Un petit garçon chétif et intelligent, "l'enfant", porte sur sa famille et sur le monde qui l'entoure un oeil à la fois pur et acéré.
Ses parents,"Père" et "Mère", sont médecins et travaillent dans l'appartement familial, qui se trouve de ce fait réduit à une très petite pièce à vivre (à dormir, à être convalescent pour ce petit garçon souvent malade) isolée du cabinet de consultations par une mince cloison à travers laquelle il entend tout, comprend tout, ou presque. Ils l'élèvent avec intelligence, bienveillance, mais en prenant garde à ne pas trop le gâter, contrairement à ce qu'ils ont vu faire pour ses grands cousins, l'un toxicomane et l'autre, méchant, qui va sur une pente glissante de trafics, de violence, de volonté de dominer.
Ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie sans pour cela piétiner en attendant la mort du grand-père (indigne), sans calculs pour le déposséder de ses biens, sans tenter de redistribuer les cartes de ses préférences parmi ses enfants et, last but not least, sans accepter les règles du jeu de la corruption qui pourrit toutes les institutions, notamment les administrations auxquelles ils se heurtent lors de leurs démarches pour ouvrir un nouveau cabinet de consultation. On sent que ce sont des gens bien, qu'ils gardent leur ligne de conduite malgré un fonctionnement familial et social désespérant. Je les ai vus un peu comme des fourmis qu'on déplace de leur trajet, qui prennent un peu de temps pour le retrouver et s'y attellent de nouveau, inlassablement et sans perdre l'espoir qu'à un moment, c'est obligé, les choses iront comme elles le devraient (qu'ils tomberont sur un employé non corrompu qui fera avancer leur dossier sans exiger de commission au passage).
Par les yeux de cet enfant, qui observe tout l'air de rien, comme une petite souris ( ! ), la famille est décrite par touches, la cupidité de certains, le besoin de reconnaissance ou de s'affirmer d'autres... cette complexité des relations familiales m'a beaucoup plu. Les surnoms attribués aux oncles et tantes (Psoriasis, Paria, Prout...), aux voisins ont pour moi renforcé l'identification, comme si le fait de les connaître par ces surnoms ironiques, de les comprendre, signifiait que je faisais un peu partie de cette famille.
Et derrière les "petites histoires" individuelles, en fond, on perçoit les problèmes majeurs de la société indienne, encore un mélange de pouvoir, de cupidité et de violence amenant des situations parfois ubuesques.
J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre parce que l'écriture est fluide, parce que le tableau dépeint est saisissant et parce que j'ai eu l'impression d'approfondir une autre facette de l'Inde, effleurée avec "Show business", de comprendre un peu mieux certains aspects culturels.
L'auteur a mon âge, a déjà publié d'autres romans. Il va falloir que j'aille voir ça de près.
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