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Emporté par la promotion nourrie par Gallimard pour la sortie du dernier roman d'Erri de Luca, je me suis penché sur ce court roman qui m'avait été légué et qui attendait sagement son tour avec six autres ouvrages du même auteur dans les rayons de ma bibliothèque.
Comme un ange penché sur une prophétie, j'y suis allé plus par curiosité que par intérêt personnel. Grand amateur de la Bible et lecteur quotidien depuis des années, j'ai pris l'habitude de m'éloigner des ouvrages censés l'interpréter.
Mais j'ai apprécié Et il dit car Erri de Luca ne prétend justement pas expliquer le don divin du décalogue, dont il traite, mais donne une vision littéraire de ce moment fondateur du peuple d'Israël.
J'y vois la même démarche que celle des nombreux peintres qui ont mis en image des moments tirés de certains passages marquants de la Bible.
Ce n'est pas de l'exégèse à proprement parler, certainement pas du prosélytisme, c'est de l'art, tout simplement.
Reste à savoir si cette démarche artistique est abordable pour le lecteur athée ou farouchement profane.

Lien : https://christophegele.com/2..
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La Feuille Volante n°1051– Juin 2016
Et il ditErri de Luca – Gallimard.
Traduit de l'italien par Danièle Valin.

En principe j'aime bien les romans d'Erri de Luca, cette chronique s'en est souvent fait l'écho, et lire un de ses livres est toujours pour moi un plaisir. Pourtant j'ai lu ce texte comme une fable : l'histoire de ce guide de montagne qu'on retrouve épuisé après une course solitaire s'y prête particulièrement. L'auteur lui-même est un montagnard aguerri et le spectacle des hauteurs ne pouvait le laisser indifférent.   Dans ce décor on est forcément transcendé par ce qu'on voit, par la solitude, le danger, la nature potentiellement hostile qu'il faut regarder avec un oeil attentif parce que la vie en dépend. On est attiré par le sommet autant que par le vide, on est amené à se surpasser soi-même pour une conquête gratuite, personnelle, anonyme. Ici, j'ai retrouvé avec bonheur le souffle poétique de son style, l'art des images, la beauté des paysages qu'il connaît bien et qu'il fait si heureusement partager à son lecteur… L'homme qu'on vient de retrouver est à demi mort, épuisé, terrassé par la fatigue et la faim, comme dans un état second. C'est un peu comme s'il revenait d'une autre planète, un miraculé, sauvé seulement par l'eau des nuages, un peu comme s'il était devenu un autre, que ce voyage avait quelque chose d'initiatique, l'avait transformé. Face à ses interrogations sur lui-même, sur son identité, son frère aîné est là pour l'inviter à reprendre pied dans le monde ordinaire des terriens. Il fait appel à sa mémoire individuelle, celle de leur enfance commune, du quotidien. C'est un peu comme si cet homme qui a tutoyé le sommet et qui a failli laisser sa vie dans cette entreprise, ressuscitait, connaissait une seconde naissance [la symbolique de la tente qui le protège, associée à l'image de la femme souligne cette idée] et il parle. Dès lors, la longue errance de cet alpiniste courageux et peut-être inconscient évoque celle du peuple d'Israël fuyant l'Égypte et la paroi montagneuse lui rappelle le message divin qui, dans le Sinaï, grava la loi de Yahweh.
Les montagne ont toujours eu pour les hommes un caractère sacré et, dans cet univers minéral, sauvage, dépouillé, un être humain ne peut ressentir qu'une grande fragilité, qu'une grande humilité. De Luca connaît bien cette impression mais il est aussi un mystique, traducteur de la Bible et grand connaisseur de la religion juive. Il est donc normal que cet environnement lui rappelle le « Mont Nebo » d'où, selon la tradition hébraïque, Moïse qui n'a pas été autorisé par Dieu a fouler la Terre Promise a cependant pu l'apercevoir avant sa mort.
L'homme reprend vie peu à peu, mais en même temps, entre dans une autre dimension, il devient une sorte de truchement divin, refait l'histoire du peuple d'Israël. Dès lors le texte prend une dimension biblique symbolique, revisite l'histoire de la délivrance du peuple d'Israël d'Égypte, sa pérégrination dans le désert en passant par le mont Sinaï jusqu'à la terre qui devait les accueillir, fait un parallèle entre l'eau salvatrice et la parole divine [« "Ils apprirent au pied du Sinaï que l'écoute est une citerne dans laquelle se déverse une eau de ciel, de paroles scandées à gouttes de syllabes." ], évoque la faute de la femme au jardin d'Eden, la malédiction qui pèsera sur elle pour la suite, l'expulsion d'Adam et d'Eve, leur destiné et leur descendance. Il réhabilite la femme, rappelle son rôle créateur de la vie, refuse de voir, comme le feront les religions par la suite, une condamnation à souffrir dans les douleurs de l'accouchement. Bien au contraire, il voit les femmes comme l'avenir de l'homme, comme le dira plus tard le poète, puisque la vie ne peut procéder que d'elles et qu'ainsi elles sont garantes de la pérennité du peuple d'Israël et donc de sa prospérité. Il rappelle que l'avenir de l'humanité réside dans l'amour, même s'il prend la forme d'un rapprochement charnel entre les hommes et les femmes. C'est bien en traducteur, en linguiste et même en exégète qu'il repense la Bible, commente le Décalogue... Il énumère les interdits édictés par Dieu au peuple élu, propose ses gloses, disserte sur ce qui est proscrit et sur ce qui est toléré, notant au passage les contradictions, souhaitant peut-être dans une sorte de bienveillante utopie que l'humanité s'inspire de ces commandements pour, dans une nouvelle morale universelle, devenir meilleure. Il assigne à ses paroles divines un effet miraculeux et les hommes font prévaloir l'amour qui guide leurs pas et inspire leurs actions mais n'oublie pas le destin des Juifs qui est d'errer par le monde, d'être sans cesse expulsés, victimes des pogroms et le la Shoah.

