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Lu l'an dernier. Un témoignage que l'on m'avait depuis longtemps chaudement recommandé.
Je l'ai lu d'une seule traite, mais également en apnée... L'écriture est tout simplement magnifique ; c'est elle qui nous aide à "transcender" l'aspect glaçant et indicible du récit !
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Résistante, Charlotte Delbo fut arrêtée au printemps 1942. Après un an de détention en France, elle fut envoyée en camps, à Auschwitz d'abord, puis à Ravensbrück. de son convoi pour Auschwitz (230 femmes, résistantes pour la plupart), elle sera l'une des 49 rescapées, encore en vie 2 ans plus tard. A son retour, elle décide de témoigner et se met à écrire … et décide d'attendre 20 ans avant de publier, pour être sûre de ne publier que si son oeuvre en valait la peine.
Excellente idée à mon avis. D'abord, bien sûr, son oeuvre est majeure, et d'une grande qualité littéraire. Surtout, je suis pas sûre qu'elle aurait eu autant de poids à la libération. Car son oeuvre est constituées de scénettes, de brèves tranches de vie à Auschwitz, et je ne suis pas sûre que toutes les situations soient limpides pour qui découvrirait l'enfer d'Auschwitz de cette manière, plutôt immersive. Il y a quelque chose qu'elle arrive à transmettre remarquablement par cette écriture presque impersonnelle : à Auschwitz il n'y a plus d'individu, et en même temps c'est chacun pour soi, et en même temps chacun voit dans chaque autre un autre soi-même (ce qui suscite l'entraide). L'écriture est remarquable, attentive au rendu des sensations tant dans le choix des scènes que dans les mots choisis ; elle est à la fois simple et très littéraire. Et un témoignage parmi les plus touchants, les plus émouvants que j'ai jamais lu, peut-être justement parce que constitué de flashs, d'images prises sur le vif et gravés à jamais dans sa mémoire
Comment est-on capable de tenir aussi longtemps dans de telles conditions ?
Un livre nécessaire et percutant.
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Je viens de terminer ce livre et j'ai beau connaître l'histoire, les horreurs, ce qu'il s'est passé... ce livre-là m'a vraiment bouleversé (est-ce le bon terme ? Peut-être pas..) Charlotte Delbo écrit bien, elle écrit bien.. Est-ce qu'on peut "bien" écrire les horreurs des camps de la seconde guerre mondiale ? Je ne sais pas, ce que je sais c'est que C. Delbo, elle, réussit à nous faire vraiment prendre conscience de tout ça. J'ai mis 5 étoiles alors que j'ai détesté ma lecture. Mais justement c'est parce que je l'ai détesté que ce livre vaut 5/5. Parce qu'il réussit à nous faire comprendre que tout ça a été inhumain. On comprend l'incompréhensible.
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je suis toujours aussi estomaquée par le fait qu'en france presque personne ne connaisse charlotte delbo, alors qu'elle a tant de notoriété outre atlantique. pourtant, elle est française, pourtant, son époux a donné sa vie pour libérer le pays, et elle a presque laissé la sienne à auschwitz et ravensbrück. mais personne ne se souvient d'elle, malgré la richesse de ses témoignages et la beauté glaçante de ses poèmes.

et si, au lieu de mettre en valeur des livres comme le tatoueur d'auschwitz (qui romantisent les camps de concentration, qui colportent des idées fausses sur les camps et qui sont écrits non pas pour documenter sur la shoah et les déportations, mais pour être des bestseller) on mettait en valeur charlotte delbo et son oeuvre impressionnant ? et si on écoutait les témoignages des victimes du nazisme au lieu d'inventer des romances totalement déplacées et irrespectueuse se déroulant dans des lieux où des millions d'innocents ont été assassinés ?

moins de best-sellers sur les camps de concentration, plus de témoignages de déportés. ça me paraît être le minimum syndical quand on prétend se battre pour le devoir de mémoire.
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Passionnée par les récits de vies et autres témoignages de rescapés de la Shoah et des camps de concentration, voici plusieurs mois que j'avais entendu parler des livres de Charlotte Delbo, sans vraiment parvenir à les trouver. C'est aujourd'hui chose faite avec ce tome 1 de la trilogie Auschwitz et après (trouvé à l'espace culturel Leclerc, aux Editions de Minuit, collection double).

