Erri de Luca fait ici oeuvre de fiction en donnant la parole à un apprenti menuisier de treize ans, qui a préféré quitter l'école et travailler pour apporter son maigre salaire à ses parents. Nous sommes à Naples dans les quartiers pauvres, à la fin des années 50, et le dialecte napolitain est omniprésent, même dans le corps du texte rédigé en italien. Dans l'atelier de Mast'Errico, travaille aussi le cordonnier bossu Don Rafaniello, rescapé de l'holocauste, qui, en quête du "Mont de Dieu" à Jérusalem, a abouti dans cette ruelle du quartier de
Montedidio (sens identique) à Naples. le narrateur reçoit un boomerang de son père qui travaille au port comme docker, alors que sa mère se meurt à l'hôpital. Tous les soirs, sur le toit en terrasse qui domine le quartier, il s'entraîne à d'innombrables lancers simulés, tandis que Rafaniello parle des ailes qui poussent dans sa bosse, et lui permettront peut-être de rejoindre la Terre sainte. Puis il y a Maria, l'adolescente dont abuse le propriétaire, et qui va se réfugier auprès du narrateur, lui faisant découvrir l'amour et la vie adulte. Tout se termine dans un feu d'artifice, la nuit du jour de l'an, où s'envolent aussi bien le boomerang que Rafaniello, alors que la voix du héros mue enfin.
Beaucoup de poésie dans ce texte, mais l'écriture suscite une certaine déception. En faisant parler un adolescent, E. de Luca émousse la densité et la pureté de son style, simplifiant volontairement les phrases. N'était l'âpreté du napolitain, dialecte auquel tout le livre rend hommage, on ressentirait une relative impression de platitude et de répétition. le livre est dédié aux humbles, aux travailleurs, aux petites gens, mais sombre parfois dans un certain misérabilisme. Bref,
Erri de Luca est, me semble-t-il, bien meilleur dans ses écrits autobiographiques, plus intenses et plus purement poétiques.