) à tenir, quitte à négocier comme elle peut avec les pays voisins ou les nobles à l'intérieur du royaume. J'espère donc qu'on lui accordera plus de pages la prochaine fois.
Ainsi
Lionel Davoust a développé une galerie de personnages féminins fort intéressants et marquants qui tout en restant dans les codes de la fantasy chevaleresque en sortent également. Les hommes, eux, s'ils sont nombreux n'ont pas le même charisme à mes yeux. Il y a l'ami fidèle dont on découvre les pouvoirs mystérieux mais qui semble perdre la parole qu'il avait dans le tome 1. Il y a le fidèle écuyer, autrefois aveuglé par sa foi, qui peine à trouver sa place. Il y a le jeune roi nouvellement nommé qui peine à s'affirmer face aux vieux briscards misogynes autour de lui. Puis justement, il y a ces figures tutélaires masculines peuplant les lieux où l'on se rend. Ils sont le cliché des conseillers à l'ancienne, qui méprisent les femmes, les jeunes, et pensent tout mieux savoir que les autres. Je sais que c'est fait exprès mais ils m'ont un peu horripilée, heureusement que le déroulé de l'histoire les remet à leur place.
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Enfin, autre gros morceau passionnant dans ce tome, c'est le développement univers. En effet, en parallèle des affrontements qui ont lieu, voir à l'intérieur même de ceux-ci,
Lionel Davoust trouve astucieusement le temps d'enrichir le vaste univers de cette histoire. Cela va de la mythologie autour des deux Dieux qui s'affrontent ici, jusqu'au mystère incarné par un nouveau personnage qui va rejoindre le sérail de Mériane et qui semble connaître plein de choses sur le passé de ce monde. L'auteur nous distille ainsi à petite dose des informations sur le monde d'avant, sur ce qui y existait et qu'on peut encore trouver et utiliser peut-être pour contrecarrer les plans des dieux. C'est assez jouissif même si ça intervient fort tardivement dans le tome, peut-être trop...
En tout cas, j'ai savouré l'arrivée de cette ambiance mystérieuse mélangeant steampunk et monde post-apocalyptique, le tout dans un univers de fantasy, ce qui est quand même assez surprenant. D'après ce que j'ai compris, tout cela prend racine dans l'univers fictif inventé par l'auteur : l'Evangyre, et franchement cela donne très envie de plonger dans les racines de celui-ci, notamment la tout première période présentée dans le bonus en fin de tome.
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Même si ma lecture n'a pas eu la surprise du premier tome et que plus de peittes choses m'ont irritée dans ce tome, le verrou du fleuve fait tout de même partie des lectures les plus solides que j'ai eu en Fantasy depuis que j'en lis. L'auteur a une vraie science du story-telling. Il manie les influences et références comme un chef pour créer un univers mystérieux et inattendu, où il sait placer une accélération au bon moment pour mieux nous surprendre. J'aime la place qu'il y accorde aux femmes. J'aime son détournement des codes des récits chevaleresque. J'aime ses récits de bataille. J'aime les surprises qu'il nous réserve et ce qu'il nous annonce de sombre et tortueux pour la suite. Une excellente série !
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