Charlotte Delbo (née en 1913) a été déportée (par le convoi du 24 janvier 1943 dont seules 49 femmes sur 230 reviendront) pour son appartenance au Parti Communiste Français et pour faits de Résistance. Son mari (Georges Dudach), lui, a été fusillé au Mont-Valérien le 23 mai 1942. Elle restera à Auschwitz jusqu'au début de l'année 1944, date à laquelle elle est transférée à Ravensbrück jusqu'en avril 1945 (soit 27 mois de déportation).

Ce livre, elle l'a écrit à son retour, dans un cahier. Sans doute pour ne rien oublier des images qui la hantaient. Elle ne le publiera qu'en 1970 sans doute après avoir retravaillé à sa rédaction afin de le rendre plus supportable pour qui n'a pas connu de tels faits et après l'avoir complété de textes plus "poétiques" mais néanmoins très réalistes.

Car, faut-il le dire, cette lecture n'est pas une partie de plaisir !
De la même façon que l'a fait Alain Resnais avec son film documentaire Nuit et Brouillard sorti en 1956, Charlotte Delbo contribue, avec ce témoignage qui n'est pas un récit mais qui a néanmoins une valeur universelle, à informer sur ce qui a été et la façon dont elle l'a vécu, à faire un devoir de mémoire vis-à-vis des victimes et, peut-être, en l'écrivant et en le partageant, faire oeuvre de catharsis.

Sur le fond, Charlotte Delbo met des mots et des images insoutenables sur ce qui a fait son quotidien à Auschwitz et la façon dont celui-ci s'est imprégné dans son esprit, son corps et son coeur : la durée interminable des appels ; le froid qui tétanise ; la poussière qui assoiffe ; la faim qui dévore ; la soif inextinguible ; les nuits très courtes et agitées dans la vermine et les poux ; la peur au ventre de faire, de ne pas faire, de mal faire ; l'hygiène déplorable quand le corps ne peut plus rien retenir ; les travaux harassants ; l'omniprésence de la violence et de la barbarie ; la mécanique bien rôdée de l'extermination de masse... Mais aussi, la déshumanisation, la délation, les mécanismes de survie qui se mettent en place et tendent à ne plus se défendre ni protester, à ne plus aider, à ne plus agir et réagir quand, à son côté, l'une des leurs se laisse tomber et finit par mourir. Et également, cette peur insidieuse chronique qui, tel un linceul, colle à la peau au point, à un moment donné, de penser préférer la mort à la vie.

Sur la forme, ce témoignage est particulièrement atypique. D'une part, car il ne s'agit pas d'un récit linéaire mais d'une succession de courts textes, de formes et de tailles différentes, qui s'impriment dans l'esprit du lecteur comme autant d'instantanés pris sur le vif. A plusieurs reprises, l'auteure écrit qu'elle est au café en écrivant ses textes... Il y a là comme une distorsion entre une réalité heureuse et une narration particulièrement macabre, comme pour témoigner de la déchirure (voire la culpabilité) qu'elle continue de ressentir face à ce retour. Elle dit d'ailleurs, à un moment, qu'elle n'est pas tout à fait revenue.
Et puis, d'autre part, il y a ce rythme des phrases et des mots. Des phrases pas toujours ordonnancées comme on l'attendrait : entre autres "Aucun de nous ne reviendra" qui reviennent comme un leitmotiv témoignant qu'elles ne se faisaient plus trop d'illusions sur leur prochaine libération, mais aussi, là encore, que celles qui en sont revenues, ne seront plus jamais les mêmes.
Les mots : la description du froid ressenti sur les corps, la soif ressentie par Charlotte qui l'obligera à prendre des risques, les ordres aboyés par les Allemands et les kapos, la description des "fantômes" du block 25 et des cadavres dénudés qui s'amoncellent et qu'il faut charrier, les odeurs... des mots choisis, concis, pesants, crus même, répétés, martelés, accompagnés d'adjectifs précisant encore plus les choses... contribuent à ancrer dans les yeux et l'esprit des lecteurs des images insoutenables... comme pour dire, nous allions à marche forcée vers la mort...
Faites en sorte, lecteurs, de ne jamais oublier ce qui a été fait là !