Si j'ai goûté la style de l'auteur, sa poésie et la puissance de son verbe, je n'ai en revanche que très peu apprécié son message religieux même si je comprends qu'on puisse profiter de sa notoriété pour faire du prosélytisme. Je suis peut-être passé à côté de quelque chose, à côté du message idéaliste porté par l'auteur et qui l'honore, mais ce livre me laisse quelque peu dubitatif au regard de la réalité de l'humanité.

© Hervé GAUTIER – Juin 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Erri de Luca a eu un parcours très particulier. Activiste d'extrême-gauche jusque vers 1980, il a découvert vers 1983 l'Ancien Testament, puis l'a étudié minutieusement dans le texte hébreu; mais il n'a pas adhéré à une religion et il n'est pas sioniste. Il a certainement une personnalité d'idéaliste. Anticonformiste, austère et perfectionniste, il trace son chemin solitaire sans se préoccuper de l'opinion générale.
"Et il dit" est consacré à un épisode célèbre de l'Ancien Testament: il donne un éclairage original sur l'expérience de Moïse face à Yahwé, au Sinaï. Pour E. de Luca, le don des tables de la Loi est l'occasion d'en faire une exégèse fouillée, et parfois dérangeante. Celle-ci intéressera beaucoup les personnes versées dans l'interprétation de la Bible et… elle laissera indifférents les autres lecteurs (mais ils n'auront probablement pas l'idée de lire ce livre !).
Avec E. de Luca, on plonge dans l'abîme d'un passé lointain qui, quoique étrange, prend un aspect concret et immédiatement accessible. "Et il dit" est un livre court, mais, de mon point de vue, assez ingrat à lire. le style de l'auteur me semble heurté, rugueux, avec des images concrètes surprenantes. Je reste de glace devant des phrases comme celle-ci: « le silence qui suivit fut celui du lait qui caille ». En fait, je pense que ce style a quelque chose à voir directement avec l'écriture de la Bible hébraïque, qui ne connait pas les abstractions et dont l'auteur est tout pénétré. Mais le lecteur moyen du XXIème siècle s'y sent assez mal à l'aise. En conclusion, je suis plutôt satisfait d'avoir fait connaissance du monde de Erri de Luca, mais je n'ai pas envie d'y retourner de sitôt.
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Frêle silhouette que celle de ce Moise grimpeur. Un assoiffé, un chercheur de sens . Il portera le message 'tu ne tueras pas' , lui qui a tué . Homme rebelle à l'oppression, porteur d'un souffle de liberté. Il entraîne les siens d'une civilisation de bâtisseurs à une terre promise, désirable comme une femme mais seulement architecte de mots, porteuse d'une Parole.

