Citations sur Zéro K (23)
Mais assistons-nous aux prémices d'un enfer volontaire? Et en sommes-nous à compter les jours avant que les nations évoluées, et moins évoluées, commencent à déployer les armes les plus diaboliques? N'est-ce pas inévitable? Toutes ces caches secrètes dans les diverses parties du monde. Ces agressions planifiées seront-elles anéanties par une cyberattaque? Les bombes et les missiles atteindront-ils leurs cibles? Sommes-nous en sécurité ici dans notre souterrain?
Mais je me demandai plutôt si j'étais en train de contempler l'avenir contrôlé, où des hommes et des femmes se voyaient subordonnés, de leur plein gré ou non, à un commandement centralisé sous une forme ou une autre. Des vies mannequinisées. L"idée était-elle simpliste?
Emma et moi, amants d'un temps. Mon smartphone reste dans ma poche, parce qu'elle est là quelque part, dans le désert numérique, et la sonnerie, rarement entendue, contient l'espoir de sa voix, d'un instant à l'autre.
"— Tu sais qu'elle m'a donné un coup de couteau, un jour ? Non, tu ne le sais pas. Elle ne te l'a jamais dit. Un coup de couteau à viande, dans l'épaule. J'étais à table, je mangeais un steak, elle s'est approchée de moi par-derrière et ma planté un couteau dans l'épaule. Pas un couteau à viande de type restaurant quatre étoiles méchamment dentelé non, mais ça ma quand même fait un mal de chien. Sans parler de ma chemise neuve, toute couverte de sang. C'est tout. Rien de plus. Je ne suis pas allé aux urgences, je suis allé dans la salle de bains, la notre, et je me suis très bien soigné. Je n'ai pas non plus appelé les flics. Juste un désaccord familial, quoique je ne me souvienne pas de quelle nature. Mais perdre une belle chemise neuve, ça, je m'en souviens. Peut-être qu'elle m'a poignardé parce qu'elle détestait cette chemise. Peut-être que c'était pour s'en débarrasser. [...]
Qu'est-ce que le moi ? Tout ce que vous êtes, sans les autres, sans amis ni étrangers ni amants ni enfants ni rues où errer ni nourriture à manger ni miroirs où vous regarder. Mais êtes vous quelqu'un sans les autres ?
La technologie est désormais une force de la nature. Nous ne la contrôlons pas. Elle souffle sur la planète et nous ne pouvons nous réfugier nulle part.
- Quand nous aurons maîtrisé l'allongement de la vie et la possibilité d'un renouvellement éternel, qu'en sera-t-il de nos énergies, de nos aspirations?
- Des institutions sociales que nous avons bâties?
- Projetons-nous une future civilisation de léthargie et de laisser-aller?
- La mort n'est-elle pas une bénédiction? Ne définit-elle pas la valeur de nos vies, minute après minute, année après année?
- Et bien d'autres questions.
- N'est-ce pas suffisant de vivre un peu plus longtemps grâce à une technologie avancée? Avons-nous besoin de continuer encore et encore?
- Pourquoi corrompre une science innovante par un abus de sentimentalisme?
- L'immortalité littérale réduit-elle à néant nos pérennes accomplissements artistiques et nos merveilles culturelles?
- Sur quoi écriront les poètes?
- Qu'arrivera-t-il à l'histoire? À l'argent? À Dieu?
- Et bien d'autres questions.
Un tableau vivant, pensai-je, sauf que les acteurs étaient morts et leurs costumes des tubes en plastique hermétique. Le guide nous annonça que ces personnes étaient de celles qui avaient choisi de partir tôt. Il leur restait peut-être dix ans à vivre, ou vingt, ou plus. Elles avaient été vidées de leurs organes essentiels, lesquels étaient conservés séparément, cerveau inclus, dans des récipients hermétiques appelés nacelles à organes. « Ils ont l’air en paix », dit Ross. Les corps n’étaient pas dans une pose classique. Les yeux étaient ouverts dans un étonnement vitreux, les bras ballants, les genoux naturellement noueux et plissés, aucun poil, nulle part. « Ils sont juste debout pour attendre, dit-il. Tout le temps du monde.
N’est-ce pas l’aiguillon de notre disparition finale qui nous rend précieux pour notre entourage ?
Les choses que les gens font, les choses ordinaires, oubliables, les choses qui affleurent juste à la surface de ce que nous admettons avoir en commun. Je veux que ces gestes, ces moments fassent sens, palper le portefeuille, vérifier les clés, qu'ils nous rapprochent implicitement, verrouiller et reverrouiller la porte d’entrée, inspecter les brûleurs de la gazinière en quête d’une petite flammèche bleue ou d’une fuite.
Tels sont les soporifiques de la normalité, de mes jours d’insignifiante dérive.