Nous souffrons beaucoup par le cœur, oui, je ne le nie pas, mais c’est par lui aussi que nous avons nos plus délicieuses jouissances, c’est par lui que nous aimons, c’est lui qui nous permet de répondre à l’amour infini de notre Dieu et nous soutient à travers la vie par des affections données ou reçues, par le charme des relations de famille et d’amitié qui seraient si vides et sans fondement sans ce cœur que vous semblez redouter, de même que la religion, dépourvue de l’attrait de l’amour divin, nous laisserait indifférents. Non, je ne regrette pas d’avoir un cœur, croyez-le.
Les allées descendaient en pente douce jusqu’à une petite châtaigneraie où se trouvaient disposés quelques bancs. Une herbe fine couvrait le sol, cachant les derniers restes des sentiers primitivement tracés dans ce bois. Au sortir du jardin très découvert, on ressentait ici une impression de bien-être, car le soleil déjà brûlant
tamisait ses rayons à travers le feuillage doucement agité par une brise fraîche venue de la montagne, et l’œil ébloui par un trop vif rayonnement trouvait un repos délicieux dans cette ombre piquée seulement de points
lumineux.
On devinait en lui, sous la froideur voulue, une âme éprise des beautés de la nature et profondément attachée au pays natal, une intelligence très pénétrante et extrêmement cultivés.
On ne reste pas toujours enfant, ma pauvre Angèle, et le moment vient quand même des dures révélations de la vie. Huguette en a été préservée jusqu’ici, j’aurais voulu les lui éviter encore, mais elle a dix-neuf ans, son éducation est terminée, il lui faut connaître l’existence telle qu’elle se présente pour elle.
Nous n’avons pas du tout la prétention de lui imposer nos idées et elle gardera toujours parmi nous sa liberté de juger et de penser.