Erri de Luca se situe en 'gher', en étranger . Compagnon de route à travers le Sinai, reconnaissant envers ce peuple qui ouvre le passage.

Lecture âpre et poétique, avec de soudaines clartés . Nous sommes au désert, en route, avec eux .
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Disons le tout net, ce livre est aux antipodes du roman. Ce n'est ni un essai, ni un commentaire philosophique ou religieux. Il s'agit en réalité de la lecture par De Luca des Dix commandements, et comme il l'avait déjà fait par le passé dans d'autres textes (Noyau d'Olive, Alzaïa, Première heure, etc...) d'une forme d'exégèse de l'écriture biblique directement depuis l'hébreu. le mot exégèse du reste convient très mal à cette relecture depuis la langue hébraïque de chacun des mots des textes sacrés.
Le livre est court, mais d'une densité qui impose la relecture. Chaque phrase inspire une réflexion. Toute la puissance de l'auteur se condense dans ces pages en forme de tout, une somme de la sagesse selon De Luca.
L'artifice qu'utilise l'auteur est celui, évidemment quand on connaît son affection pour la montagne , celui d'un alpiniste au pied de la montagne et de ses compagnons pleins d'interrogations. La parole se gravera "avec des points à la ligne" en dix phrases "comme les dix doigts de la main" dans le roc de la montagne. Passée la stupeur de l'évènement, cette collectivité humaine y trouvera son humanité.
Erri de Luca achève son ouvrage par deux très courts chapitres, l'un "Adieu au Sinaï" et l'autre "En marge du campement" dont l'un rappelle le côté bienfaisant de la voix prophétique et l'autre très intime, présente la place que l'auteur entend garder avec le peuple juif et la langue sacrée "je ne dois pas appartenir, je suis avec les treizièmes, étranger à la douzaine convoquée.Mon titre de voyage est de suivre à l'écart". Quelle leçon de modestie et d'humilité!
Et puis comme toujours des phrases sublimes :
"Quand un homme agit pour défendre une femme, il fait le seul geste qui justifie sa force" (p 92) ou encore "Les mains sont devant l'homme, elles soutiennent son travail, le verbe "faire". Et les paroles font l'homme, elles sont devant lui, elles le guident ou bien l'égarent".
Merci Mr deLuca de ce texte qui nous incite à nous interroger quelques instants sur nos existences hors de toute idéologie et en pleine humanité.
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la montagne, le Sinai, l'hébreu, le style inimitable de l'auteur....tous les ingrédients pour me faire vibrer. Et le cocktail n'a pas pris. Pas crédible cette ascension dans le brouillard. Alambiquée cette traduction qui se veut littérale. Et puis cette interprétation féministe??? manque de foi de ma part?
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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En panne "d'écriture" De Luca se tourne vers les écritures... un manuscrit à rendre dans un temps imparti ?
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Je n'ai pas bien compris cet ouvrage qui mêle une question religieuse difficile à comprendre, liée à l'ancien testament, me semble-t-il, avec une ascension dans les Alpes, sans véritable intrigue. le livre est de plus bien court pour permettre une quelconque réflexion sérieuse sur le sujet traité.
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Grosse déception. Après avoir lu toutes les critiques si positives sur cet auteur, je n'ai même pas eu le courage d'aller au bout de ce court opus.
Il avait tout pour me plaire après avoir attiré mon attention : un homme en montagne, cette belle vue du Sinai en couverture ...
Mais, non, je n'ai pas réussi à "entrer" dans ce livre. Pas réussi à m'identifier au personnage, j'ai essayé de continuer la lecture ... mais j'ai abandonné
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Remarquable! Il y a des livres dans lesquels ont avance comme à pas feutré, qu'on déguste, comme un bon vin, dont on tourne les pages délicatement, de peur de lui faire perdre son essence. Non qu'il soit fragile, mais parce qu'on comprend que ce qu'il renferme est infiniment précieux et ténu.

L'auteur n'est pas un exégète, estampillé par une faculté pontificale, non mais il a une intelligence du texte et comme une nouveauté qui nous rafraîchi, qui nous désaltère en profondeur.
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