La poudrière

26 mai 2020
Aurélien C. est arrêté à Limoges par la DGSI qui le soupçonne de vouloir commettre un attentat contre la communauté juive. Une information judiciaire est ouverte pour « entreprise individuelle terroriste ». La qualification est rare, elle est destinée aux « loups solitaires », les radicalisés qui agissent seuls.

Le contenu de ses réseaux sociaux et du matériel informatique saisi chez lui est sans surprise : littérature antisémite ou sur le grand remplacement, traduction française du manifeste de Brenton Tarrant (l’auteur des attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande), soleil nazi et textes guerriers… Tout le magma de la pensée ultra est là.

Mis en examen et incarcéré, le jeune homme, ancien militaire et Gilet jaune, n’est pas une pomme pourrie mais bien le fruit de notre époque.

Les croyances et convictions ne s'effacent pas sur décision gouvernementale. (17)

Le camp d'été annuel [d'Action Française], ou université d'été, est baptisé Maxime Real del Sarte, du nom d'un sculpteur, mutilé de guerre et fondateur des Camelots du roi, les vendeurs du journal de l'association qui faisaient aussi office de service d'ordre jusqu'en 1936, date à laquelle ils sont dissous après avoir attaqué Léon Blum. On y trouve un large panel d'intervenants, qui va de Patrick Buisson à Michel Onfray. (196)

La musique gabber est une électro hardcore, ultra-rythmée, aggressive, transgressive - et festive. On écoute du gabber en prenant de l'ecstasy ou du speed. Née au Benelux dans les années 1990, cette scène cathartique se conjugue avec un engagement politique : il y a des gabbers d'extrême gauche, et d'autres d'extrême droite, les gabberskins qui commettent des actes racistes et sont surveillés par la police. Gabber signifie "ami" en néerlandais, et vient lui-même d'un mot yiddish, ce qui n'est pas sans ironie. (182)

On ne sait pas toujours où commence l'ultra-droite, mais on sait toujours jusqu'où elle peut aller. (142)

Dans la France de la Manif pour tous et de la montée en puissance du mouvement identitaire, ces deux mots ["grand remplacement"] ont un écho considérable. Ils participent au succès de cette nouvelle mouvance par leur capacité à réveiller la vieille peur viscérale de l'invasion. C'est une forme publicitaire scintillante d'efficacité : l'ennemi est là. Et nous allons périr. Se soumettre, ou périr. Être remplacé. Annihilé.
Pas besoin de démontrer, il suffit de montrer. Même pas, d'ailleurs. Il suffit de dire. (107)

[Les Brigandes], un groupe de chanson française adoubé par Jean-Marie Le Pen, entre la folk et la variet', qui s'est fait connaître sur internet par ses paroles nationalistes. Mais c'est aussi une communauté de familles groupée autour d'un homme, Joël Labruyère, ou encore un groupuscule d'extrême droite, selon la commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en France de l'Assemblée - et même une secte, pour la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. (89)

Six militants du Bastion social ou des Zouaves de Paris, dont Marc de Cacqueray-Valmenier, rejeton aristocratique d'une vieille famille et champion de muay thaï, décrit comme leur chef, ce qu'il nie, ont quant à eux été condamnés pour des violences et dégradations commises sur les Champs-Élysées lors de cette même journée de manifestation [du 1er décembre 2018]. (31)

On sait désormais que l’ultra-droite a des relais sur tout le territoire, capables d’accéder à des informations de nature à mettre nos institutions en péril, et de les faire mousser sur les réseaux sociaux pour leur donner la plus grande audience possible. La mèche n’est pas encore allumée, mais la poudre est prête.