Le théâtre de Slávek

-En connaissez-vous beaucoup ?
- D'heures perdues ? Oui. Les nuits sont longues. Surtout les quinze dernières.
- Vous pourriez les passe à prier.
- Allez savoir si constituer un herbier n'est pas une manière de prier . (p. 387)

Comment peut-on malmener un homme à terre ?

J'aime encore moins que la guerre, le dernier pus qu'elle rend. (p. 354)

J'ai le sentiment d'avoir vécu au bord, au bord du bonheur, au bord d'une scène, au bord d'un pays, mais dans Prague toujours. (p. 315)

Cependant j'attends qu'on me prouve qu'un homme pour vivre, survivre même, n'a besoin que d'eau et de pain. (p. 315)

L'-Orlando Furioso- avait encore meilleur goût ici qu'à Kuks. Les visages blancs, les joues roses, les lèvres carmin des chanteurs, les plumes et les loges, le port au loin, brillaient sous une lumière qui me devait quelque chose. C'était bien peu, et le premier venu aurait pu le faire, mais j'étais content, me sentais, pour la première fois depuis la disparition de mon père, bon à quelque chose, à être quelqu'un, au-delà d'un orphelin. (p. 236)

J'y ai passé la nuit en songe. Dans la ville juive.
Antonin me moquerait de ce que je n'étais l'ami que de gens qui craignaient le feu pour le provoquer plus souvent qu'à leur tour, les boulangers, les gens du théâtre, et les juifs. (p. 218)

Quand je pense théâtre, je pense d'abord musique. (...)
Elle me faisait tout éprouver comme depuis une hauteur. Je m'en sentais mieux humain. En tout cas, le temps qu'elle résonnait, j'étais en paix de l'être. (...)
Toujours, quand j'écoutais de la belle musique très intensément, mes absents étaient moins absents. Il me semblait alors qu'eux et moi étions d'une certaine manière réunis. (p. 193)

Je ne sais pas si un dramaturge tchèque aurait le rire aussi franc que Molière à propos de ces affaires de bigoterie, ou de médecine, ou d'éducation des femmes. Un tchèque y aurait mêlé peut-être un peu plus de mélancolie par endroits et à d'autres plus de folie.
(...) En attendant , Molière m'allait. Il va bien au caractère tchèque, je crois. Pas de finasseries, bon sens, et le parti de rire des hypocrites surtout.
Tout est pertinent chez Molière, tout l'homme est là, et l'on finit la lecture de ses pièces comblé, d'avoir ri de nous-même sans pitié, éprouvé aussi peut-être un peu de tendresse pour nos faiblesses. (p. 115)

Ce n'est pas rien que la lumière. Le petit peuple va la chercher dans les églises, où à force de grands vitraux on a de quoi l'assujettir, dans les belles salles de l'hôtel de ville où siègent ceux qui décident, dans les palais aux sols marquetés de bois chaud et blond. La lumière est le privilège des anges et des princes. Heureux enfant que j'étais, je la trouvais chez moi. (p. 28)