"Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le quotidien, c'est ce qu'il y a de plus difficile à partager."
Il va faire son marché, avenue de Saint-Ouen, et c’est dimanche. Une petite phrase de Goscinny chante en lui, lui revient de l’époque où il lisait les épisodes du «Petit Nicolas» dans le journal 𝘗𝘪𝘭𝘰𝘵𝘦 : « Un marché c’est comme une cour d’école qui sentirait bon ». Des deux côtés de l’avenue, c’est une jolie cour d’école. Il fait beau, l’air a cette fraîcheur d’eau qui précède au matin les journées les plus chaudes. Avenue de Saint-Ouen, toutes les rues autour sont rassemblées : rue Marcadet, rue Championnet, rue Ordener, rue Vauvenargues, rue Lamarck. Le béret kabyle, la casquette à l’envers et le bibi désuet se côtoient sans effort. Arnold Spitzweg est là comme un poisson dans l’eau. C’est la vraie vie. Un quartier populaire.
Un bonheur , comme a chaque lecture de Delerm...je l'ai lu un dimanche pluvieux, par hasard, et c'est encore mieux....
"[...] les gens vivent beaucoup dans le regard de l'autre."
Les marronniers sont juste un peu plus pâles dans le square Carpeaux.Il fait encore très beau,très chaud.Mais monsieur Spitzweg l'a bien senti.Un je-ne-sais-quoi de trop sucré dans le soleil de fin d'après-midi.Une brume plus fraîche dans la rumeur du petit matin.L'automne va commencer.
Le fleuve coule et la rumeur semble emporter tous les poissons dans le même courant. Mais deux espèces nagent côte à côte et on ne choisit pas sa race. Il y a les regardants, les regardés, et les seconds ont besoin des premiers.
À tant s'analyser, Monsieur Spitzweg est allé jusqu'à inventer ce bien étrange paradoxe : "J'ai de la mémoire, car je n'ai pas de souvenirs"
À tant s'analyser, monsieur Spitzweg est allé jusqu'à inventer ce bien étrange paradoxe : « Oui, j'ai de la mémoire, car je n'ai pas de souvenirs. »
Dehors, les quais sont presque bleus, dans la lumière de septembre. Mais monsieur Spitzweg est ailleurs. Il s'habille de neuf, et commence à finir.