Et Charlotte Delbo de préciser en exergue de son livre : "Aujourd'hui, je ne suis pas sûre que ce que j'ai écrit soit vrai. Je suis sûre que c'est véridique."

Pour ma part, au-delà de l'aspect informatif que je connaissais déjà, j'ai été bouleversée la concision de ses écrits, par le poids de ses phrases, de ses mots, et des images très (trop ?) réalistes qu'ils génèrent.
Une fois de plus, je reste pantoise face à l'indicible qu'elle parvient ici, avec le recul, à mettre en mots et je n'arrive toujours pas à comprendre comment ce peuple de gens éduqués qu'étaient les Allemands ont pu en arriver là. Comme j'ai pu le ressentir face au visionnage de Nuit et Brouillard, cela dépasse mon entendement. Et je suis encore plus abasourdie lorsque j'entends dire, ici ou là par d'habiles révisionnistes, que cela n'a jamais existé. Mais peut-on inventer de telles images ? de tels ressentis ?

J'ai été aussi particulièrement touchée et émue aux larmes de voir comment des femmes fortes, responsables et courageuses (elles étaient pour la plupart politisées et résistantes) ont pu, du fait des privations, des travaux exigés et des mauvais traitements, devenir cette masse soumise, indéterminée et nauséabonde, sans plus aucune dignité ni individualité, souvent plus désireuses de la mort que de la vie.
Et je suis encore plus abasourdie par cette extrême capacité de résilience qui a permis à certaines d'entre elles de s'en sortir et de continuer, bon an, mal an, à avancer dans la vie tout en assumant d'importantes responsabilités.
Qui aurait aujourd'hui le courage de ces femmes ?

Les tomes 2 de la trilogie Auschwitz et après sont :
Une connaissance inutile (1970)
Mesure de nos jours (1971)
Dans un autre livre publié en 1965, l'auteure évoque le convoi du 24 janvier.

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« Un cadavre. L'oeil gauche mangé par un rat. L'autre oeil ouvert avec sa frange de cils.
Essayez de regarder. Essayez pour voir. »
Ce n'est pas une romance à la couverture trop acidulée, où Auschwitz simple décor devient un argument marketing. Engagée politiquement, Charlotte Delbo fut déportée à Auschwitz en 1943. Elle a éprouvé la faim, la soif, la mort, partout, jusqu'à la libération. Elle est une survivante des camps.

« Je bois. Je bois et je suis mieux. La salive revient dans ma bouche. Les paroles reviennent à mes lèvres, mais je ne parle pas. le regard revient à mes yeux. La vie revient. Je retrouve ma respiration, mon coeur. Je sais que je suis vivante. »

Les mots peuvent paraître dérisoires face à l'innommable, ce n'est pas le cas dans Dans Aucun de nous ne reviendra et Une connaissance inutile, les deux premiers carnets écrits par Charlotte Delbo
L'indicible expérience est au coeur des mots qui l'épousent. Certains passages, au point de vous interrompre.
« Je lutte contre ma raison.
On lutte contre toute raison.
La cheminée fume, le ciel est bas. La fumée traîne sur le camps et pèse et nous enveloppe.
Et c'est l'odeur de la chair qui brûle. »

Le véritable tour de force, écrire avec le silence. Alors, le fragment est aussi bien la parole qui s'interrompt dans cet atroce infini, que le silence du lecteur qui reprend son souffle entre deux « l'appel », deux « le matin ». Je ne savais pas que tant d'horreur pouvait se cacher derrière l'apparente insignifiance de ces deux lettres, jusqu'à comprendre que c'est justement l'insignifiance le coeur du problème.
« On attend le jour parce qu'il faut attendre quelque chose.
On n'attend pas la mort. On s'y attend.
On n'attend rien.
On attend ce qui arrive. La nuit parce qu'elle succède au jour. le jour parce qu'il succède à la nuit.
On attend la fin de l'appel. »

S'ils pouvaient être comptés, mais il n'y a pas de terme à la permanence de l'horreur. Avec cette force de la pudeur des mots, Charlotte convoque les sens et écrit l'expérience indicible, afin qu'elle ne devienne pas invisible.

