La tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives

Un arc de triomphe en béton brut de décoffrage. Au-delà, un haut rectangle de lumière éclabousse l’avenir si proche, une rumeur encore imperceptible et dont il sait qu’elle va s’enfler, déferler dès qu’il apparaitra.

L’épreuve reine, sans doute à cause de cet isolement de samouraï qu’il faut avant de tout donner. Le silence angoissant descend par vagues sur le stade. La plus haute des solitudes. Un présent absolu.

Mais une ligne dans le journal donne parfois autant de plaisir, en réveillant le pouvoir d’imaginer qu’on croyait avoir abandonné avec l’enfance.

Et toutes les choses que l'on a manquées de justesse sont tellement pus grandes que celles qu'on a réussies.

C'est un Nord indécis, aux marches de l'enfer, dans une glaise mentale qui prend à contre-pied les velléités pascales du sous- bois. S'y enfoncer,ne pas s'enliser pour faire partie des rescapés, ceux qui se trouveront en tête au presque bout du bout: le carrefour de l'Arbre. S'il pleut , la boue, s'il fait beau, la poussière. Les cuissards, les maillots fluo vont s'effacer dans le brun cendre, le sépia ; les photos seront d'autrefois.

C'est tellement fort, la mélancolie - un peu comme l'adolescence. Et toutes les choses qu'on a manquées de justesse sont tellement plus grandes que celles qu'on a réussies.

Le curling est un sport bizarre, car à la hiératique perfection du geste lent succède le frotti-frotta ridicule et surexcité de deux autres joueuses qui tentent de guider avec leur balai la pierre livrée au destin de sa glisse.

Combien de temps sont-ils restés au coude à coude dans l'ascension de ce puy de Dôme 1964 ? Cela ne se compte pas en minutes, en secondes. Ce coude-à-coude là, c'est de l'éternité. Pour la première fois vraiment, on sait qu'Anquetil peut perdre le Tour de France contre Poulidor.

Les marathoniens disent qu'ils pensent à ceux qu'ils aiment, à Dieu ou au destin. Mais les coureurs de 100 mètres ne peuvent songer qu'à eux-mêmes, cristalliser dans de minuscules rituels techniques l'espoir, l'attente accumulés depuis des années.

Qui a jamais vu un but marqué à la suite d'un corner à la rémoise ?