Alors que s'apprête à sortir sur grand écran le film d'animation
Mars Express de Jérémie Perrin que, personnellement, j'attends avec impatience, d'autant plus que c'est une création originale,
Cédric Degottex nous propose une histoire qui se déroule dans l'univers dudit film, quelque peu avant. Une histoire cyberpunk qui nous fait passer de Terre à Mars et inversement, sur fond de mercenariat.
le cyberpunk est ce courant de SF qui met en scène
la Société du Spectacle de
Guy Debord : dans une oeuvre cyberpunk, le progrès technologique est tel que la maladie, le handicap et la mort sont des aberrations facilement soignables. de ce fait, les arrêts de travail ou même les congés, sans oublier les aides sociales, n'ont plus de raison d'être. L'humanité, aliénée au possible, est augmentée, on parle même de transhumanisme. Ce ne sont plus des gouvernements qui font la loi, mais de grosses multinationales pharmaceutiques, technologiques, divertissantes. Tout est monnayable, y compris et surtout le temps de cerveau disponible. C'est la modernité à son paroxysme. La société dans une oeuvre cyberpunk est ultra-violente, la différence entre les strates sociétales est extrême, la vie privée n'existe pas puisque tout est connectée, la police est fasciste, les riches sont fascistes. Nous sommes en pleine dystopie. Parmi les
oeuvres bien réputées cyberpunk avons-nous le
Neuromancien de
William Gibson, Carbone Modifié de
Richard Morgan, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de
Philip K. Dick… le cyberpunk est profondément pessimiste, sombre, froid, dystopique.
Il y a tout ce que j'aime dans ce roman : un univers crade, violent, où le synthétique épouse volontiers, dans une esthétique érotique, quasi pornographique dégueulasse, la chair humaine. Ce mariage se retrouve dans l'écriture en elle-même,
Cédric Degottex n'hésitant pas à mélanger dialogue, descriptions et actions. Et quand plusieurs personnages parlent en même temps, ou réfléchissent pendant que d'autres parles, c'est transposé de manière simple et efficace sur le papier. J'aime beaucoup oui cette façon d'écrire les dialogues, oui. le cyberpunk, le côté polar noir façon
Dashiell Hammett,
Raymond Chandler, Mars (dieu, que j'adore cette planète, même si ici elle n'est pas mise en avant), Aline et Carlos… Tout ça est un joli cocktail qui me donne encore plus envie d'aller voir le film, de connaître davantage cet univers dont on ne voit finalement qu'une petite partie (mais quelle partie !).
Cédric Degottex est un auteur solide sur ses appuis : il sait construire des personnages, ses dialogues sont très bons, il maîtrise l'esprit cyberpunk. Certains passages descriptifs sont vraiment excellents : comme je disais plus haut la langue reflète cette alchimie contre-nature de l'artificiel et de la chair. C'est froid comme le métal ou une pluie de novembre et on en redemande.
le défaut qui m'a vraiment dérangé est le traitement de la découverte par Aline d'un secret jalousement gardé par Carlos, et on touche là un autre point : le rythme est parfois un peu bizarre, certaines informations ont l'air de n'avoir rien à faire là mais on se les prend quand même de plein fouet…
Mars Express : Tem est une bonne porte d'entrée pour quiconque s'intéresse à la SF mais ne sait pas par quoi commencer et/ou qui s'intéresse au cyberpunk mais qui a peur du
Neuromancien. Accrochez-vous tout de même, parce qu'on n'est pas sur de la pulp fiction non plus.