Citations sur Hanah Baxter : Dust (131)
………. je trouve que nous sommes conditionnés, pris dans un système de consommation qui vous broie à la longue, de constantes exigences de performance, si on n’est pas le meilleur, on n’est rien.
C’est ce qu’on appelle paradoxalement « civilisé ».
Mais je ne suis pas sûr que ce soit vraiment ça, être civilisé.
Les pays colonisateurs n’ont rien de « civilisé ». C’est la soif de conquêtes qui les motive, ainsi que le gain et la conviction qu’ils détiennent la Connaissance.
Quand on plonge dans le monde de l’Afrique avec un regard vierge, tout cela vole en éclats.
Bien que les stigmates de la colonisation soient encore perceptibles et que, après l’avoir sucé jusqu’à la moelle, les pays colonisateurs aient laissé ce continent livré à lui-même, dans un chaos indescriptible, on sent une force et une sagesse singulières, la vie et la mort étroitement mêlées, les hiérarchies bousculées, une autre approche de l’humain …, bref des notions qui remettent les choses à leur place…
L’Afrique n’était pas seulement un Disneyland destiné aux amateurs de safaris proprets, c’était ça aussi, les mouches pondant leurs œufs sur la barbaque pourrissante au soleil, le dard des anophèles vecteurs du palu ou de la fièvre jaune, les hordes de gosses dépenaillés sniffeurs de trichlo et tueurs à la petite semaine, les lépreux exhibant leurs moignons nécrosés au coin des rues, les ethnocides à l’origine des massacres les plus sanglants, le paradis des mercenaires et des aventuriers, la terre du diamant mortifère, les mines d’or, le pétrole, la drogue, la corruption à haut niveau, le sida endémique, les gangs et les dictateurs sanguinaires, la haine du Blanc, les croyances fêlées et meurtrières …
........... L’Afrique était ………….. une matière noble, salie et ravagée à force d’usure et d’exploitation ….
Hanah retrouvait l'Afrique. Ses couleurs gueulardes, sa musique, sa crasse, ses villes tuberculeuses aux poumons saturés.
Bienvenue à Nairobi!
Éradiquer le trafic d'albinos était une tâche essentielle, autrement plus dense que la traque d'un tueur en série isolé. Car il s'agissait de tout un système corrompu, pourri jusqu'à la moelle, permissif et vénal, où on tolérait les prémices d'un véritable génocide.
Ainsi équipée, les épaules mates et luisantes au soleil, le visage en feu, le maillot moulé sur une poitrine ferme et les muscles tendus, Hanah avait tout d’une guerrière. Une amazone armée d’un fusil-mitrailleur à la place d’un arc.
Pressée d’en finir avec cette emmerdeuse professionnelle, la secrétaire s’exécuta en émettant ce petit bruit de succion propre aux Africains lorsqu’ils veulent exprimer leur indignation ou leur mépris.
Il faisait le sale boulot, il le savait. Rien de bien gratifiant à essuyer la merde de la police devenue impuissante. Mais l'Afrique, il fallait la nettoyer de sa pourriture, décaper la saleté pour en faire réapparaître l'éclat.
Dès qu'elle mit un pied sur la passerelle, les yeux cernés d'un dégradé de violets, la profileuse sentit l'air chaud s'insinuer jusqu'à la racine des cheveux. La caresse de l'Afrique sur sa nuque. Il était à peine 7 heures du matin.
Juste à cet instant, elle aurait aimé avoir les cheveux longs pour les abandonner au tendre jeu du vent.
À la confirmation de l’identité du corps mutilé, la bouche de Collins se contracta douloureusement.
— Aka Merengue ! Ils ont osé s’en prendre à elle… Sa voix vibra comme une corde cassée.
— Qui est-ce ? demanda Hanah.
— La fondatrice de la Ligue de défense des albinos d’Afrique. Une jeune femme d’un grand courage à qui, il y a une dizaine d’années en effet, un de ces chasseurs d’albinos avait réussi à couper un bras presque devant chez elle. Il était sur le point de l’achever lorsqu’une voiture de police est arrivée. Aka a survécu par miracle à cette mutilation sauvage et, grâce à son combat, elle a même gagné une place au Parlement. Mais elle était seule face à toute cette corruption. Ça ne pouvait que finir comme ça pour elle.
Dans de nombreux pays d’Afrique, dont le Kenya, l’albinos est considéré comme un être aux pouvoirs surnaturels ou, parfois, comme une créature maléfique. Les sorciers diffusaient ces croyances auprès de la population en promettant longue vie, richesse et pouvoir à qui consommerait des poudres et des substrats obtenus à partir des membres, des organes ou des cheveux d’albinos, qui se vendaient à prix d’or. Face à ce marché juteux, la chasse aux albinos se répandit en Afrique avant les années 2000, prenant au fil du temps un essor inquiétant.