La partie continua. Jeanne gagnait, Jeanne perdait. Il lui semblait flotter au-dessus du sol. Son ventre meurtri, ses seins malmenés, elle se sentait comme une étrangère à elle-même. Son corps ne lui appartenait plus, il vivait une vie indépendante, elle le regardait vivre, se débattre. Mieux : elle était son propre voyeur. Tout à coup, un plaisir brutal, sauvage, immense, l'envahit. Elle s'entendit crier, puis gémir. Des dizaines de mains la caressaient, la griffaient, fouillaient ses lèvres, son ventre et ses reins. Elle était ouverte, offerte à tous.
Les belles mains laissèrent retomber les cartes avec lassitude. Jeanne regarda autour d'elle d'un air égaré. Elle était folle. En l'espace de quelques heures, elle venait de perdre plus de vingt mille francs. La veille, elle en avait perdu autant, l'avant-veille aussi... A combien se montait sa dette envers Georges? Elle interdisait à son esprit de formuler le chiffre. Comment faire pour rembourser une telle somme? Impossible d'en parler à Jacques qui, las de payer ses dettes de jeu, l'avait menacée de divorcer si cela se renouvelait.