Ce roman se déroule en Angleterre, juste après la seconde guerre mondiale. Il a pour objet la peine de mort, le rôle des bourreaux, et le sort des victimes.
Pour cela,
Didier DECOIN met en parallèle la vie de deux personnes : D'une part, celle de l'exécuteur en chef du royaume britannique, dont le rôle est de procéder à la pendaison des criminels condamnés à mort ; D'autre part, la vie de l'une de ses futures victimes, une "entraineuse" nommées Ruth qui sera accusée d'avoir tué l'amant qui la battait à mort, régulièrement et devant son fils.
Au fil des chapitres alternant les vies de ces deux héros, l'auteur nous dévoile la fonction d'exécuteur, puis fait défiler la vie de Ruth, nous détaillant les faits et circonstances de son accusation et de sa condamnation. Ainsi nous serons amenés, à la fin du livre, lorsque leurs deux destins seront hélas amenés à se croiser, à nous interroger sur le bien-fondé de la condamnation à mort de Ruth.
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Tout commence avec l'exécution de criminels de guerre nazis, et nous percevons le soulagement de la population face à leur mort. Pourtant, nous ne pouvons que louer l'humanité avec laquelle l'exécuteur fait son travail. le bourreau, il faut bien le dire, nous apparaît sympathique et sa fonction semble moins barbare et presque justifiée aux yeux du peuple.
Pour autant, dès notre rencontre avec Ruth, l'auteur nous amène lentement mais sûrement à rencontrer des cas d'exécution moins évidents, pour lesquels la population souhaiterait voir gracier le condamné : le peuple, et avec lui le lecteur, s'accordent à penser que tout, dans l'histoire de Ruth, aurait dû conduire à plus de clémence, tant les circonstances atténuantes et les circonstances tout court ont fait de Ruth une réelle victime plus qu'une méchante coupable.
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Je pense que c'est sur cette révolte naissant en chacun d'entre nous que compte l'auteur pour nous faire réfléchir sur le sujet. Ce livre n'est pas une critique véhémente de la peine de mort : il insinue au contraire de manière très subtile et ténue le doute sur son bien-fondé. Cette histoire s'appuie d'ailleurs sur des faits réels qui ont contribué à l'abolition de la peine de mort en Angleterre.
L'auteur nous fait ressentir l'injustice criante sans nous braquer contre le châtiment en la prétendant la condamnée innocente : Il est incontestable que ce qu'elle a fait est répréhensible.
De plus, il ne présente pas la situation de manière simpliste : L'exécuteur n'est pas bourreau antipathique et sans coeur, non ; On sait que Ruth ne souffrira pas et qu'elle mérite d'être punie.
Mais justement, toute la réussite de ce livre est de nous faire nous demander, malgré tout cela, si cette peine est juste ou mieux qu'une peine moins définitive. L'exécuteur nous donnera sa propre réponse, murement réfléchie du fait de son expérience, à la fin de ce livre très instructif.
Le bémol : Comment quelqu'un de l'
Académie Goncourt peut-il tuer sa narration avec autant de phrases entre parenthèses qui morcèlent ses idées ? Soit la phrase est nécessaire, et elle mérite sa propre place, soit elle ne l'est pas et on la supprime ! Quelques mots entre parenthèse pour préciser une idée, sans alourdir le raisonnement, pourquoi pas ; mais des pans de discussion insérés dans d'autres, cela devient à mes yeux très pénibles.
Chipotage mis à part, c'est une lecture que je ne peux que vous recommander, autant pour profiter de l'histoire que pour son réel intérêt historique, philosophique, et peut-être le plus important : humain.
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