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Critique de Lenocherdeslivres


Jean-Laurent del Socorro est connu pour ses romans ancrés dans les guerres de religion en France et dans les romans Royaume de vent et de colères, du roi je serai l'assassin ou La Guerre des trois rois. Je n'en ai lu aucun. En fait, je ne connais la plume de cet auteur qu'à travers Morgane Pendragon, sa réécriture du mythe de la Table ronde. Cela ne m'a pas empêché de profiter pleinement des aventures d'Axelle, une jeune femme pétillante et pleine de ressources, agile aussi bien par l'esprit que par l'épée.

Et pourtant, Peines de mots perdus s'inscrit directement dans cette série. La personnage principale, Axelle, est déjà apparue dans au moins un autre livre (La Guerre des trois rois, d'après les résumés que j'ai compulsés, mais vous, lecteurices de Jean-Laurent del Socorro, vous pourrez me le confirmer et me dire si on la retrouve dans d'autres textes) et d'ailleurs, il est souvent fait référence, de façon détournée à ce qui s'est déroulé dans d'autres pages. Mais l'auteur se débrouille bien et cela ne m'a aucunement gêné pour l'immersion dans les histoires ni la bonne compréhension des intrigues.

J'ai écrit « histoires » et « intrigues » au pluriel, car ce roman n'en est pas tout à fait un. Il s'agit plutôt du regroupement de trois nouvelles, trois récits qui se suivent, séparés par des entractes qui résument les évènements se déroulant dans les années qui se sont écoulées entre deux histoires. Car, si le premier texte, « Noir est le sceau de l'enfer » (qui se trouve être un développement d'une novella portant ce titre parue 2022 chez Didaskalie, puis proposée gratuitement par Albin Michel imaginaire à l'occasion de la sortie de Morgane Pendragon) a pour base l'année 1593, le suivant, « La Couleur des donjons », n'intervient que dix ans plus tard, en 1603. le dernier, « Et l'École de la nuit » est encore plus éloigné : il se déroule en 1621. Cette division est une force et une faiblesse. La force tout d'abord : puisque ce sont des nouvelles, le rythme est vif, voire endiablé. On passe de ville en ville, de péripéties en péripétie. Pas le temps de s'ennuyer, on est directement plongé dans le bain. La faiblesse ensuite : sur la fin, j'ai ressenti comme un goût de trop peu. J'aurais bien aimé me poser davantage avec certains personnages, d'autant que l'auteur en lance dans l'aventure en pagaille. Et parmi eux nombre de célébrités.

J'avais déjà rencontré, il y a peu, John Dee et son miroir magique dans le Silex et le miroir de John Crowley. Mais si le personnage et son aura magique et inquiétante restent les mêmes, l'ambiance de ces deux oeuvres est totalement différente. Celle de l'Américain m'a semblé hermétique, empreinte de mystères et tributaire de la bonne connaissance de cette période historique par ses lecteurices. Au contraire, celle du Français est virevoltante, aisée d'accès et claire dans son contenu historique (même quand elle s'en écarte volontairement). Car l'auteur n'hésite pas à prendre quelques libertés avec ses personnages, que ce soit, donc, John Dee, mais aussi Shakespeare ou Marlowe. Il a cependant l'honnêteté de nous en prévenir en fin d'ouvrage et de donner des précisions quant aux changements opérés. Ce procédé de faire intervenir des invités connus n'est pas nouveau. Je pense par exemple à Johan Heliot qui est un spécialiste de l'exercice (par exemple dans La Fureur des siècles ou Guerre & Peur). Et c'est un procédé qui me plait bien quand il est bien utilisé. Ce qui est le cas ici. Les personnages « réels » s'intègrent parfaitement dans le récit.

Ensuite, quelques mots sur le ton. Je sais qu'il est facile et sans doute réducteur de penser, à chaque fois que je lis un roman de style cape et épées à Alexandre Dumas, mais Jean-Laurent del Socorro veut distraire son lecteurice. Et il y parvient tout à fait. Sans rien lâcher sur le plan historique (les repère sont précis et permettent de s'y retrouver sans lourdeur), il fait évoluer ses personnages dans des intrigues rythmées, qui les promènent d'une ville à une autre, d'un pays à un autre. Pas de longues digressions sur les paysages ou le décor. Ce dernier est planté en quelques mots, marquants, qui permettent de bien distinguer les différentes étapes. Et enfin, l'auteur revendique lui-même cette paternité, puisqu'il cite le créateur des Trois mousquetaires à la fin de son ouvrage.

Est-ce pour s'adresser davantage à un public féminin ou parce que le contexte actuel tente de réparer un peu les si nombreuses années où les femmes ont été écartées du pouvoir et de l'action par des hommes méprisants, en tout cas Jean-Laurent del Socorro s'est permis quelques libertés avec l'histoire. Déjà dans Morgane Pendragon, il féminisait considérablement une société essentiellement masculine. Ici, je dois avouer que cela m'a laissé un peu dubitatif. le contour historique en a pâti, au moins au début. Par exemple, la compagnie que dirige Agnès de Loignac, les Quarante-Cinq, était de une compagnie composée exclusivement d'hommes. Ici, seules des femmes en font partie. Mais je peux comprendre ce parti pris. Et une fois l'histoire lancée, je n'ai plus fait attention à ce qui est alors juste un détail. Et cela a donné lieu à quelques scènes bien vivantes, avec langage fleuri et réparties bien méritées. Cela m'a fait sourire, et c'est bien là l'essentiel.

Bon moment de lecture que ces plus de trois cents pages. Enfin un peu moins pour les aventures d'Axelle, car les dernières sont réservées à la traduction d'une oeuvre pour le moins savoureuse d'une femme en colère contre une certaine partie de la population masculine : je vous laisse découvrir le pamphlet, il vaut son pesant de cacahuètes et méritait largement cette exposition. Pour en revenir aux récits de Jean-Laurent del Socorro, ils m'ont séduit et je sens que je vais rattraper mon retard et me plonger dans les affres de cette période terrible en lisant les romans précédents. Et ainsi, découvrir d'autres moments de la vie de la si attachante Axelle.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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