« Saviez-vous que la souffrance n'a pas de limite
l'horreur pas de frontière
Le saviez-vous
Vous qui savez. »
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Que dire de ce livre, sinon qu'il est le témoignage o combien tragique de ceux qui sont revenus d'ou l'on ne revient pas. Doit elle sa survivance à son extraordinaire courage, sa lucidité, son sens de la camaraderie, une santé particulièrement robuste, un désir de vivre, de survivre peu commun, ne jamais renoncer... voici le témoignage d'une époque que l'on a la chance de ne pas avoir vécu...
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Une gifle monumentale.

L'écriture de Charlotte Delbo n'y est certainement pas pour rien : une plume spectrale teintée de prose et de ténèbres abyssales.

La sensation de lire les flashs bouleversants d'un corps désincarné qui revit inlassablement les traumatismes qu'il a vécus.

Une lecture d'une puissance inouïe.
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Charlotte Delbo nous parle de l'Enfer.
Son récit est précis.
Elle raconte l'horreur subie chaque minute
mais aussi l'organisation spontanée de la solidarité
entre ces femmes, " les politiques".
"La tête haute ou les pieds devant'
Il y a la tentation de se laisser mourir,
ce serait assez facile dans ce camp..mais..
Vivre jour après jour, le corps au bord de l'abandon
et l'esprit qui s'égare captif du froid,de la faim...
Elle nous livre sa soif inextinguible
qui envahit sa bouche son corps son âme
et la rend folle. la folie pourrait être un recours .
Elle ne cherche pas à nous choquer,
Elle témoigne pour toutes celles qui y sont restées.
Elle dit la survie avec une certaine circonception
puis, elle s'inquiète vraiment que nous réalisions bien
ce qu'elle nous décrit par le menu.
Les voyez vous? Pourriez vous les regarder?

"Aucune de nous n'auraient dû revenir"
Ces mots, pour clore ce premier tome..
Ce devoir de mémoire nous remue,
il nous enseigne mille choses,
pas simplement sur les camps ,
mais la vie ,la résistance, la résilience ,l'altérité ...
Ce malaise qui nous étreint n'est rien
en rapport à l'ignominie vécue par tant de victimes.




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L'enfer des camps où les femmes étaient envoyées.
Ce sujet, qui n'est que peu souvent traité, est raconté avec une certaine distance grâce à des allusions au présent, pour peut-être essayer de creuser un fossé entre ce temps horrifiant.
De plus, grâce à la description très détaillée des différentes situations, on peut acquérir une image plus nette des conditions affreuses des camps. Pour illustrer ce propos, on apprend que la soif était l'un des fardeaux les plus lourds, et que pour en obtenir, ils pouvaient aller jusqu'à boire le bain de tisane mousseux qui avait auparavant servi à nettoyer les pieds de leurs supérieurs. Via cet exemple, on trouve une dénonciation de l'abaissement de leur statut au rang d'animaux (déshumanisation) et de l'esclavagisme des juives et des femmes au camps.
On remarque aussi le grand nombre de répétitions qui crée une atmosphère pesante, écrasante, faisant référence au quotidien morne et monotone des prisonniers des camps. Les mots sont froids, crus, saccadés, Charlotte Delbo ne cache pas ce qu'elle a vu, elle le fait connaître, nous fait prendre conscience d'un réalisme inconcevable, ce qui renforce encore la noirceur du récit. Elle présente une vie sans âme, une histoire sans ponctuation. Quand elle fut enfin libérée matériellement des camps, elle a pu revenir chez elle. Mais a-t-elle pu vraiment continuer sa vie d'avant comme si rien ne s'était passé, comme si rien ne l'avait détruit ? Non. Personne n'a pu rentrer de ces camps : soit la mort les en a empêchés, soit les souvenirs atroces les ont anéantis.
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