Ce doux matin de printemps avait cueilli Hanah en bas de l’immeuble, dans une effusion d’essences végétales mêlées aux remugles urbains. Fixés à leur branche comme des chrysalides pointaient les premiers bourgeons, luisants au soleil.
La vie coulait de nouveau dans les artères de la ville, même si elle ne s’était jamais tout à fait arrêtée. L’hiver avait été long et rude, et Big Apple avait vécu au ralenti. La reprise se faisait sentir, un flot humain incessant au milieu des voitures, taxis, trams, vélos, motos, avait commencé à l’assaillir. Et puis, tout s’était figé dans l’espace aseptisé du service de pneumologie où elle avait rendez-vous avec Fred Dantz, son pneumologue et ami.
Elle apportait les radios qu’elle avait passées la veille dans un cabinet privé. Au terme de la séance, le radiologue avait analysé les clichés d’un air perplexe sans trop se prononcer et avait conseillé à Hanah de prendre d’urgence un rendez-vous chez un chirurgien thoracique. Sous le coup, elle avait appelé Dantz. Pour elle, il se rendait souvent disponible malgré sa charge de travail. Les pathologies pulmonaires étaient en nombre croissant dans les mégapoles. Pollution, particules fines, gaz, poussières et pollens formaient un cocktail nocif. Prudente, Hanah avait arrêté de s’empoisonner davantage avec la cigarette depuis des années, se rabattant plus récemment sur le vapotage aux arômes de vanille, caramel, cannelle, gingembre et autres épices.
Silencieux et concentré, un sourcil relevé, sa mèche blonde lui balayant le front à la Redford, Dantz observait avec attention les radions alignées sur le tableau rétroéclairé. Assise sur un siège à côté de lui, Hanah attendait, l’estomac noué.
Etrangement, ce n’est pas au cours d’une messe qu’elle sent vibrer la foi des hommes, mais bien plus dans ces moments de vacuité, où, venu pour visiter et découvrir, gagné par la puissance du lieu sacré, même le profane s’abandonne à une prière, une foi peut-être éphémère mais sincère à cet instant.
Coït ininterrompu, animal repu.
En semaine, il devait y avoir des permanences. Les membres étant des bénévoles, sans doute retraités pour la plupart. Ceux qui, c’est bien connu, disposent de l’emploi du temps le plus chargé.
Pour croire avec certitude, il faut commencer par douter (Sœur Anne)
Vous connaissez tout le travail du subconscient… Il vous envoie des alertes, des signaux qu’il faut savoir écouter et interpréter.
« Il n’y a qu’une minute de la vie à la mort. » Chateaubriand
La lumière est façonnée par les ombres et l'ombre n'existe pas sans la lumière. Ainsi, le jeu des nuages avec le soleil projette-t-il sur la terre un panorama de contrastes étonnants. Infinis. Il en va de même pour l'âme humaine. Aussi noire que lumineuse, avec, entre les deux, quantité de nuances de gris. ( p 406 )
Au-dessus d'elle, dans le rectangle du velux, la nuit pâlissait imperceptiblement. Une nuit sans étoiles, comme bien souvent à Big Apple. Les étoiles étaient dans la ville. Brillant de mille artifices, trompeuses, envoûtantes et vides.
La vérité est au bout… Les mots de son père tapent contre ses tempes.